La relation au cœur des soins spirituels
L’année 2023 marque les 25 ans de ce qui était au départ un projet novateur, distinctif et inclusif : celui de regrouper les services de soins spirituels de la grande région de Québec et ainsi créer le Centre Spiritualitésanté de la Capitale-Nationale (CSsanté)
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Ce projet d’envergure répondait à la volonté des établissements de santé (CHU de Québec–Université Laval, CIUSSSCN, IUCPQ) d’assurer le fonctionnement au quotidien des services de soins spirituels, en collaboration interdisciplinaire, afin de répondre aux besoins spirituels et religieux des usagers hospitalisés et hébergés, et ce, dans le respect de leurs croyances et de leur culture.
Une relation qui sort de l’ordinaire
Depuis, le CSsanté, n’a jamais cessé de croire en la relation de soutien et d’accompagnement spirituels apporté aux usagers dans le réseau de la santé. En effet, d’après un court sondage effectué auprès de la trentaine d’intervenant(e)s en soins spirituels (ISS), la relation a été identifiée comme étant ce qui caractérise profondément les soins spirituels. C’est dans la qualité de cette relation qui sort de l’ordinaire avec les usagers et leurs proches que la spiritualité peut se frayer un chemin.
Aller à la rencontre de la personne
En complémentarité avec leurs collègues qui offrent des services sociaux, des soins physiques ou psychologiques, les ISS vont à la rencontre de la personne pour l’écouter et l’accompagner dans son expérience profonde telle que vécue, et ce, afin de l’aider à puiser en elle les ressources qui répondent à son désir de mieux-être. Dans un article du journal
La Presse paru en décembre 2020, Jacques Cherblanc, professeur à l’Université du Québec à Chicoutimi dit :
« Les intervenant(e)s en soins spirituels dans les services de santé disent que la spiritualité est une ressource interne qui permet de donner un sens à sa vie et de faire face aux souffrances ».
Le CSsanté est également fier de contribuer à l’enseignement, à la recherche et au rayonnement de la spiritualité comme ressource interne en santé.
Pour le célébrer ses 25 ans, des actions se dérouleront tout au long de l’année!
Bon 25 ans de soins spirituels!
Quelques témoignages
Témoignages d'usagers et de patients
Julie A.
J'ai accompagné mon père durant tout le temps qu'il a passé à l'unité des soins palliatifs de l'hôpital du Jeffery Hale, de mai à août 2022.
C’est à ce jour, la plus grande épreuve que j'ai traversée dans ma vie: celle d'accompagner mon âme sœur, un pilier de mon existence, dans la perte rapide de ses capacités. Il n'y a pas de mot qui puisse décrire la perte de sens associée à la maladie, à la mort. C'est cette perte de sens qui creuse les yeux, qui pèse sur les épaules, qui serre le cœur un peu plus chaque jour. Mon père ne voulait pas mourir, il voulait vivre, et il s'est battu jusqu'à la fin. C'est injuste. Dans ces moments particulièrement difficiles, l'équipe m'a proposé un accompagnement spirituel avec Nancy. Sincèrement je ne crois pas que j'aurais pu traverser cette épreuve sans l'écoute active, le soutien, la compassion de Nancy. Quand tout ce qui a du sens s'écroule, il faut pourtant continuer, et redéfinir un peu plus le trajet de son existence. Il faut retrouver son souffle. Les soins spirituels c'est la médecine de l'âme. Ils se logent au même titre que les soins médicaux dans les milieux de soins. C'est ce caractère essentiel que je souligne ici. Merci encore pour ton soutien Nancy, il a été majeur l'été dernier.
À l'hiver 2023, J'ai suivi un atelier de méditation auprès de Nancy Kelly suite à un diagnostic de cancer du sein. Son professionnalisme, sa bienveillance, sa douceur dans le cadre de celui-ci m'ont apporté beaucoup de réconfort et une forme de bien-être intérieur dont j'avais tant besoin pour m'apaiser dans ces mois de pure tourmente.
Sa guidance, sa faculté à susciter chez moi des réflexions et des pensées pertinentes et durables dans un contexte de maladie et de fragilité émotionnelle m'ont permis de traverser plus sereinement ces semaines hivernales où l'opacité dans ma vie était bien présente.
Plus encore, c'est son humanité et sa façon de créer des liens fraternels et chaleureux entre les participants du groupe qui ont rendu l'expérience encore plus enrichissante et humaine.
