Une clef pour une existence libre et savoureuse
Par Valérie Desgroseilliers – 1er décembre 2018
Le concept de solitude suggère d’emblée deux axes de réflexion : d’une part l’esseulement ou la partie sombre de la solitude et d’autre part la solitude choisie, celle qui libère. L’auteure évoque dans ce texte l’inestimable valeur de la solitude choisie et nous rappelle qu’exister, c’est inévitablement appartenir à un monde intérieur et extérieur.
Des variations de la solitude
D’ordinaire, l’idée de solitude apparaît équivoque. Selon le propos et les situations, elle fait écho à des significations variées. Il importe donc de questionner les différents motifs communément associés à ce terme, afin de mieux revenir sur les aspects salutaires et bien souvent méconnus de cette humaine condition. Dans sa nature même, la solitude mérite d’être comprise comme une manière d’être en relation avec les choses de la vie, qu’il s’agisse de personnes, d’institutions, de lieux, d’objets et même de choix de vie. D’un point de vue étymologique, elle signifie le fait d’être seul et trace ainsi une distance entre l’être, dans son existence propre, et le monde organisé, la foule sociale. Aussi est-elle un signe d’écart, pouvant évoquer le retrait, le retranchement ou encore la réclusion, l’isolement. Toutefois, cette disposition relationnelle ne s’apprécie pas qu’à la distance qui sépare des êtres, car nous le verrons, elle appelle aussi à la forge de l’esprit.
L’esseulement et le néant
Lorsque la solitude fait écho au versant sombre de l’existence, elle reflète l’image d’un être recroquevillé ou replié dans son cercle intime, quelque peu habité par le néant, avec des accents de désolation. À cette enseigne, on associe la solitude à celui qui se sent seul, isolé et pire, exclu. À celui qui se plaint de n’être point ou pas assez entendu et compris. Ce mode relationnel se voit ici subi. Il naît d’une rupture ou d’une fragilité de liens non nécessairement consenties et recherchées, mais qui s’imposent tout simplement. Cette solitude fait mal. Elle assèche et génère une souffrance qui s’apparente à des formes de tristesse ou de détresse, d’abandon et d’insécurité. De par l’esseulement qu’elle provoque, elle taraude l’âme de celui qui l’endure, puisqu’elle trahit l’être dans sa volonté de s’affilier, tout comme elle pâlit ses espoirs de communion avec les choses de la vie. En subissant une telle exclusion, l’être ainsi seul voit ses inclinations bâillonnées et ses occasions de jouissance et de réalisation de soi, rétrécies. Ici, la terre intérieure se voit aspirée par le vide. Désertée. L’être a beau hurler, pleurer, désespérer, exposer son esseulement, ses cris semblent uniquement retentir dans son creux intérieur. Ainsi absenté de bienveillance et de solidarité, il peut devenir affligé par la résignation et… capituler! Pour cette raison, l’esseulement peut anéantir. Éteindre la flamme et plonger dans la chute. Cette condition, c’est l’enclave de l’oublié, le taudis du négligé, le soi en perdition, car elle fait du chemin emprunté une impasse ou, pour le dire en des termes plus triviaux : un cul-de-sac avec tout ce que cela suppose d’impossible, de stagnation et de macération pestilentielle, voire d’obscurité. Meublée d’un tel vide, l’existence peut prendre des teintes d’austérité et devenir ténébreuse. Vidant l’être de son air, elle asphyxie l’élan vital et peut tarir la source qui pourtant, veille en soi.
Choisir les chemins de la marge
Une autre variation de la solitude est celle de la résistance ou de la dissidence, pouvant n’être engagée par nul autre que soi! Cette quête conduit à se libérer des contingents sociaux ou à les mettre en abyme en vue de (re)donner un sens à sa présence propre et de (re)trouver une paix intérieure. Elle est l’œuvre du contestataire, du libre-penseur et de l’indigné, et conduit à emprunter les chemins de la marge. Produit d’une réflexion critique, ce détachement fait écho à des formes de désobéissance civile, d’insoumission et d’émancipation qui autorisent de dénoncer la servitude de la modernité, la possibilité d’ériger d’autres modèles ou de s’inscrire hors du courant dominant, quitte à investir essentiellement son foyer intérieur et limiter ainsi ses relations avec le monde du dehors. Cette voie permet à l’être qui se distancie ou se retire de l’espace-temps grégaire, de s’affranchir de valeurs qui résonnent pour lui l’insensé, qu’il abomine ou qui ne conviennent tout simplement pas à la plénitude espérée.
