Le fondement philosophique du discours ambiant sur l’aide médicale à mourir et la liberté d’expression
Par Gabriel Côté – 1er décembre 2018
La loi 2 – Loi concernant les soins de fin de vie – est adoptée depuis plusieurs mois. La réflexion sur le sujet est-elle terminée pour autant? Faut-il maintenant laisser la place essentiellement aux discours qui tendent à légitimer cette loi et renvoyer les opposants aux oubliettes en refusant de reconnaître la valeur de leurs discours? L’auteur nous invite à un discernement éclairé en analysant les fondements philosophiques des deux discours : celui en faveur de l’aide médicale à mourir et celui qui s’y oppose.
La tolérance est l’un des grands piliers de la civilisation occidentale. L’essence de la tolérance réside dans la reconnaissance des limites – les nôtres ainsi que celles des autres – qui nous empêchent de prétendre à la connaissance de toute la vérité sur l’ensemble des phénomènes ou simplement au sujet d’un phénomène en particulier, à l’unité de nos croyances et de nos pensées, ou même, à la cohérence de celles-ci. La reconnaissance de ces limites débouche sur la nécessité d’accepter d’entendre exprimer des opinions contraires à la nôtre, et d’essayer d’en comprendre l’essentiel en sondant honnêtement les contradictions qui peuvent s’y trouver, tout en étant prêt à réévaluer notre position à la lumière de cet examen. En ce sens, la tolérance a un visage bien défini, celui de la liberté d’expression.
Or, il n’est pas du tout évident que la liberté d’expression soit un bien : l’espace public est rempli de discours qui choquent le bon sens et qui paraissent porter atteinte au bien commun. La question de l’aide médicale à mourir (AMM) n’est pas étrangère à ce problème : même depuis l’adoption de la loi, il se trouve encore quelques personnes qu’on qualifie d’originales pour s’opposer publiquement à cette pratique, la plupart du temps pour des motifs moraux ou religieux. Et vu le nombre impressionnant de demandes pour l’aide médicale à mourir1, il nous paraît judicieux de remettre en cause, aujourd’hui, la place que l’on doit accorder à ces discours « dérangeants » : faut-il les limiter au nom de la loi, leur accorder une place marginale, ou bien encore leur reconnaître une dignité égale ou supérieure au discours dominant au sujet de l’aide médicale à mourir, à savoir au discours en faveur de celle-ci?
Pour le déterminer, nous examinerons ici les fondements du discours contre l’aide médicale à mourir. Pour être le plus exhaustive possible, l’enquête visant les fondements du discours pour l’aide médicale à mourir sera conduite parallèlement. Au terme de ce travail, nous devrions être en mesure de trancher : doit-on tolérer les discours qui s’opposent à la loi, ou bien les condamner sévèrement?
Les différents fondements des discours opposés sur l’aide médicale à mourir
Le bien est la fin de toute décision et de toute action
Au tout début de l’Éthique à Nicomaque, Aristote affirme que le bien est la fin de tout choix et de toute action2. Nous devons en comprendre que le « bien » peut désigner une multiplicité de choses différentes, dans la mesure où chaque action vise un bien particulier. Le bien que cherche à atteindre le musicien n’est manifestement pas le même que celui que cherche le chef militaire. Dans un cas, c’est l’harmonie qui est la fin, et donc le bien recherché, alors que dans l’autre, c’est la victoire. De même, lorsque nous faisons un choix ou posons une action quelconque – ce qui exclut par le fait même une diversité d’options alternatives qui nous demeuraient ouvertes avant la décision ou le geste posé – nous exprimons, consciemment ou non, une conception déterminée du bien.
Que chaque action, chaque décision et chaque discours expriment une conception déterminée du bien, implique nécessairement que certaines conceptions du bien s’opposent les unes aux autres. On pourrait conclure hâtivement à la valeur relative du bien, et en déduire à la fois l’impossibilité d’une enquête visant les notions de bien et de mal ainsi que l’exigence de se montrer respectueux de l’ensemble des points de vue.
Cette approche suffirait déjà à contredire le discours selon lequel il faut limiter le droit de parole des opposants à l’aide médicale à mourir, car leur point de vue exprime une conception du bien distincte, mais de même valeur, que le discours qui se porte à la défense de celle-ci.