Elle a une bonne compréhension de ce que vivent les participants et, combiné à sa tendresse, l'atelier s'en est trouvé bonifié. Merci Nancy!
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Témoignages du personnel
Irma Louis,
assistante du supérieur immédiat, Centre d’hébergement Sacré-Coeur
Votre intervention et votre engagement aident les résidents et leur famille à passer à travers la maladie, l’isolement et le désespoir.
Merci de votre présence dans la vie des résidents et pour votre collaboration au sein de notre équipe de soins.
Katy Rodrigue, chef d’unité de vie et Julie Robinson, gestionnaire de milieu de vie, Centre d’hébergement de l’Hôtel-Dieu du Sacré-Coeur
Les soins spirituels réalisés au sein de notre établissement démontrent indéniablement les bienfaits de cette approche. On peut se rendre compte que ces accompagnements augmentent le niveau de confiance de la personne et abaissent la charge d’anxiété en lien avec les pertes subies.
Notre intervenante en soins spirituelles souscrit une approche globale aux patients. Elle permet à ceux-ci d’établir leurs repères dans la maladie, d’entreprendre certaines réconciliations et de mieux s’adapter à leurs conditions de vie, dans cette période où ils ont tendance à être grandement ébranlés.
Tout en respectant les valeurs et les rites de chacun, elle assure un accompagnement personnalisé. Elle permet aux résidents une quête de sens empreinte des valeurs et des attentes de ce dernier, ce qui peut grandement adoucir les moments difficiles, non seulement pour la personne, mais aussi pour son entourage.
Un agent d'intervention, Institut universitaire en santé mentale de Québec
Lettre de remerciement pour Sylvie Boulet, intervenante en soins spirituels
Je tiens à te remercier en mon nom et en celui de tous les clients de l'hôpital pour tous les beaux moments de joie, de bonheur et de partage que tu apportes dans nos vies. Cela passe par tes talents d'écoute sincère des autres, de communication hors du commun tant individuellement qu'en groupe. Des bons conseils donnés à tous et chacun. Et que dire de ton talent de chanteuse et musicienne pour couronner le tout. Tes activités et rencontres sont toujours un bonheur pour nous tous. Et sans oublier ton humour, sourire et ton rire contagieux. Merci de nous le partager, c'est un privilège pour nous tous!
Éric, stagiaire - automne 2022
Allo Sylvie, merci beaucoup pour les photos. Et surtout un gros merci pour ton accueil et les 3 jours passés ensemble. Franchement, je dois dire que tu m'impressionnes. Quel beau travail que tu accomplis auprès de toutes ces personnes. La foi t'habite, ça ne fait aucun doute.
Bien à toi!
Une intervenante, Institut universitaire en santé mentale de Québec
Mot concernant les ateliers spirituels animées par Sylvie Boulet, intervenante en soins spirituels
Ces activités sont grandement appréciées au M-25 de l'institut, particulièrement par les usagers qui en bénéficient par leur participation. Ils sont très enthousiastes et y participent en grand nombre. Ces activités mettent de la vie, de l'ambiance et du dynamisme dans le groupe. Merci !
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Témoignages d'intervenant(e)s en soins sprirituels
Le miracle du carpe diem ou de l’ici et maintenant
Par Martine Fortin, intervenante en soins spirituels
Centre intégré de cancérologie (CIC) – CHU de Québec–ULaval
C’est avec beaucoup d’émotions que je me souviens de l’été 2003 où j’ai débuté ma carrière comme intervenante en soins spirituels à L’Hôtel-Dieu de Québec après avoir été plus de 20 ans dans le communautaire. Déjà, je pressentais que je vivrais plusieurs années de bonheur, de défis et d’invitations à apprivoiser l’impuissance qui émerge au contact de la souffrance.
À la relecture de ces années de pratique, particulièrement en oncologie et en soins palliatifs, je constate comment j’ai dû demeurer attentive au langage utilisé par les personnes malades et leurs proches qui tentent de dire, pour ne pas dire crier, leur quête de sens. Recherche provoquée par cette brèche qui emporte avec elle, bien souvent, les mots voulant exprimer la peur, l’angoisse et la colère, mais aussi l’espoir et l’espérance de pouvoir s’appuyer sur des repères inexplorés et pourtant à l’intérieur de soi. Comme intervenante en soins spirituels, j’ai eu à apprendre ce nouvel alphabet de mots utilisés par les personnes meurtries par la maladie pour tenter d’exprimer leur « mal à l’être ».
