La beauté au Centre de jour de la Maison Michel-Sarrazin

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Par Cécile Charbonneau - 1er avril 2018

Rédigé par une personne œuvrant comme bénévole à la Maison Michel-Sarrazin, cet article décrit l’ambiance qui règne au Centre de jour et propose un ensemble de témoignages présentant « les beaux moments qui se vivent ». Cette capture de la beauté est présentée en s’appuyant sur des témoignages de personnes qui viennent y séjourner.

 
Quelle merveilleuse aventure que d’être bénévole au Centre de jour de la Maison Michel-Sarrazin! Depuis maintenant trois ans, chaque vendredi, j’y côtoie la douceur et la tendresse. Quelle joie de faire partie de cette équipe! On y retrouve un sentiment de complicité et d’unité entre tous et toutes, peu importe le rôle joué, bénévole ou intervenant. On m’a accueillie dans le but d’offrir des ateliers d’écriture aux invités et à leurs proches. Par contre, mon implication dépasse cette assignation, offrant aux invités d’autres services qui puissent répondre à leurs besoins. La journée passe trop vite! Le soir, lorsque je quitte le Centre de jour, j’ai de la difficulté à mettre des mots sur ce que je ressens; j’ai l’impression d’être remplie de quelque chose de tellement bon...
 

Ce qu’est le Centre de jour

Le Centre de jour de la Maison Michel-Sarrazin a pour mission d’offrir des services adaptés aux besoins de personnes, vivant à domicile, qui sont en phase palliative de leur maladie; leurs proches, membres de leur famille ou amis peuvent aussi profiter de ces attentions. En les accueillant, le but est d’améliorer leur qualité de vie, de prévenir leur isolement et d’offrir du répit et du soutien psychosocial à leurs proches.
 
La préoccupation première est axée sur la qualité de vie. L’équipe interdisciplinaire offre la possibilité de vivre cette étape de vie en étant accompagné et soutenu. Ouvert en l’an 2000, le Centre de jour reçoit du lundi au vendredi une douzaine « d’invités »1 de même que leurs proches qui désirent les accompagner. Les invités peuvent y venir une fois par semaine. Au cours de la journée, les professionnels et les bénévoles tentent de répondre aux besoins qui se présentent : soins infirmiers, accompagnement psychosocial de groupe et individuel, accompagnement spirituel, groupe de soutien pour les proches, expression artistique guidée par une artiste psychopédagogue, soins en physiothérapie, massothérapie, bain thérapeutique, soins de pieds, manucure, pédicure, atelier d’écriture, coiffure, musique, échanges, repas, détente, loisirs, etc.
 
Rappelons que l’intention première du Centre de jour est : « Vivre avec le cancer, c’est toujours vivre… »
 

Témoignages

Pour vous nourrir des beaux moments qui se vivent au Centre de jour, j’ai recueilli les réflexions de personnes qui y sont impliquées depuis longtemps2. Je vous transmets également les propos d’invités recueillis dans diverses publications; ces invités nous ont fait le cadeau de nous permettre de diffuser leurs propos.
 

L’importance de l’accueil

Lors de leur première visite, les invités arrivent tendus, ils ont peur de ce qui les attend. Mais dès quils entrent et quils sont accueillis, la peur fond, la détente sinstalle.

« En franchissant la porte, on se sent chez nous. C’est comme si j’entrais chez ma mère, chez une amie, chez quelqu’un qui nous aime. On nous accueille à la porte. Ils nous font sentir tellement importants quand on vient ici, ils nous mettent sur un piédestal. Ce n’est pas la maladie qu’ils mettent sur un piédestal, mais vraiment la personne. »

« Malgré ma grandeur et ma grosseur, je tremblais de peur de passer le pas de la porte. Lorsque je suis entré, vous m’avez nommé : « Vous êtes Monsieur A, on vous attendait. » Toute la peur que j’avais s’est évanouie. »

« En arrivant ici, on m’a accueilli comme un membre de la famille, on m’a embrassé, on m’a fait des câlins, tout ça avec un grand sourire. Ç’a été la surprise pour l’étranger que j’étais. J’ai passé cette première journée à me faire dorloter. Je n’en croyais pas mes yeux. Il y avait toujours quelqu’un pour moi, pour me parler, m’offrir des services dont je pouvais profiter. »

 

Vivre une transformation

Avec toutes les pertes que la maladie fait vivre, l’estime de soi peut s’effondrer, les gens ne se reconnaissent plus. Au Centre de jour, ils retrouvent leur identité en tant que personnes, une identité non plus restreinte par la maladie, mais une identité ouverte sur des possibilités de changements. Au Centre, ce qui est valorisé ce n’est plus le paraître, mais l’être.