Cette solitude est choisie. Elle désaltère et libère. Aussi la séparation qui s’ensuit reflète-t-elle la volonté de l’être qui, pleinement conscient, et possiblement inspiré d’expériences de vie telle que celle de Walden1, entreprend de « sucer toute la moelle de la vie » (Thoreau, 2017a), loin des bruits de l’agitation urbaine et des effluves du capitalisme outrancier. Par cette sortie hors du monde qui vise « la vie dans les bois » ou dans un quelconque recoin de pays, ce solitaire cherche le rapprochement de sources qui ravissent l’âme. Mais aussi, et surtout, il s’incline devant la beauté du monde, pour reconnaître ses merveilles, chaque fois renouvelées, et puiser en elles ce qui fait scintiller la vie, la rend intense. Et cette intensité ne se mesure pas à travers l’effet des plaisirs occasionnés par distractions et futilités. Elle déjoue la séduction superficielle qui, abîmant la poésie des êtres dans un confinement sensoriel, les assujettit à une existence modélisée, sous tutelle. Au contraire, avec Thoreau et tous ces autres, l’intensité recherchée est celle générée par une présence attentive et fine à la « mélodie des choses2 », celle qui conduit à reconnaître leur « duvet », leur fragilité3 et qui de la sorte, permet d’être en « reliance » avec toutes les composantes du cosmos. C’est l’effet de ce chœur mélodieux qui est ici le fruit de l’intensité recherchée, parce qu’elle révèle une présence pure qui enchante les âmes, pourvu que cette résonnance ait longue vie dans ces âmes. Cet éloge pour l’aventure profonde invite à partir de chez soi pour savourer la vie et rappelle de la sorte que l’existence vaut la peine d’être vécue hors du règne asservissant des lois et des temporalités mécaniques : « Tant que je jouis de l’amitié des saisons, je suis sûr que rien ne peut faire de ma vie un fardeau » (Thoreau, 2017a, p. 147).
Ainsi, pour certains, il s’agira de puiser à même les riches splendeurs de la Nature en vue de s’harmoniser au chant des oiseaux et au bruissement des feuilles, tout comme pour faire de la brume un miroitement divin des forces dont regorge la vie : « Il est un besoin plus noble que satisfait la nature, à savoir l’amour et la beauté » (Emerson, 2017 [1837], p. 19). Le propre de cette contemplation permet d’honorer les éléments de la vie et de la Nature, et ainsi d’être au plus près de la source vitale qui, par son caractère à la fois racinaire et céleste, procure un sentiment d’éternité. Empruntant les mots de Thoreau, cette solitude témoigne dès lors d’une abondante compagnie et fait que l’on n’est en réalité jamais seul! Pour d’autres, il s’agira de décrypter le monde en s’abreuvant aux vers du poète, lettres du romancier et propos de l’essayiste plutôt qu’aux bulletins de nouvelles, quitte à oublier le jour des élections! Et si pour ces derniers, ces mots résonnent tout autant, sinon plus, de sérieux, que ceux livrés par les médias, c’est précisément qu’ils témoignent de solutions aux problèmes de ce monde, mais cette fois-ci, au prisme d’une sensibilité humaine. On comprend qu’ici la poésie a raison de la politique qui de toute façon, faisant commerce avec la croissance et le pouvoir, regorge de principes qui contrecarrent la mélodie des choses. Or, c’est justement ces raisons qui auront repoussé des gens vers la marge, les incitant à réaliser une vie de Walden dans la ville!
S’ouvrir à la transcendance
D’autres encore s’engageront sur la promenade du solitaire4 en aspirant à d’autres cieux, avec l’espoir de trouver, au fil de balades contemplatives et herborisantes, de nouvelles raisons, les sources du bonheur et la paix de l’esprit. Rousseau exprima de manière si poétique combien « le bruit des vagues et l’agitation de l’eau5 » parvenaient à lui procurer un sentiment d’existence que nulle autre source que celles présentes en son élue terre de retrait6, n’eut pu égaler. Une autre variation de l’être-seul est celle que réalise le pèlerin et tout chercheur d’absolu. Par son éloignement des bavardages communs, des préoccupations sociétales, et son écart du flux de la vie ordinaire, ce solitaire recherche une source de vérité éternelle.