Je constate que cette recherche intérieure, ce désir profond de contacter le calme et la paix, est commun à tout être humain. Toutes ces personnes que j’accompagne, qu’elles aient 30-40-50-75 ans-, crient haut et fort ce désir de vivre et d’accéder à cette paix permettant de poursuivre leur route avec dignité.
Tous ces accompagnements vécus au fil des années, toutes ces histoires si uniques entendues ont été pour moi une école de vie, une école de résilience. Oui, ces centaines de personnes ont été, et sont encore aujourd’hui, mes maîtres. Plusieurs d’entre elles se disaient incroyantes; et pourtant ce sont elles qui m’ont enseigné la foi et la confiance.
Au terme de ma carrière, je peux donc affirmer, comme je le pressentais en 2003, que mon quotidien aura été teinté de ces espaces d’impuissance. Mes années de pratique m’auront permis d’apprivoiser ce lieu inconfortable en moi, non pas en le comblant par des mots ou des solutions, mais bien en communiant à la « beauté de l’être » qui émerge au cœur de la brèche. Celle-là même qui dépasse toutes les blessures vécues et tous les maux du corps conduisant à ce que nous appelons la mort!
Comme le disait si bien le psychanalyste Paul Beauchamp : « La vraie mort n’est pas le terme de la vie; elle est ce qui, dès le début, nous empêche de naître »; naître à ce carpe diem qui apporte avec lui le miracle de la vie qui se donne dans l’ici et maintenant!
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Témoignage d’une usagère du Centre intégré de cancérologie (CIC) – CHU de Québec–ULaval
À la suite de l’annonce de mon diagnostic de cancer du sein au début de l’année 2022, j’ai fait comme plusieurs personnes pour me protéger et tenter de demeurer positive : je me suis réfugiée dans le déni.
C’est seulement au cours d’une deuxième série d’examens et biopsies que la réalité m’a rattrapée ! J’ai réalisé que mon parcours ne se passerait pas du tout comme prévu. J’étais ébranlée après chaque examen et toujours dans l’attente de résultats avec peu d’informations pour comprendre réellement ma situation. L’insomnie et l’anxiété se manifestaient de plus en plus dans mon quotidien. Plus j’avançais dans ma trajectoire de cancer du sein, plus je perdais mes repères, mon énergie et mon essence, bref je ne me reconnaissais plus. J’avais besoin de comprendre ce qui m’arrivait, de retrouver mes repères pour trouver un sens à ce parcours et j’avais surtout besoin d’aide.
Dès les premières rencontres, une travailleuse sociale comprend rapidement ma situation et me propose d’abord un suivi avec une psychologue, et ensuite me suggère également une rencontre avec une intervenante en soins spirituels en oncologie. L’approche proposée par cette intervenante rejoignait ce que je vivais et ce que je ressentais profondément comme être humain.
Être écoutée, être entendue, être comprise, être reconnue et respectée d’abord comme être humain à la recherche de sens, et ensuite comme patiente et partenaire dans son parcours de traitements et de soins m’a permis de retrouver confiance.
Petit à petit, d’une rencontre à l’autre, l’intervenante en soins spirituels a nourri l’espoir, par des explications, des réflexions, des références à des allégories ou paraboles, des questions auxquelles je trouvais enfin des réponses à l’intérieur de moi pour poursuivre mon cheminement entre nos rencontres. Parfois, elle croyait davantage en mes forces intérieures que moi-même.
En me suggérant à plusieurs reprises quelques exercices de création faisant appel à mes sens, elle a réussi à me ramener vers mes repères, mon essence, ma petite lumière intérieure permettant également de libérer la colère.
Croire de nouveau, avoir la foi en cette source plus grande que nous, a fait une grande différence dans mon cheminement.
Nourriture pour le cœur et l’âme
Par Nicolas Desbiens, intervenant en soins spirituels
Centre mère-enfant Soleil du CHUL – CHU de Québec – ULaval
Je me plais souvent à répéter que les deux qualités de base des soignant.e.s sont d’aimer les gens et d’aimer le trouble. À titre d’intervenant en soins spirituels, je me retrouve souvent à accompagner des enfants, adolescent.e.s, jeunes adultes et leurs parents à des moments charnières de leur vie, au milieu de la détresse. Ces rencontres sont denses. Il est bouleversant et beau d’assister l’humain dans ses passages. Ces « instants », lorsqu’ils sont accueillis et partagés, donnent souvent du sens à ce qui n’en a pas. Ils deviennent nourriture pour le cœur et l’âme.