« Les premières fois, c’est bizarre, on se sent gai et triste à la fois. Et, petit à petit, entourés d’amour, de patience, de compréhension, notre cœur et nos émotions recommencent à vivre. »

« Le Centre de jour m’a transformée. La révolte qui m’habitait s’est éloignée, la douleur dans mon corps n’est plus la même, mes pensées vont dans la bonne direction. Je n’ai plus mal à l’âme, une certaine sérénité a pris place. »

« Aujourd’hui, j’ai le goût de vivre et je vous en remercie. »

« Je trouve dommage que c’est dans la maladie qu’on arrive à vivre pleinement. J’ai l’impression d’avoir perdu beaucoup de temps. »

« Il y a maintenant plusieurs mois que je fréquente le Centre de jour. Je suis en train de changer, je suis plus relax et détendu qu’à mon arrivée. La transformation est commencée. Je me suis fait de nouveaux amis qui, comme moi, sont choyés. »

« Le Centre de jour, ça m’a réconcilié avec l’humain. »

 

La création de nouveaux liens

Il arrive parfois que des invités qui s’étaient connus auparavant se retrouvent au Centre de jour. Nous sommes alors témoins d’un élan de complicité entre ces personnes. C’est comme : «  Ah, mon Dieu, je ne suis pas tout seul à venir ici, tu viens ici toi aussi! » Des liens se soudent.
 
Les gens font des rencontres, développent des amitiés, ont des gestes de solidarité, se retrouvent de semaine en semaine... Quand ils ne peuvent pas venir, ils pensent à ceux qui sont ici, ça les aide. Ceux qui viennent demandent des nouvelles des absents.

Certains arrivent à tempérer leur angoisse face à la mort grâce au soutien qu’ils reçoivent de la part d’autres invités.

« Automatiquement, il se crée un lien d’amitié tellement important. On s’attache à tous ces gens, de semaine en semaine, on a hâte de revenir. Il se crée des liens et c’est de l’authenticité, c’est vraiment de l’authenticité qu’on retrouve ici. »

« Ce que le Centre de jour m’apporte le plus, c’est de me sentir vivante, avec des gens qui vivent la même chose que moi. On vient ici, on échange. »La reconnaissance


Des invités nous disent souvent qu’une journée passée au Centre de jour, c’est une journée cadeau.

« Vous ne pouvez pas vous imaginer le bien que vous faites. Quand on arrive ici, on arrive dans un autre monde, dans un univers différent de la vie de tous les jours. »

« Au Centre, les gens sont à l’écoute de nos besoins, les bénévoles se donnent sans rien attendre en retour. Grâce à eux, j’ai appris à cheminer, à me préparer à mourir dignement. »

« Je souhaite à tous d’avoir un jour, comme moi, la chance et le bonheur de venir à ce Centre de jour pour y puiser un sens nouveau et plein d’espoir. »

« Ce sont toutes les petites attentions, les bénévoles qui sont je dirais des petites mères poules pour nous autres, ils s’occupent de nous, ils nous accueillent. »
 

Le droit au bien-être et au bonheur

On dirait que les invités pensent qu’ils n’ont pas le droit au bonheur; la maladie procure douleur et pertes. Paradoxalement, lorsqu’ils l’expriment et le partagent, ceci semble leur permettre de retrouver des moments de bonheur, et pour certains, de la joie profonde et la paix.

« Le cancer est un cadeau mal emballé dans lequel il peut y avoir des belles choses. Je vis une belle période de ma vie malgré le cancer. Je suis portée par une vague d’amour venant de ma famille et de mes amis qui me donnent du courage. Il y a de beaux moments, je suis encore heureuse. Je n’ose presque pas dire ça, on va croire que je suis tombée sur la tête. »