La figure monastique illustre à merveille cette quête d’éternité. Et si la qualité d’éternité s’impose ici comme un repère salvateur, c’est précisément parce qu’incarnée, elle permet de transcender l’étendue matérielle et périssable du monde, et d’élever ainsi l’âme vers des considérations qui abordent les fondamentaux de notre humanité commune (Un Chartreux, 2007). Mais accéder à cette connaissance profonde implique de se relier à la source divine. Or, la vie en solitude, traversée de silence, d’ascèse, de contemplation et de psaumes, éprouvée dans la durée, la « veillée7 », permet de se dépouiller des artifices et d’être disposé à accueillir « l’homme intérieur », à travers le murmure de la source divine. Ici, la solitude silencieuse est la voie suprême pour accéder à l’ultime vérité et la faire fructifier en communauté d’esprits (ibid.). Par ailleurs, la réclusion8 à laquelle conduisent le jardinet ou la cellule se présente comme l’occasion de trouver en soi cette source, et de faire rejaillir cette divine présence partout autour de soi, dans ce qu’il y a de plus fin, de plus beau et de plus fragile, et de la transmettre par soi, notamment au cloître, lors des temps de prière et dans la production du travail manuel. Ne dit-on pas d’ailleurs que « Dieu pénètre l’âme par la porte des sens » et que le jardin monastique diffuse une bonne odeur de Dieu? (Nabert, 2011, p. 56) L’idée de clôture suppose la protection divine. En évoquant le paradis, le Christ affirmait d’ailleurs : « Il est un jardin bien clos, ma sœur, mon épouse […] » (Ct 4,12). Le silence et la solitude n’ont donc ici rien d’austère. Ils se cultivent tel un jardin des sens et sont le souffle de l’élan vital. Le dépouillement invite ainsi à la nudité intérieure ou à l’entrée au Désert9 pour accueillir la voix céleste et « se revêtir de Dieu » (ibid., p. 53). Être seul avec le Seul, mais à la fois uni à tout, telle est la missive du reclus. Au monastère, « le paradis est dans un brin d’herbe » et le désencombrement distille des vertus purificatrices qui enchantent l’âme de sensations divines (Nabert, 2011).
La marche, le yoga, le pèlerinage, la lecture, l’écriture, la pêche, le jardinage déclinent aussi cette quête. Mais pour y goûter, il faut savoir être à l’écoute et attentif pour pouvoir accueillir ce qui advient au cours de cette solitude. La vraie solitude s’acquiert sur le chemin des vicissitudes, entre combats et gloires, langueurs et petits bonheurs, régressions et espérances. C’est un lieu de sentiments contrastés qui rappelle que l’Homme, jamais n’est fini (Un Chartreux, 2007), mais qui offre un possible chemin de joie.
La solitude : rencontrer son âme et point de départ de la quête
Ainsi, nous voyons que la solitude ne résonne plus l’idée d’enfermement ou de repli sur soi, et qu’elle n’est pas en soi fatale! Elle évoque plus l’idée d’une aventure dont le point de départ est la source intérieure et la trajectoire, celle d’un chemin empruntant tous ces lieux où rejaillit la source, témoignant ainsi d’une quête de salut. S’il est question d’une quête, c’est que d’un point de vue anthropologique, tout être humain naît avec une cavité intérieure à habiter. C’est l’inexorable de la condition humaine. C’est une condition métaphysique que cet appel vers l’intériorité : « C’est le lot de tout homme, qu’on veuille se le cacher ou non. Et c’est le commencement de tout » (Kelen, 2005, p. 21). Aussi, le riche potentiel de réflexivité dont nous sommes dotés ne peut se résumer à une interface socialisée. Exister10, c’est inévitablement appartenir à un monde intérieur et extérieur. Les deux sont foncièrement liés et les deux doivent être habités pour qui souhaite rencontrer la joie de vivre et trouver un sens à sa vie : « […] trop nombreux sont ceux qui n’ont pas compris que la figure divine habite au centre même de l’être » (Jung, 1963).
Ce témoignage en faveur de l’âme, Jung comme bien d’autres sages et penseurs de notre humanité l’ont livré : « L’âme est en nous ce qui permet de désirer, de ressentir, de nous émouvoir, de résonner, de conserver mémoire de toute part […] » (Cheng, 2006, p. 40). C’est là qu’on entend ce qui nous fait vibrer, que résonnent nos qualités, notre nature, que loge notre propre histoire, qu’émergent nos questionnements, nos aspirations profondes, nos rêves et nos passions. C’est la source de notre sensibilité et de notre intuition. Et si le thème du salut ressurgit ici, c’est précisément du fait que la solitude se présente comme un moyen de ressentir la fusion de ce noyau et de se mettre à son propre chevet : pour remuer ou calmer les braises du foyer et ainsi « communier par affect et par amour » (Cheng, 2006, p. 40). Sans ce passage vers cette source première, cette instruction primaire, sans se connaître, chacun court le risque de se faire avaler par les conformités. Bref, de sombrer dans l’inertie et de s’oublier en vertu d’un système fondé sur des attentes, des rôles et des principes qui ne procurent pas nécessairement un sentiment de soi. Le passage vers la solitude invite donc à regarder les choses en face, permet de se voir et de s’entendre de près. Sans filtre. À nu. Il offre l’occasion de se débarrasser de ces épaisseurs sociales qui sont parfois de pauvres armures (Bobin, 2006, p. 40) nous contraignant à nous inscrire dans une mascarade qui nous cache parfois tout entier! Car porter le masque implique de renoncer à cette présence divine que distille notre âme, au profit d’une préséance du paraître et de l’incarnation d’un autre que soi.