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Témoignage d’une mère du Centre mère-enfant Soleil du CHUL – CHU de Québec – ULaval dans un contexte d’arrêt de traitement.
Les mots sont insuffisants pour exprimer à quel point votre passage dans ma vie a été un baume sur mon cœur. Cette lumière fait en sorte qu’aujourd’hui je suis une maman en paix et sereine avec sa décision. Sans le savoir, vous êtes arrivé au moment où j’en avais le plus besoin. Je sentais que j’échouais dans mon rôle de maman et que je devais me résigner à baisser les bras et regarder ma fille souffrir. Vous avez regardé F. et j’ai senti que vous compreniez que je voulais mettre fin à ses souffrances, mais que je n’avais pas encore intégré le concept de mort et de deuil qui allaient suivre. Vous avez su rendre ce cheminement apaisant et sécurisant, malgré toute la souffrance qui m’habitait. Vous m’avez fait réaliser que je ne souffrais pas à cause de ma fille, mais je que souffrais plutôt avec elle. Vous m’avez permis de m’attacher à F. et de l’aimer comme si elle était éternelle. Aujourd’hui, je suis plus que reconnaissante que nos chemins se soient croisés.
Au cœur de notre humanité
Par Maude Daigneault, intervenante en soins spirituels
Centre d’hébergement Saint-Augustin – CIUSSSCN
Du haut de mes 5 pieds 4 pouces, cheveux bruns mi-longs, je ressemble à bien des filles de mon âge : 29 ans. La vie m’a amenée à me poser des questions profondes, dont celle-ci, qui est fondamentale : comment l’être humain donne-t-il un sens à l’existence? Tout être humain - selon sa génération, son lieu de provenance, son unicité et son récit de vie - donnera une réponse différente et personnelle aux questions existentielles.
Dans mon accompagnement de la dimension spirituelle de la personne, son récit de vie joue un rôle déterminant. C’est par la connaissance de cette histoire de vie qu’il est possible de cibler ce qui a été appui spirituel pour la personne. Dans mes interventions, je mobilise cet appui pour favoriser la continuation d’un récit de vie qui s’écrit toujours dans le temps malgré l’arrivée de la maladie.
« Comment accompagnes-tu les personnes atteintes de démence? »
En apprenant à connaître leur histoire et à les côtoyer quotidiennement, j’arrive à reconnaître ce qui a encore une possibilité de faire jaillir chez la personne une expérience donnant encore bon goût à la vie. Par exemple, je tente de cibler chez une personne atteinte de démence la présence d’une sensibilité par les cinq sens (ouïe, odorat, vue, toucher, goût). Ensuite, viens le temps de créer un atelier spirituel qui pourrait réveiller ses sens et favoriser une expérience qui pourrait transcender la rupture dans son récit de vie occasionnée par la maladie. Deux de mes outils préférés pour entrer en relation avec les résident.e.s sont la musique (chant) et le massage des mains. Ces derniers permettent soit une activation du sens de l’ouïe favorisant le contact avec la beauté de l’harmonie musicale soit une activation du sens du toucher, par le contact physique, pouvant favoriser l’émergence d’un instant de paix au-delà du bris de communication qui existe régulièrement entre une personne atteinte de démence et celle qui ne l’est pas.
Il y a également ceux et celles pour qui la pratique de la religion catholique a fait partie intégrante de leur histoire de vie. Je me rends donc à leur chambre pour leur offrir communion et temps de prière afin de les reconnaître dans leurs croyances et favoriser la continuité de leur histoire spirituelle. Bien que je ne me considère pas moi-même pratiquante catholique, je ne ressens pas le choc culturel entre ma génération et celles qui précèdent. Bien que nous ayons des référents distincts (religions, philosophies) en matière d’interprétation de l’existence, il n’en reste pas moins que les grandes questions existentielles restent les mêmes et que je rejoins leur humanité.
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Témoignage d’une résidente atteinte de paralysie cérébrale du Centre d’hébergement Saint-Augustin – CIUSSSCN
Lorsque j’ai appris que mon copain avait décidé d’avoir l’aide médicale mourir (AMM), une chance que vous étiez là pour me ramasser. J’avais besoin d’une présence qui allait pouvoir m’entendre dans un moment où je me sentais devenir complètement folle. Alors que je passais dans le corridor et que j’avais l’impression d’être dans le noir, vous m’avez interpelée, puis vous avez sûrement ressenti que je n’allais pas bien. Vous m’avez invitée dans votre bureau avec délicatesse.