Un tel relativisme moral a toutefois le tort de venir contredire une expérience fondamentale partagée par l’ensemble des êtres humains : celle du meilleur et du pire3. La conception du bien exprimée dans nos choix ne fait pas en effet qu’affirmer le bien d’une valeur, mais en plus elle affirme que cette valeur est meilleure que telle ou telle autre. Cette expérience est une invitation à enquêter sur l’ensemble des valeurs et des systèmes de valeurs afin de voir ce qu’il y a de bon et de mauvais en chacun d’eux et pour découvrir ce qu’on peut en apprendre au sujet du Bien et du Mal.
En vertu de ce qui vient d’être dit, nous affirmons qu’au fondement des discours qui s’opposent au sujet de l’aide médicale à mourir se trouvent des conceptions radicalement divergentes du bien et du mal, et que pour juger convenablement de la valeur de ces deux discours, il est de toute nécessité de passer sous examen ces conceptions. La conclusion de cette analyse devra nous permettre de conclure s’il faut limiter ou encourager la liberté d’expression des opposants à l’aide médicale à mourir, dans la perspective du bien des patients, des familles, des soignants, et éventuellement de l’ensemble de la société québécoise.
Les conceptions du Bien et du Mal dans les discours pour et contre l’aide médicale à mourir
Le discours en faveur de l’aide médicale à mourir
C’est dans le rapport à la souffrance que nous retrouvons l’expression la plus claire de la différence entre les conceptions du bien et du mal dans les discours pour et contre l’aide médicale à mourir. Pour les partisans de l’AMM, la souffrance est identifiée au mal, comme on peut l’observer dans certaines déclarations faites au cours d’un échange au sujet de l’AMM dans le numéro d’automne-hiver 2017-2018 de la revue Argument.
Mon expérience d’accompagnement avec l’AMM me permet de dégager certaines avancées :
- L’AMM offre une assurance aux malades : « Si jamais je me retrouve en fin de vie avec des souffrances intolérables, je sais que je n’aurai pas à les subir contre mon gré. »
- Entre le moment de l’acceptation de la demande et celui de la procédure, elle procure aux malades sérénité et apaisement.
- Elle prémunit tous ces malades contre l’agonie terminale.
[…]
- Elle permet, enfin, à ceux qui sont au chevet de l’être aimé de constater que son décès a été rapide, paisible et digne, sans détresse, crispation, incontinence ni convulsion, ainsi que le souhaitait le malade.
- La philosophie des soins palliatifs est de soulager et d’accompagner jusqu’à son décès un malade dont la mort est inévitable, en lui tenant la main avec ouverture, respect, humilité et compassion. Ces nobles attributs ne disparaissent pas avec une demande légitime d’AMM.
En conclusion, réaffirmons que l’AMM est tout sauf une injection létale. C’est un soin et un accompagnement de fin de vie. Et indéniablement une immense avancée pour l’humanité, dans la considération des malades souffrants4.
Ce passage, tiré du débat déjà cité et publié dans la revue Argument, montre la souffrance sous un visage effrayant, comme quelque chose « d’intolérable » et de « laid » que l’on « subit » – détresse, crispation, incontinence, convulsion – et que l’aide médicale à mourir vient combattre. Cette conception de la souffrance est par ailleurs ce qui permet aux partisans de l’aide médicale à mourir de conclure que celle-ci est un « soin » et un geste de « compassion »5. Le contrepoids de l’identification de la souffrance au mal est ainsi l’identification de l’absence de souffrance au bien. On se retrouve alors face à une conception positive du mal, d’où l’on dérive une conception négative du bien : le bien, dans ce schème de pensée, est le contraire de la souffrance. La meilleure action possible est donc celle qui parvient à éliminer complètement la souffrance, alors que les soins palliatifs « traditionnels » ne peuvent tout au plus qu’offrir un soulagement et un support dans l’attente de la délivrance de la mort naturelle. Mais cela va encore plus loin, car la mort naturelle qui marque la fin de la souffrance de tous les êtres humains depuis le premier homme est elle aussi dépeinte, par un jeu de contraste, comme une de ces choses qui nous font souffrir. L’aide médicale à mourir offrirait alors, si l’on en croit cette opinion, une échappatoire, un moyen simple et efficace de rendre la mort douce et dépourvue de toute souffrance; les trois injections assurent en effet qu’il n’y ait aucune « crispation », aucune « incontinence », aucune « convulsion », et aucune « détresse ».