« Il (le Centre de jour) invite le passant à s’arrêter, à faire comme chez soi. Je suis entrée. On m’a appelé par mon nom, j’étais attendue. Ici pas de longs discours, seulement des paroles ressenties qui vont droit au cœur. Je reconnaissais certains projets personnels tant de fois esquissés. Ces modes d’expression, ces soins particuliers que je n’osais plus espérer, voilà le menu étalé devant moi : je n’avais plus qu’à choisir. Perplexe, j’hésitais… c’est dans le choix que se dessine le bonheur. Mon cœur a choisi. Mon corps a goûté la douceur d’une main sur les zones endolories. La lourdeur de mes peines s’est frayé un chemin vers la liberté intérieure. Comme au pays de mon enfance, souvent la tendresse empruntait la voie de l’humour. Enfin cette demeure devenait, à mon insu, une nouvelle famille – comme un terreau fertile où se nourrit la présence à la vie. »

« Quand je viens au Centre de jour, on s’occupe de moi, non pas de la maladie. Le médecin va s’occuper d’elle, mais ici on prend soin de moi. On se fait dorloter, on nous écoute. On vient chercher du réconfort. C’est ma joie de vivre. Je viens me ressourcer, je viens chercher mon énergie pour faire ma semaine. »

« J’oublie que je suis malade quand je suis ici. La maladie est derrière moi; moi, je suis devant. »

« C’est comme si j’entrais dans les bras d’une maman, c’est l’image qui me vient. On sait ce que ça fait d’être entouré dans les bras d’une maman, ben c’est comme ça, le Centre de jour nous enveloppe. C’est dommage que je ne puisse venir qu’une journée par semaine, je viendrais plus souvent que ça. C’est vraiment une belle, belle journée. »

 

La beauté de l’engagement

Au Centre de jour de la Maison Michel-Sarrazin, tous les jours, une avalanche d’amour se donne et se reçoit! La chaleur humaine est contagieuse. Tout nous ramène à l’humain, aux personnes, à l’essentiel, à la grandeur et la noblesse des sentiments que les humains peuvent ressentir. C’est comme si la présence de la souffrance venait donner encore plus de poids à l’intensité des rapports humains, plus de poids à ce qu’il y a de beau.

L’engagement réside dans le fait d’accueillir la personne malade dans ce qu’elle est aujourd’hui, sans banaliser ce qu’elle communique. C’est être là, juste cela… Être comme l’eau tiède d’une piscine qui ne fait que supporter le corps d’une personne. L’eau ne guide pas, ne dirige pas, n’oriente pas… Elle est là. Elle offre un support à l’autre, là où il se trouve, elle l’environne, l’enveloppe, le « dentellise », l’épouse. Jamais de pression, de coercition, d’angles obtus. Être comme l’eau d’une piscine… présente, fluide, fidèle comme l’est un utérus pour son petit locataire temporaire.

L’esprit qui existe au Centre fait qu’il y a un lien très fort entre toutes les personnes qui y travaillent, qu’elles soient bénévoles, membres du personnel ou invitées. Lorsque nous arrivons le matin, nous sommes comme soulevés, portés par quelque chose, une énergie. Nous communiquons cette énergie entre nous, puis aux invités qui nous la partagent à leur tour. Chacun devient pour l’autre l’ami qui accompagne avec un bras autour de l’épaule, qui invite à passer une belle journée. Lorsqu’en fin de journée nous retournons dans le monde réel, nous gardons cet état d’esprit et nous essayons de transmettre aux autres ce que nous avons vécu.

Il est difficile de capter la beauté en photo. Elle s’immortalise dans le bonheur qui émane de tous les gens qui bénéficient du Centre de jour, dans les visages qui s’éclairent, les yeux qui brillent.
 

Notes

1   Dans le langage du Centre, le mot « invité » fait habituellement référence aux personnes malades et à leurs proches qui les accompagnent. Dans ce document, le mot « invité » sera réservé aux personnes malades.

2   Les réflexions recueillies proviennent de la coordonnatrice du Centre de jour, Lynda Beaudoin, de l’assistante-coordonnatrice, Chantale Chabot, de Fernande Soucy-Hertel, médecin et de deux bénévoles, Micheline Mercier et Geneviève Bélanger.
 



Cécile Charbonneau, docteure en psychologie, a été agente de planification, de programmation et de recherche au Centre Spiritualitésanté de la Capitale-Nationale (CSsanté). Elle était particulièrement responsable de lencadrement de tous les travaux de recherche développés au CSsanté. Elle connaît la Maison Michel-Sarrazin depuis 1998, y ayant travaillé comme coordonnatrice de l’équipe de recherche pendant cinq ans et comme bénévole à la rédaction du journal interne Le Lien depuis 2002. Maintenant à la retraite, elle s’investit comme bénévole au Centre de jour de la Maison.


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