Par la suite, vous nous avez accompagnés, mon copain et moi, jusqu’au jour de l’AMM. Vous nous avez permis de faire une sorte de bilan et mon copain m’a exprimé quelles valeurs il souhaitait me laisser en héritage. C’était touchant ! Une semaine avant l’AMM, on a vécu ensemble un rituel spécial. Depuis, Maude et moi, on se rencontre régulièrement. Nous parlons des changements que je vis à l’intérieur de moi, de ma manière de garder le cap dans mes deuils, des forces sur lesquelles je peux compter pour continuer.
Je pratique l’hospitalliance
Par Sylvie Boulet, intervenante en soins spirituels
Institut universitaire en santé mentale de Québec (IUSMQ) – CIUSSSCN
J’ai commencé ma profession d’intervenante en soins spirituels (ISS) en 1990, au moment où les établissements de santé au Québec portaient tous des noms autres que des acronymes : Hôpital de l’Enfant-Jésus, Centre François-Charron, Hôpital Laval, etc., et bien sûr mon établissement l'Institut universitaire en santé mentale de Québec (
anciennement le Centre hospitalier Robert-Giffard). Je me souviens encore d’avoir monté les marches menant à la porte centrale en ayant le sentiment que j’y passerais un grand moment de ma vie.
Au fil de mes quinze heures de travail par semaine comme jeune ISS, j’offrais des services sur un étage (
unité) divisé en quatre milieux de vie. Mes premiers « bénéficiaires », aujourd’hui appelés patient.e.s, présentaient tous une déficience intellectuelle. C’était avant le virage de la désinstitutionnalisation (
programme de réinsertion sociale qui répond aux besoins spécifiques de chacun). Après le virage, j’ai connu un autre type de clientèle, celle atteinte par des problèmes de santé mentale; un tout nouveau monde à découvrir. Avec le recul, je peux constater qu’au-delà de mes connaissances acquises au fil des ans en soins spirituels et des changements vécus, ma façon d’intervenir auprès des personnes vulnérables a toujours été constante.
Un jour, j’ai assisté à une conférence donnée par Didier Caenepeel, professeur titulaire de théologie morale et de bioéthique. C’est à ce moment que j’ai pu enfin mettre des mots à mon approche :
je pratique l’hospitalliance!
Le mot
hospitalliance n’existe pas dans le dictionnaire, mais il décrit tellement bien mon travail au quotidien. Pour moi, vivre l’
hospitalliance c’est accompagner, mais aussi se laisser accompagner par les personnes qui nous sont confiées. C’est voir toute la beauté et l’efficacité du « hors norme », c’est-à-dire exprimer un type de présence qui sort parfois de la description ou du libellé de ma profession. L’
hospitalliance, c’est savoir accepter l’identité qu’on me donne à priori et ce n’est qu’en l’acceptant que commence la route d’un accompagnement efficace. Faire de l’
hospitalliance c’est s’exposer en vérité, se laisser accueillir, se laisser déplacer et reconnaître.
J’aimerais terminer avec une image qui est significative pour moi : celle de la comparaison entre le chameau et le cheval. Le chameau se contente de peu de nourriture; il la rumine sans cesse. Le cheval de son côté a besoin de manger beaucoup, car il n’est jamais rassasié. Je m’identifie au chameau qui rumine.
Tout au long de ma carrière, je n’ai pas cherché de nouvelles techniques d’animation ou de nouveaux modèles d’intervention. Au contraire, j’ai conservé ou sauvegardé ce qui est pour moi essentiel et à la base de tout : une
hospitalliance qui favorise la reconnaissance, la paix, l’espoir et le rétablissement. J’ai la certitude que cette nourriture qui a été ruminée au fil des ans a eu le pouvoir de transformer et de mieux vivre le quotidien d’un milieu de soins psychiatrique.
Réussie?
Par Mario Fraser, intervenant en soins spirituels
Soins spirituels aux patients en soins palliatifs du CLSC Orléans
Régulièrement, au moment où je referme la porte du domicile d’une personne visitée, une question surgit : « Est-ce que cette intervention était réussie? » Pendant que nous « marchions », ai-je entendu ses questions, ses attentes, ses déceptions, ses incompréhensions, ses peurs et ses silences?
