Pour l’amour de Dieu, aidez-moi à mourir!

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Par Richard Depaironintervenant en soins spirituels - 1er août 2017
CIUSSS du Centre-Sud-de-l’île-de-Montréal

Voici l’histoire d’un homme, appelons-le M. Tremblay (nom fictif), qui vient d’apprendre qu’il n’a que quelques mois à vivre. Non seulement il sait qu’il va mourir, cela semble inévitable et imminent, mais encore, il a été relocalisé en centre d’hébergement de soins de longue durée, car son autonomie physique a été gravement diminuée à la suite d’une série d’accidents vasculaires cérébraux (AVC). Il ne peut plus marcher et il s’exprime difficilement. Le médecin m’informe qu’il a fait une demande d’aide médicale à mourir (AMM).


Lorsque je rencontre M. Tremblay dans sa chambre, j’arrive à peine à imaginer ce qu’il doit ressentir. La porte est fermée. J’hésite à frapper. Comme Moïse sur le mont Sinaï, je contourne le buisson et appréhende le mystère. Au premier regard, je constate l’intelligence et la détermination dans ses yeux, la seule chose qui semble encore vivante chez lui. Je perçois comme une obstination sa manière de rester accoudé dans une position précaire comme pour se prouver à lui-même qu’il est encore capable de se tenir droit.

Je me présente et explique le rôle de l’intervenant en soins spirituels. Il a une expression de défi sur le visage que j’ai du mal à discerner. Il me sonde, m’observe, m’évalue en silence. Puis, son visage se modifie, se contorsionne, les traits deviennent brusquement tristes et des larmes glissent le long de ses rides. Il me raconte son histoire, ses espérances déçues, ses peines, ses peurs, ses colères et il se plaint du manque d’attention du personnel soignant. J’écoute chaque mot et j’observe chaque geste, chaque expression du visage. Puis après un moment de silence, il ajoute simplement qu’il est en paix avec sa décision. J’ai compris que j’avais gagné sa confiance. Il me parle de son choix de demander l’aide médicale à mourir. Le premier médecin s’est prononcé favorablement et il attend maintenant l’évaluation du deuxième médecin. Ensuite, il pourra décider de la date et de l’heure. Son choix est cohérent avec ses valeurs et sa trajectoire de vie. Catholique, il se dit avant tout, spirituel et libre penseur.

Je l’écoute sans le juger. Sa détermination est tout ce qui lui reste, me semble-t-il. Devant la perte de contrôle sur sa vie, il lui reste cette possibilité de décider partiellement sa destinée. La loi lui permet et sa conscience aussi. Il me demande d’être là le jour venu. Je suis conscient que la réponse va m’engager plus que je ne le souhaiterais, mais sa demande est légitime et j’estime juste et bon de l’accompagner jusqu’au bout. Il apprécie.

Le vendredi suivant, je retrouve M. Tremblay comme prévu dans sa chambre. En le revoyant ainsi couché, je réalise enfin à qui il me fait penser. La ressemblance avec Gandhi n’est pas que physique, elle est aussi philosophique et spirituelle. Sa résistance non violente me rappelle que la vie ne peut être valable que si elle est significative et vivable. M. Tremblay n’a pas beaucoup dormi ces derniers jours. En revanche, il a beaucoup réfléchi. Il ne souhaite plus mourir. Se peut-il que le seul fait d’avoir eu la possibilité de choisir l’AMM ait été suffisant pour lui redonner le goût de continuer à vivre?


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