Une terre originelle au passage inévitable
Au terme de cette réflexion, est-il abusif d’affirmer que cette intériorité est le sommet de la rencontre avec soi et qu’y circuler devient un passage inévitable? De fait, s’il est une condition propre à celle de l’être humain et foncièrement inéluctable, c’est bien celle de solitude. Terre originelle, dotée d’une immensité, la solitude est l’ultime refuge. Elle est ce lieu qui diffuse une essence singulière, distillée au filtre de notre conscience et de notre sensibilité. C’est l’espace-temps intérieur qui abrite l’âme, la nourrit et la veille, tout en assurant son mûrissement continu. Terre si lointaine et si proche à la fois, la solitude, c’est l’être dans sa demeure, l’Homme en soi. C’est l’espace des derniers remparts, le garde-fou contre l’envahissement de la norme sociale, l’anéantissement des attentes, et l’ensevelissement des liens. Constante et persistante, elle nous suit à chaque pas tels l’ombre du jour et le parfum de la rose. Mystérieuse, intangible, cachée, trop occultée, elle est le dernier des lieux où il est encore possible de capter l’écho de sa propre présence au monde, si souvent silencieusement masquée. Foyer de notre âme, elle n’est pas acquise, mais à apprivoiser, à dompter; il faut la faire sienne! Intarissable, jamais elle ne se tait! Si muette elle devient, c’est qu’on la fuit, la muselle, l’asphyxie ou la trahit. Hospitalière, elle est cet antre du dialogue avec soi-même; haut lieu des confidences à se livrer, des aveux à se faire et des constatations à se dire (enfin!).
Fabrique de l’authenticité, elle fait don de pouvoirs insoupçonnés, pouvant transformer le pétrole en eau claire. Magicienne, elle dénoue des mystères et laboure des impasses. Puits de merveilles, elle sait donner une seconde vie aux secrets et aux chagrins, nous soulageant alors des corvées qu’ils nous imposent et de leurs relents caverneux. Siège de notre souveraineté, elle est la demeure de tout être qui cherche à rester à la barre de son destin, car elle procure la force d’exaucer le sens du chemin et l’itinéraire désiré. La solitude, c’est la réserve de notre sel : celui que l’on saupoudre pour donner du goût à notre vie et que l’on apprend à doser tout au cours de notre existence; celui qui préserve de la perte de soi, qui sous l’effet des cristaux fait briller l’horizon, donne du relief au quotidien. Celui qui rend la vie savoureuse et l’infuse d’espérance.
La Grande Clef de la solitude, c’est celle qui débarre le portail du jardin intérieur et qui donne le courage de retirer le(s) masque(s). En déjouant les habitudes socialement prescrites et en faisant le choix de s’inscrire dans une verticalité dont les racines puisent à même la voûte céleste, celui qui entre en solitude s’engage en réalité dans une quête qui puise à même la transcendance et qui repose sur une attitude hospitalière, d’amour envers soi (Delourme, 2016). Toutefois, un tel aboutissement n’est pas gratuit. Il exige un pèlerinage intérieur qui se réalise au gré de l’épreuve. La quête peut s’avérer affligeante, lourde ou exigeante dans la mesure où elle se paye au prix d’un labeur, d’une résistance et d’un combat qui tantôt défient l’endurance, tantôt fragilisent des conditions d’existence. Mais d’aucuns diront que son goût n’a d’égal que l’extase et la pureté, et qu’elle en vaut la peine. Sans cette solitude, notre âme serait sans abri, vide d’essence, sans couleurs et sans esprit. Sans elle, notre singularité serait avalée et, ainsi déshabités, nous risquerions de ne plus exister. Car s’exiler de soi, c’est vivre sans exister!