Ayant collaboré avec diverses cellules de soins palliatifs à domicile au fil des deux dernières années, j’ai la chance de faire route aussi avec des collègues d’autres professions : soins infirmiers, travail social, physiothérapie, ergothérapie, nutrition, etc. Là encore, j’essaie de rester à l’écoute et d’ajuster mon pas. Il y a tant à découvrir : la situation unique de chaque personne accompagnée, l’expérience et le professionnalisme des membres de l’équipe, le nombre surprenant de variables pouvant affecter la trajectoire de soins et la sérénité des usagers, de leurs proches, des collègues… ou ma propre sérénité!
Comme c’est souvent le cas lorsqu’on entreprend un « périple », au moment où débute un accompagnement en soins palliatifs, il est difficile de prévoir les étapes du parcours, sa durée et ce dont nous discuterons en route. Pourtant, depuis un certain temps, un sujet devient incontournable et balise certains itinéraires : l’aide médicale à mourir.
Pour moi, en soins spirituels, le fait que l’aide médicale à mourir soit l’option envisagée ou retenue par la personne va venir donner une teinte particulière à l’accompagnement proposé. D’une part, parce que la personne manifeste par son choix qu’elle a réfléchi à la mort. D’autre part, parce qu’avec les collègues des équipes de soins palliatifs, je voudrai m’assurer que le cheminement vers la fin de vie de cette personne et de ses proches demeure un moment porteur de sens.
C’est bien souvent dans cette perspective qu’est proposée la possibilité de vivre une rencontre ou un rituel. Ce moment qui peut avoir une saveur religieuse ou non est l’occasion d’évoquer la vie traversée, la séparation qui s’annonce, mais surtout, pour celles et ceux qui vont poursuivre leur route, ce que la mémoire et le cœur veulent retenir.
Pour ma part, je remarque qu’il s’agit d’un poste où l’aspect relationnel est central. Relations avec des personnes qui entreprennent une étape importante de leur vie; relations avec des proches qui apprivoisent de nouvelles manières d’être présents, aidants et aimants; relations avec des collègues de plusieurs professions au cœur de la collaboration interdisciplinaire. Pour moi, avoir ainsi la possibilité d’intervenir et d’accompagner au cœur de ce réseau relationnel qui se veut soucieux de la personne et de ses proches, cela représente la plus grande réussite!
Mylène Brunet, intervenante en soins spirtuels, Hôpital St-François d’Assise
J'ai un souvenir qui date de mes stages cliniques à l'été 2018. C'était ma première expérience de garde de fin de semaine; mon superviseur et moi avions été appelés pour une dame en fin de vie à Saint-Sacrement. Il s'agissait d'une sœur Augustine qui désirait communier avant d'être mise en sédation palliative continue. Sa respiration était difficile et elle s'exprimait faiblement. Je devais me faire très proche pour l'entendre. Elle a nommé être en paix. Je lui ai offert la communion, et nous avons porté ensemble son intention. Au moment de quitter, elle m'a remercié et m'a dit ''Bon ministère, ma fille''. Ce fut un court moment, intense et riche, où je me suis sentie reliée comme jamais aux sœurs hospitalières. J'ai compris alors que je m'inscrivais en continuité avec une longue tradition du soin spirituel aux personnes vulnérables. Même si la façon de penser et vivre le la vie spirituelle se transforme au gré des générations, nous poursuivons une mission amorcée il y a bien longtemps. Notre pratique demeure d'actualité et en mouvement.
Daniel Nteka, intervenant en soins spirtuels, Hôpital St-François d’Assise
Je me rappellerai toujours d’une rencontre avec un médecin, âgé de 68 ans, spécialiste de la douleur, et hospitalisé avec tumeurs cancéreuses de l’intestin grêle. Lors de la réunion multi, dirigée par un interniste qui n’a pas souhaité que le service de soins spirituels le visite, en disant qu’il était cartésien et agnostique.
