Par Mylène Brunet, intervenante en soins spirituels - 1er décembre 2019
Centre Spiritualitésanté de la Capitale-Nationale
J'exerce avec bonheur le métier d’ISS depuis un an. Le poste que j’occupe combine des jours de présence à l’Hôpital Enfant-Jésus de Québec et à l’Institut de réadaptation en déficience physique de Québec, l’objectif étant de pouvoir offrir un accompagnement spirituel aux personnes qui le désirent au long de leur parcours de réadaptation. Ces personnes composent avec un trauma ayant des conséquences physiques ou cognitives. Parfois, elles présentent des troubles du langage, de la parole, de la mémoire et autres problèmes cognitifs influençant leur fonctionnement. À certains égards, la plupart d’entre elles ne peuvent plus être considérées comme « neurotypiques », un terme utilisé par la communauté autistique pour désigner les personnes dont le cerveau joue son rôle sans altération ou anomalie, du moins pour un temps.
Si j’expose dans le détail cette réalité, c’est qu’elle vient nourrir ma réflexion sur la nature de l’accompagnement spirituel dans le milieu de la santé. Les médias aiment souvent mettre en lumière l’aspect cognitif de l’accompagnement spirituel. Ainsi, nous sommes les interlocuteurs privilégiés de réflexions philosophiques sur le sens (signification) de l’existence, la nature de l’Altérité; présents également pour accompagner les discernements sur les options pour sa vie dans un contexte de soins qui exige des personnes de s’autodéterminer.
Or, cet aspect du métier ne correspond qu’à une partie de ce que je vis avec les personnes qui m’accordent leur confiance dans leur cheminement vers la paix intérieure et l’apprivoisement de cette vie nouvelle qui s’offre à elles après « l’évènement ». Cela est particulièrement vrai en début de parcours où il m’arrive de les rencontrer alors qu’elles ne communiquent que par quelques mots ou signes, ou ont une aphasie si sévère qu’elle empêche de comprendre le sens de la phrase énoncée. Est-ce à dire qu’il n’y a pas d’accompagnement spirituel possible lorsque la rencontre n’est pas placée sous l’égide du cognitif, où ce qui se vit et se dit ne peut pas s’exprimer de façon claire et non équivoque par l’intellect?
Je pressens que la dimension affective et sensitive de la rencontre participe à l’émergence du sens de l’expérience spirituelle de la personne. S’intéresser à elle, même lorsque nous ne comprenons que la moitié du propos, maintenir un contact visuel bienveillant, habiter ensemble le silence, tenir sa main, c’est la reconnaître comme digne. C’est dire « Tu es en vie et la rencontre est possible. » Beaucoup se souviennent avec émotion de ces moments partagés dans cette commune vulnérabilité, longtemps après qu’ils furent passés.
Pour ma part, je me mets en quête d’une manière de définir l’accompagnement spirituel qui soit respectueuse et inclusive des personnes que nous accompagnons et de la diversité de nos pratiques d’ISS. Je pense, entre autres, à celles et ceux qui œuvrent en longue durée où les déficits cognitifs sont omniprésents. Je vous offre, en terminant, ces mots de la poétesse américaine Maya Angelou : « Les gens oublieront ce que vous avez dit, ils oublieront ce que vous avez fait, mais ils n’oublieront jamais ce que vous leur avez fait ressentir. »
Le Centre Spiritualitésanté de la Capitale-Nationale (CSsanté) assure le fonctionnement au quotidien des services de soins spirituels répartis dans plus de 30 sites du réseau de la santé et des services sociaux de la ville de Québec et de ses environs. Il est constitué d’une quarantaine d’intervenants et d’intervenantes en soins spirituels.
Le CHU de Québec-Université Laval est l’établissement fiduciaire. À ce titre, il a la responsabilité d'administrer les ressources humaines et financières du CSsanté.