Communier à notre humanité

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Par Isabelle Bisson, intervenante en soins spirituels - 1er avril 2017
Centre Spiritualitésanté de la Capitale-Nationale
 
Personne ne s’est levé un matin en disant : « Tiens, je vais devenir dépendant! » Et pourtant plusieurs personnes le deviennent. Détrompez-vous, la dépendance ce n’est pas pour une petite clique. Elle aime tous les métiers et toutes les générations, elle ne fait aucune discrimination.
 
Il y a des avantages ponctuels à la consommation d’alcool ou de psychotropes. Hop! Et soudainement on vit mieux avec la pression, la peine s’estompe pour laisser place à l’euphorie, les préoccupations de la semaine viennent de prendre le bord, les voix dans ma tête cessent de me faire la morale, je me sens plus cool, moins gêné, mon anxiété vient de me lâcher. Tous mes états de mal-être sont gommés, envolés l’espace d’un instant. Un instant toujours trop court…
 
Pour Marie, mère au foyer, Pierre, plombier ou Dominique, femme d’affaires, ce n’était pas différent, mais ça a mal tourné. Ils n’étaient pas moins intelligents, ils n’avaient pas moins de volonté, ils n’étaient pas plus délinquants… Ils cherchaient eux aussi la paix intérieure, l’harmonie, ils cherchaient à unifier ce qui était brisé, ils voulaient rassembler les morceaux éparpillés. Leur chemin vers le Paradis a impliqué un détour par l’Enfer…
 
Mais cette quête du Paradis, de la Terre promise, elle existe toujours. C’est même cette espérance qui les amène en réadaptation. Nous sommes face à des hommes et des femmes qui cherchent un sens à leur vie, leur quête prend la forme d’un recommencement, d’une renaissance, d’un renouveau. Je dois me redécouvrir, 10, 15 ou 30 ans plus tard, réapprivoiser mon corps à travers mes sens et mes émotions. Je veux reconquérir mes proches qui ont pris leurs distances, j’ai le goût de ré-enchanter ma vie à travers mes rêves, mes projets. J’ai envie de poser un nouveau regard sur le monde.
 
Leur quête, c’est aussi la mienne. Cette soif d’absolu, de vérité, je la porte, tout comme eux, depuis toujours. Cette faim inassouvie trouve un écho en moi. Nous sommes donc des co-chercheurs de sens. C’est cette fragilité, qui rend vulnérables et imparfaits, qui m’autorise à les approcher, à leur dire : « faisons route ensemble ». C’est parce que j’ai moi aussi visité l’enfer, que je tourne les yeux vers la lumière, que j’aspire à la paix intérieure, que je me tiens dans l’espérance, que je suis autorisée à accompagner cette recherche. Leur enfer n’est pas le mien, mais y a-t-il un enfer plus confortable que les autres?
 
Quant au travail de renaissance, je n’en suis pas l’actrice, pas même la metteure en scène. J’en suis un témoin privilégié. Je ne peux pas aider la chrysalide à sortir de son cocon sous peine de lui nuire et de la laisser handicapée, mais je peux saluer ses exploits au terme de grands efforts, marquer les passages, m’émerveiller de sa grandeur, de sa beauté et croire en ses capacités, faire valoir sa dignité, continuer de croire et d’espérer. Ensemble s’ouvrir à l’improbable, se laisser surprendre par l’inattendu. Se reconnaître l’un l’autre comme des chercheurs d’absolu. Voilà le fondement et la joie de mon travail d’intervenante en soins spirituels au Centre de réadaptation en dépendance de Québec. 


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