Peu importe, j’approche monsieur avec une certaine appréhension : comment vais-je bien pouvoir établir le contact et le rejoindre dans l’ici et maintenant? À ma grande surprise, je salue le monsieur, accompagné de sa conjointe et après ma brève présentation, il m’invite à prendre place et demande à sa conjointe de sortir et de le laisser seul avec moi. Il dira : « c’est un beau jour ». Son sourire qui semblait lumineux rejoint le mien. « C’est la Providence qui t’a envoyé vers moi ». Il élabore sur ses préoccupations et ses peines! Il ajoute qu’il est en attente d’un examen très délicat. Il dit : « si, le résultat est négatif, je reste à l’hôpital pour les soins appropriés et dans le cas, je rentrerai chez moi attendre ma mort ». Il poursuit : « je mène avec ma conjointe une belle vie, une belle carrière ». Je l’écoutais attentivement avec des reformulations.
Après cet échange, le malade manifeste son désir de recevoir l’onction des malades. Il se décrit comme catholique moins pratiquant qu’autrefois. J’en ai profité pour expliquer le déroulement et le sens de la célébration de l’onction des malades et je lui ai proposé que sa conjointe aussi y participer. Il n’a trouvé aucune objection. J’explique à la conjointe le déroulement et la suggérant après mon imposition des mains, d’exprimer à son conjoint une parole de reconnaissance et de gratitude.
Au terme de cette célébration, le couple m’a manifesté leur remerciement. En sortant de la chambre, je me demandais qui de nous deux devait être reconnaissant de l’autre.
Je reconnais que parfois, nous laissons passer des occasions en or de rencontre avec les personnes qui ont besoin de rencontrer les ISS.
Christine Cloutier,intervenante en soins spirtuels, Centre d’hébergement St-Augustin
Je me souviendrai toujours de cette résidente, plus jeune que les autres, qui était dans mon centre parce qu'elle avait eu un très gros AVC. Elle n'était plus en mesure de communiquer correctement et elle criait très souvent pour se faire entendre. Elle venait beaucoup pleurer à tue-tête à la chapelle, tout près de mon bureau. Moi j'ai pris le temps de l'apprivoiser (malgré ce que ses cris dérangeaient en moi), d'apprendre à la connaître, saisir ce qu'elle voulait, ce qu’elle désirait vraiment (parfois c'était juste un service comme placer sa boucle de cheveux, d'autres fois c'était d'être entendu dans ce mal qui était dans son corps, dans son cœur, son désir de redevenir la femme d'avant, etc.).
Je l'ai accompagné sur un longue période (9 ans) jusqu'à son décès. L'expérience d'accompagnement avec elle m'a appris la persévérance, la patience d'accompagner lentement, d'écouter le silence, les cris, les vides, les paroles difficiles à comprendre, m'a également permis de goûter avec elle tous les moments de victoire, de bonheur qu'elle vivait dans sa maladie, aussi petits soient-ils.
Cet accompagnement m'a aussi permis de me faire connaître comme ISS et de faire connaître surtout le rôle que je pouvais exercer au sein d'une équipe. Le courage de cette résidente, les souffrances qu'elle a vécues, mais surtout l'espoir qu'elle était de plus en plus en mesure de nommer et de goûter au fil de nos rencontres, tout cela a fait de moi une ISS plus attentive aux autres résidents qui se faisaient plus discrets ou qui dérangeaient. Cette résidente m'a fait aimer le travail en soins spirituels en hébergement, travail qui est souvent entouré de préjugés par la méconnaissance des milieux.
Marie-Josée Denis, intervenante en soins spirituels - 2010 à 2020
Qu’est-ce que je garde de plus précieux dans mon engagement en soins spirituels?
- Mon lien avec les équipes des différents départements.
- Mon lien avec les équipes multidisciplinaires.
- Mes précieux collègues de travail.
Tout cela a facilité mon travail auprès des usagers (et a aidé à mon épanouissement personnel).
- La confiance qu'on m'a témoignée (personnel et usagers)
- L'impression parfois d'avoir peut-être fait une différence dans la vie d'un usager et/ou de sa famille.
- Comment mon expérience en général m'a fait apprivoiser la maladie et la mort.
Régis Gagnon, intervenant en soins spirituels - 1998-2017
Le plus riche pour moi, ce fut le privilège d'entrer dans la vie des personnes que j'ai rencontrées et accompagnées. Chacune d'elles a été pour moi un cadeau, car leur ouverture et le chemin parcouru m'ont fait découvrir la grandeur de la personne humaine et des forces qui s'y cachent.
D'accompagner ces personnes m'a fait grandir dans la recherche de la vérité en moi. Comme je suis prêtre, sans imposer mon statut aux personnes, ceci m'a permis de voir l'œuvre de Dieu en elles et surtout la libération qu'il faisait en elles. L'une d'elle un jour m'a exprimé ceci: "je vais mourir et on dirait que je commence à vivre".