Outre l’assimilation du mal avec la souffrance et la conception du bien qui en découle comme absence de souffrance, on peut déceler un bien positif à la base du discours en faveur de l’AMM. Il s’agit de la liberté, laquelle est avec l’égalité le grand idéal de nos sociétés démocratiques, et certainement quelque chose à quoi on peut supposer que les hommes de toutes les époques aspirent. Ainsi, le Dr Marcel Boisvert écrit, dans un article intitulé « L’absolutisation de la vie… au détriment des personnes! »6, que : « nous sommes témoins en Occident d’un retour vers ces penseurs de l’autonomie [en référence ici aux penseurs de l’Antiquité grecque], lesquels nous rappellent que, si nous ne choisissons pas de naître, nous pouvons choisir de mourir. » Le concept de liberté qui est ici en jeu comprend la liberté comme la possibilité de choisir, de prendre une décision et d’agir conformément à cette décision sans en être empêché, et conséquemment comme une absence de contrainte. La conception positive du bien à l’œuvre dans le discours en faveur de l’aide médicale à mourir consiste donc en une conception négative de la liberté. Ce n’est en rien une évidence que la liberté se limite à une absence de contrainte. Rappelons à cet égard l’étymologie du mot « autonomie », qui signifie : « se donner à soi-même sa propre loi ». Cela implique non seulement de se défaire des chaînes de l’hétéronomie – la loi qui nous est donnée de l’extérieur : le joug de l’opinion commune, les lois de la cité, les dogmes religieux, l’idéologie – mais aussi de se lier à une loi que l’on se donne soi-même. L’autonomie renvoie ainsi à une conception positive de la liberté, qui s’oppose, dans une certaine mesure, à la liberté conçue comme l’absence de contrainte. Soulignons au passage que s’il est question d’autonomie dans le passage cité de l’article du Dr Marcel Boisvert, que celle-ci est toutefois immédiatement reconduite à la liberté de choisir, et incidemment à l’absence de contrainte.
Le discours contre l’aide médicale à mourir
C’est un autre rapport à la souffrance qui soutient le discours s’opposant à l’aide médicale à mourir, et qui peut nous permettre de comprendre les conceptions du bien et du mal qui le supportent. Ce discours considère a priori que la souffrance n’est manifestement pas un bien, sans toutefois conclure qu’elle est un mal. Cela est d’ailleurs attesté par le simple fait de se poser en opposition à des mesures telles que l’aide médicale à mourir ou le suicide assisté, car ce n’est que si la souffrance est identifiée au mal qu’il devient souhaitable et même nécessaire de prendre des mesures en vue de son éradication, même si cela signifie de « donner la mort ».
Si donc la souffrance n’est a priori vue ni comme un bien ni comme un mal dans la perspective de ceux qui s’objectaient ou qui s’objectent toujours à la loi 52, c’est en raison d’une conception du bien particulière, qui l’identifie à la signification, au sens. Autrement dit, est bon ce qui est porteur de sens. Dans ce cadre, il se pourrait que derrière le terrifiant visage de la souffrance se trouve quelque chose de bon. À cet égard, citons l’exemple d’un athlète : l’entraînement nécessaire pour parvenir au niveau suffisant pour compétitionner au plus haut niveau requiert un lot considérable de sacrifices et de privations de toutes sortes, sans nommer la douleur ressentie lors de l’effort physique, les possibles blessures, les multiples défaites, etc. Or, l’ensemble de ces souffrances est plein de signification, en tant que l’athlète se dépasse lui-même en les endurant, tant sur le plan physique que sur le plan psychologique et moral7. Pour les opposants à l’aide médicale à mourir, il en va de même pour les souffrances caractéristiques de la fin de vie, c’est-à-dire qu’elles peuvent être un vecteur de dépassement de soi sur les trois plans cités – physique, psychologique et moral – mais aussi sur le plan spirituel. L’agonie et la mort représentent en effet on ne peut plus clairement un dépassement sur le plan physique, dans la mesure où le corps cesse alors de fonctionner. Sur les plans psychologique, moral et spirituel, l’expérience de la vulnérabilité et de la faiblesse mène à des questions ultimes, telles que celle du sens de la finitude de l’existence humaine. Embrasser sa finitude et chercher à en comprendre la signification, voilà manifestement ce qu’on pourrait qualifier de « dépassement ».
