Par Yves Hébert, intervenant en soins spirituels – 1 août 2018
CISSS du Bas-Saint-Laurent
Je l’avais remarqué en me rendant dans une autre chambre. Il était seul dans sa chambre, assis au fauteuil, la tête baissée et appuyée sur son bras, le regard pensif. Ce sont souvent des indices d’une personne qui vit quelque chose d’intense à l’intérieur.
Quand j’ai pu m’introduire auprès de lui, il a été d’abord hésitant à me rencontrer, non qu’il ait quelque chose contre la spiritualité, mais il n’avait pas vraiment le goût de parler, « avec ce que je vis… », m’a-t-il seulement laissé entendre. Sans insister, j’ai simplement ajouté : « Ce n’est pas facile… », sur un ton à la fois empathique et interrogateur.
Cette petite phrase va suffire pour qu’il commence à s’ouvrir sur son expérience : rien de bien grave, pas de nouvelles catastrophiques, seulement un trouble mineur qui est en bonne voie de guérison, mais une prise de conscience qu’il avance en âge, que sa santé décline peu à peu et que ses plus belles années sont sans doute derrière lui.
Je l’accompagne dans son partage d’expérience, je parle peu, à part quelques questions pour l’aider à exprimer ce qu’il ressent. Je suis toujours debout, car il n’a pas encore accepté officiellement ma présence, même si la conversation est déjà bien engagée. Mais je me suis approché de lui. Au bout d’un moment, il m’offre de m’asseoir, ce que je m’empresse de faire pour montrer mon intérêt à être à son écoute et le remercier de sa confiance.
Je continue de favoriser l’expression de son vécu, en élargissant le panorama : le lieu où il vit, le métier qu’il a exercé, les personnes qui l’entourent. Au fil de la conversation, il en vient à parler de sa petite-fille qui demeure à côté de chez lui. Une petite bonne femme de quatre ans qui est attachée à son grand-père et qui le suit partout où il va, dans son garage, au jardin, au bureau de poste, etc.
Une conversation qui peut sembler anodine et peu « spirituelle ». Et pourtant, il est en train de se passer quelque chose. Pendant qu’il me raconte les répliques et les finesses de sa petite-fille, ses yeux deviennent brillants et son visage souriant. Nous sommes en train de toucher un aspect de sa vie qui le rend vivant. Car oui, le vieillissement apporte son lot d’inconvénients et de pertes, mais il lui apporte aussi cette chance unique d’une relation privilégiée avec une petite-fille.
Je vois à ce que la conversation reste longtemps sur ce sujet afin de permettre à mon interlocuteur de s’abreuver à cette source de réconfort. Au terme de l’intervention, son visage est paisible et il me remercie pour la rencontre : « Ça m’a fait du bien de vous parler. Revenez n’importe quand. » La grâce, ce jour-là, a pris le visage d’une fillette de quatre ans.