La richesse du CSSSanté est le partage des compétences des membres de l'équipe. Ce fut un changement pour le mieux dans l'offre de services aux usagers.
Marco Veilleux, intervenant en soins spirituels - 2022
Ce que je garde de plus précieux : la vie d'équipe et le soutien d'une communauté de pratique offrant formation, réflexion, recherche et ressourcement. Un traumatisme: la complexité et la multiplicité des horaires de garde!
Annabelle Clavet, intervenante en soins spirituels, CHSLD de l’Hôpital de Sainte-Anne-de-Beaupré
Alors que j'accompagnais une dame de 86 ans, alitée et atteinte d'un néo du pancréas stade 4, cette dernière après avoir reçu la communion a marmonné un propos que je n'ai pu entendre. Je lui ai donc demandé de répéter. De peine et de misère, elle mentionne: « Merci. J'ai la force. » Le lendemain matin, j'arrive au travail et par mes courriels, j'apprends son décès. Alors, mon cœur se gonfle à l'idée que peut-être cette force intérieure lui a-t-elle permise de vivre son grand départ dans la confiance et l'espérance.
Nancy Kelly, intervenante en soins spirituels, Centre d’hébergement Jeffery Hale et Sacré-Coeur
Au début de mon engagement, j'étais habitée de l'image d'un pont et d'une phrase:" La Paix ne se construit pas par ceux qui ont peur des différences, mais par ceux qui établissent des rapports avec les autres." Il y a ce pont des rencontres relationnelles dans la différence du mystère de chaque personne où les liens se tissent et favorisent le partage du chemin intérieur. Aujourd'hui cette image est toujours présente et évolue. Un moment marquant d'un cours d'ateliers à l'initiation à la méditation pleine conscience en fait foi. Je revois cette jeune femme arrivant à l’atelier, bouleversée, dévastée par l'annonce récent d'un diagnostic de cancer mais qui au fil des rencontres, des échanges, des liens a su retrouver solidarité, réconfort, mieux-être et apaisement pour continuer. Au dernier atelier elle se tenait debout souriante et elle portait un gilet avec un arc-en-ciel. Il y a ce pont de la transcendance, l'arc-en-ciel, qui traverse le mystère de chaque personne et dont je vais à la rencontre dans mon travail d'intervenante en soins spirituels. La rencontre de ces deux ponts exprime l'esprit et l'enracinement de mon travail pour lequel la vie m'a façonnée et la satisfaction profonde d'être à la bonne place. Merci à toute l'équipe du CSsanté et à mes collègues qui à un moment ou un autre m'ont accompagné dans cet engagement. Longue vie aux soins spirituels!
Mario Bélanger, intervenant en soins spirituels, CLSC Orléans/Beauport
Je reçois une demande d'accompagnement à domicile pour une femme dans la jeune trentaine. On me dit qu'elle est particulièrement ouverte à la méditation. Lors de la première rencontre, nous sommes seuls à la maison. C'est tranquille. Elle me nomme qu'elle a découvert son cancer du sein en allaitant son premier né. Un an plus tard, son cancer s'est généralisé. Son conjoint et elle préparent un mariage improvisé le jour du premier anniversaire de leur garçon. Ils planifient tout de même un voyage à Disney dans les mois suivants. Elle dit chercher des moyens pour calmer le tourbillon qu'elle ressent en elle. Nous expérimentons brièvement un exercice de méditation. Ça lui plait. Nous convenons de nous revoir deux semaines plus tard. À la deuxième rencontre, son état s'est encore dégradé. Il fait mauvais dehors, si bien que le conjoint et le fils prévoient faire la sieste, dans la chambre qui est proche de l'endroit où nous sommes installés. Comme convenu, nous amorçons un temps de méditation. Mais ma voix est enterrée par les rires, les cris de joie, l'agitation qu'il y a de l'autre côté du mur. Elle s'excuse à plusieurs reprises et nous constatons bien tous les deux que l'essentiel n'est pas dans l'exercice méditatif "raté", mais dans la conviction que même si elle devait "partir", ses deux "hommes" allaient bien s'en sortir ensemble! Une semaine plus tard, elle était transférée à l'Hôpital et son décès est survenu quelques jours après. Comme quoi l'essentiel de la rencontre est souvent où on ne l'avait pas prévu!