Corollairement, le mal est compris dans l’horizon de l’absence de signification, ou plus précisément comme ce qui conduit à une telle absence. Ainsi, le philosophe Thomas De Koninck, dans un article publié en 2013 dans Le Devoir8, condamnait l’usage sophistique de certains mots dans la rhétorique pro-aide médicale à mourir qui mène à un amoindrissement, voire à l’anéantissement, du sens des mots :
Le sophisme « le plus naturel et le plus répandu est celui qui tire parti des mots » constatait déjà Aristote au début de ses Réfutations sophistiques. Mais il y a plus. Il y a ce que le poète québécois Paul Chamberland a su parfaitement résumer récemment en une phrase incisive : « L’altération totale du sens des mots permettra de fabriquer la version officielle de ce qui devra passer pour la réalité elle-même » (Le Devoir, 8 mai 2013, p. A 8). On ne saurait mieux énoncer la loi en vertu de laquelle, faute de pouvoir transformer la réalité, l’idéologie altère le sens des mots qui désignent cette réalité. Désormais, pour le dire d’un mot avec Orwell, « le noir est blanc », « la guerre est la paix » et ainsi de suite. Le principe est admirablement formulé, en effet, par George Orwell dans 1984 : il s’agit de « disloquer le sens de la réalité ». Cela s’appelle « contrôle de la réalité », en langue ordinaire.
Ainsi, ce qu’il y a de grave avec l’altération du sens des mots, c’est qu’elle mène à une transformation de la réalité, et incidemment, de notre manière de nous rapporter à celle-ci : cela touche notre manière de voir, d’interpréter et de prendre place dans le monde. Selon ce schème de pensée, l’une des transformations les plus manifestes et les plus lourdes résiderait dans la seule manière de nommer la pratique de « l’aide médicale à mourir », laquelle désigne plutôt en réalité une forme d’euthanasie, c’est-à-dire de meurtre. À cet égard, Thomas De Koninck note que :
Si le meurtre est gravissime, c’est qu’il supprime à jamais tous les possibles de sa victime avant l’instant ultime naturel. On se souviendra peut-être de Kirilov, ce fou des Démons de Dostoïevski qui rêvait d’affirmer sa liberté en la supprimant par le suicide. Tuer quelqu’un parce qu’il m’a demandé de le faire au nom de son « autonomie » à lui ou à elle, ne rend pas ce geste moins contraire à l’éthique la plus élémentaire et n’en est pas moins porter atteinte à son autonomie et à sa dignité à leur niveau le plus profond. Il s’agit bien d’éthique et non de religion, comme le prétendent trop facilement celles et ceux que la réflexion critique impatiente. Dès l’Antiquité grecque, la philosophie – dont l’éthique est une partie – s’est définie comme meletê thanatou, « exercice à la mort ».
En outre, si le fait de supprimer l’ensemble des possibles qui caractérise la vie d’un individu n’est pas respectueux de la dignité et de la liberté de la victime, et ce, même si elle nous l’a demandé, ce geste peut avoir de très graves conséquences chez celui qui le pose. La poésie de Shakespeare nous en donne l’exemple, dans l’une de ses plus célèbres pièces, Macbeth. Après avoir tué le roi Duncan, Macbeth est dans le néant, plus rien n’a de sens pour lui :
Demain, et demain, et demain se glisse dans ce pauvre pas de jour en jour vers la dernière syllabe du temps des souvenirs; et tous nos hiers ont éclairé les fous sur le chemin de la mort poussiéreuse. Éteins-toi, petite chandelle! La vie n’est qu’une ombre en marche, un pauvre acteur qui s’agite pendant une heure sur la scène et alors on ne l’entend plus; c’est un récit conté par un idiot, plein de son et furie, ne signifiant rien.
Bref, pour Macbeth, l’absence de signification, le néant, est la conséquence directe du mal qu’il a commis : un meurtre. Et si l’on sait que le meurtre est mauvais, c’est bien à cause de sa funeste conséquence, tant pour Duncan, dont les possibles ont été réduits à néant, que pour Macbeth, pour qui la vie n’est plus que le récit bruyant et vain d’un idiot.
