Par Martine Fortin, intervenante en soins spirituels - 1 août 2020
Centre Spiritualitésanté de la Capitale-Nationale
Oeuvrant en soins spirituels depuis plus de 17 ans, je suis à même de voir et d’entendre des personnes atteintes de cancer qui puisent en elles les ressources dont elles ont besoin pour poursuivre leur marche sur des terres intérieures inexplorées. Ces personnes, à leur rythme et entourées d’une équipe interdisciplinaire, trouvent en elles des pistes pouvant ouvrir au sens.
Mais que se passe-t-il lorsque le confinement oblige à demeurer seul avec ses questions, avec ses angoisses, avec sa peur que la maladie progresse, car les traitements et les rendez-vous médicaux sont retardés? Comment demeurer dans cette espérance, dans cette recherche de sens lorsque la situation de distanciation physique nous coupe de ce qui normalement nous aide à vivre la maladie et ses contours?
Depuis le début de la pandémie de la COVID-19, j’utilise le médium du téléphone afin de poursuivre ou amorcer un accompagnement avec ces personnes vivant avec ces questionnements. Au-delà de ces préoccupations et de ces souffrances, je dois avouer que j’entends des gens en marche vers un « Compostelle » les conduisant de la tête au cœur! J’entends cette femme qui me dit : « J’ose la confiance » ou cette autre : « cette situation m’interpelle à vivre l’instant présent »…. Malgré les incertitudes vécues, ces paroles empreintes d’espérance n’indiquent-elles pas que le sens émerge aussi de ces zones jusqu’alors inconnues?
J’affectionne particulièrement cette image du chemin, lequel suppose une invitation à demeurer en mouvement, et ce, malgré les obstacles. Dernièrement, j’entendais une femme dans la jeune trentaine, mère de deux jeunes enfants et qui vient tout juste de recevoir un diagnostic de cancer du sein avec un très mauvais pronostic. Diagnostic qui, avouons-le, surgit dans un contexte où déjà tout n’est pas comme avant. Et pourtant, à son insu, cette jeune femme puise dans ses ressources intérieures jusqu’alors insoupçonnées. Il y a certes des pleurs, des incompréhensions, des « pourquoi moi »; il y a aussi un désir de vivre se traduisant par son ouverture à accueillir l’aide offerte, par son désir d’apprendre à méditer pour mieux vivre chaque jour. N’est-ce pas là un réel mouvement de vie?
Oui, cette expérience d’écoute téléphonique me convie à entendre les entrelacs de l’espérance et du désespoir, du sens et du non-sens; elle me convie surtout à observer cette brise légère, brise qui se traduit par ces mouvements de vie transcendant toutes les cristallisations qui nous excluent de nous-mêmes, de nos forces et de notre vie spirituelle.
Ces personnes que j’accompagne n’arrivent souvent pas à définir leur spiritualité; la plupart d’entre elles n’ont pas de communauté de foi ou encore de pratique formelle dictée par quelque religion ou philosophie de vie; et pourtant, leur attitude m’enseigne à demeurer avec elles sur ce chemin souvent le moins fréquenté, conduisant à la source intérieure. Source d’où émergent la paix, la joie, la douceur, la compassion, la gratitude et la bienveillance.
En définitive, ces personnes ne nous indiquent-elles pas la force du mouvement de Vie qui nous convie à demeurer sur la route de notre Compostelle intérieur?
De mon côté, utilisant maintenant le médium du téléphone, je peux comparer les deux types d’accompagnement – en présence et téléphonique. Je témoigne que le principal enjeu réside davantage chez l’intervenant que chez la personne accompagnée. Enjeu pouvant se traduire par cette question : comment entendre et refléter les mouvements intérieurs conduisant la personne à elle-même?
N’est-ce pas par une « écoute flottante » permettant de repérer dans les silences, dans les résistances ou dans les ouvertures que réside le réel accompagnement? <
Le Centre Spiritualitésanté de la Capitale-Nationale (CSsanté) assure le fonctionnement au quotidien des services de soins spirituels répartis dans plus de 30 sites du réseau de la santé et des services sociaux de la ville de Québec et de ses environs. Il est constitué d’une quarantaine d’intervenants et d’intervenantes en soins spirituels.
Le CHU de Québec-Université Laval est l’établissement fiduciaire. À ce titre, il a la responsabilité d'administrer les ressources humaines et financières du CSsanté.