Notes
1 Walden est le titre d’un ouvrage marquant du philosophe américain Henry David Thoreau qui se retira un peu plus de deux ans (1845-47) dans une cabane dans les bois, près du lac Walden (Boston, Massachussetts). Ce retrait avait pour but de faire l’expérience d’une vie spartiate et autosuffisante, avec le désir de goûter à la vie dans ses formes les plus pures et simples.
2 Expression reprise de Rilke (2014) pour témoigner de la dimension artistique et sensible de la vie.
3 L’idée de se représenter la fragilité des choses à travers l’idée du duvet est celle de Kelen (2005, p.187).
4 Je réfère aux Rêveries du promeneur solitaire de J.-J. Rousseau (1712-78) qui ont été l’occasion pour ce philosophe de mener des réflexions en solitaire (1776-78) au sujet de la nature de l’Homme et de son esprit.
5 Propos issus de la « Cinquième Promenade ».
6 L’île Saint-Pierre, lieu où Rousseau séjourna en retraite et sis sur la Lac de Bienne, en Suisse.
7 Terme employé par Un Chartreux (2007) qui reconnaît à cette temporalité les qualités qui lui sont intrinsèques à savoir l’attente, la patience et l’attention.
8 Fait intéressant s’il en est un, l’étymologie de « réclusion » évoque non pas l’idée d’enfermement, mais bien celle d’ouverture puisque Recludere signifie « ouvrir des portes, y compris celles du destin » (Kelen, 2005, p. 203).
9 Depuis les origines de la tradition érémitique du monachisme chrétien oriental, principalement développée par les Pères du Désert, le désert s’entend comme le monde intérieur dévoilé et mis au monde grâce à un état d’esprit propice à la rencontre de soi et éventuellement, de Dieu.
10 Il m’importe de nuancer le sens du mot « exister » en vue de le distinguer du verbe « vivre ». Exister fait appel au pouvoir et à la liberté dont chacun est doté en tant qu’être humain pour fabriquer une trame et donner du sens à sa vie, en faire une expérience unique. Cette nuance a quelque chose de plus que l’idée de vie n’a peut-être pas si tant est que cette dernière est plus aisément associée aux mécanismes biologiques et physico-chimiques qui permettent la vie. Le souffle n’est pas la respiration, pas plus que le cœur comme organe n’est le moteur de l’amour et que les neurorécepteurs cutanés sont le siège de la sensibilité complexe de l’être humain. Exister relève d’un effort de soi, d’une conscience de soi qui permet d’éprouver le sentiment de soi.
Références
Bobin, Christian (2001). « L’irradiance du dénuement. Dialogue avec Christian Bobin » dans La grâce de la solitude, Paris, Albin Michel.
Cheng, François (2016). De l’âme. Paris, Albin Michel.
Delourme, Alain (2016). La solitude initiatique. Paris, Accarias / L’Originel.
Emerson, (2017 [1837]. La nature. Paris, Allia.
Jung, Carl (1963). L’âme et la vie (R. Cahen et T. Le Lay trad.), Paris, Buchet/Chastel.
Kelen, Jacqueline (2005). L’esprit de solitude. Paris, Albin Michel.
Krishnamurti, Jiddu (1998). De l’amour et de la solitude. Ojai, CA, Stock.
Nabert, Nathalie (2011). Le jardin des sens. Paris, Albin Michel.
Rilke. Rainer Maria (2014 [1955]). Notes sur la mélodie des choses. Paris, Allia.
Rousseau, Jean-Jaques (2001). Rêveries du promeneur solitaire. Paris, Librairie générale française.
Thoreau, Henry-David, 2017a, [1854]. Walden (B. Matthieussent, trad.), Marseille, Le mot et le reste.
Thoreau, Henry-David, 2017b, [1861]. La marche (N. Mallet, trad.), Marseille, Le mot et le reste.
Un Chartreux (2007). « Silence et solitude. Une vie de Chartreux », Études, tome 407, no. 7, p. 63-74.
Valérie Desgroseilliers est étudiante au doctorat au programme de santé communautaire de l’Université Laval. Titulaire d’une formation en anthropologie, elle cherche à comprendre différentes réalités de santé et de maladie au prisme de perspectives conceptuelles issues des sciences sociales et humaines. Au fil de ce voyage, elle entreprend également des réflexions autour de différents thèmes de l’existence en vue de mettre en lumière leur riche complexité. Ses intérêts de recherche abordent les thèmes de l’identité dans une perspective socio-phénoménologique, tout particulièrement lors de ruptures existentielles, telles que la migration. À ce titre, elle cherche à mieux comprendre la forme et le rôle de ressources religieuses et spirituelles. Parallèlement à ses études, elle réalise des activités de recherche et d’enseignement universitaire.