Conceptions du bien et du mal | leurs conséquences sur la liberté d’expression et de penser
Une différence fondamentale est ressortie de l’examen des conceptions du bien et du mal à l’œuvre dans les discours pour et contre l’aide médicale à mourir. Nous avons vu que d’un côté, c’est la liberté de décision au sens négatif de l’absence de contrainte qui est comprise comme le bien, alors que la souffrance est assimilée au mal, et que c’est cela qui ultimement supporte la thèse des partisans de l’aide médicale à mourir; de l’autre côté, c’est en vue du sens de l’existence humaine et contre l’annihilation de celui-ci que l’on se pose contre la loi 52 et son application. Mais quelles conséquences peut-on tirer de ces développements quant au thème annoncé de cet article, à savoir la liberté d’expression? Nous nous contenterons, à ce propos, de dire ce qui suit : malgré le fait que la loi 52 ait été adoptée, et ce, suite à des discussions conduites en bonne et due forme selon les normes fixées par les instances démocratiques actuelles, il est de toute nécessité que la discussion se poursuive, et ce, précisément au nom de ce que les défenseurs de l’aide médicale à mourir – dont l’un d’eux a, rappelons-le, exprimé le désir de limiter la place accordée dans l’espace public à ceux qui s’opposent à l’aide médicale à mourir – ont fait leur principal argument, c’est-à-dire au nom de la liberté de choisir!
À cet effet, il nous faut comprendre les conditions préalables à ce que l’on désigne par l’expression « liberté de choix ». Comme l’a souligné le professeur De Koninck, les mots sont ce par quoi nous forgeons notre expérience de la réalité. Si donc nous éliminons, ou seulement accordons une importance moindre au discours qui se pose contre l’aide médicale à mourir, nous laissons sciemment dans l’obscurité un discours sur la réalité, lequel s’est avéré au moins aussi noble que le discours auquel il s’oppose dans l’examen de ses fondements conduit précédemment. C’est dire que la limitation de la liberté d’expression entraîne une limitation de la liberté de penser – les mots utilisés pour se rapporter au réel ayant connu une transformation insidieuse. Or comment ne pas voir qu’une atteinte directe à la liberté de penser est une missive destructrice pour la liberté de choix? La réduction du droit de parole de ceux qui s’objectent à l’aide médicale à mourir entraînerait ainsi la défaite de la liberté de choix, par l’enchaînement des consciences à une pensée unique et indiscutable. C’est là l’envers de l’autonomie et le parfait contraire de la liberté.
Notes
1 Pour des chiffres, voir ces reportages, qui datent respectivement du 14 mars 2017, et du 26 octobre 2017 : http://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1022079/aide-medicale-a-mourir-461-cas-en-un-an-au-quebec / http://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1063610/aide-medicale-mourir-faible-augmentation-cas-quebec
2 Aristote, Éthique à Nicomaque, I, 1097 a-b.
3 Nous faisons cette expérience dès lors que nous nous améliorons dans une discipline ou une autre, par l’exercice et le travail. Nous sommes de plus témoins de cette expérience au moment où l’on regarde une compétition sportive, lorsque nous préférons un type de musique à un autre, et même plus spécifiquement un artiste plutôt qu’un autre. C’est aussi ce sentiment du meilleur et du pire qui nous rend capables d’admiration et de mépris.
4 Argument — politique, société, histoire. Automne-hiver 2017-2018 (vol. 20, no 1). Je souligne.
5 Il serait intéressant de comparer le sens de la compassion dans l’un et l’autre des discours sur l’AMM. Peut-être verrions-nous que d’un côté, la compassion est quelque chose comme le fait de vivre la souffrance en commun, et de l’autre, l’arrêt pur et simple de la souffrance.
6 Boisvert, Marcel. « L’absolutisation de la vie… au détriment des personnes! », dans Le Devoir, 29 décembre 2016, http://www.ledevoir.com/opinion/libre-opinion/487987/l-absolutisation-de-la-vie-au-detriment-de-la-personne
7 Le dépassement sur le plan physique est évident. Sur le plan psychologique, nous pouvons penser entre autres choses à l’exercice de la volonté, alors que le dépassement sur le plan moral peut être accompli par le développement de « l’esprit sportif » : savoir respecter son adversaire, accepter d’être battus, tirer des leçons de ses échecs, etc.
8 De Koninck, Thomas. « Soins de fin de vie – Les sophismes du projet de loi 52 », dans Le Devoir, 29 octobre 2013. http://www.ledevoir.com/opinion/idees/391156/les-sophismes-du-projet-de-loi-52
Gabriel Côté est doctorant en philosophie à l’Université Laval. Son travail porte sur les rapports entre la pensée moderne et la philosophie antique, et plus particulièrement sur les rapports entre Heidegger et Platon au sujet de la question de la vérité.