Perdre un enfant est probablement la pire épreuve qui soit, mais au CHU de Québec-Université Laval (CHU), pour aider la famille éprouvée à la traverser le plus sereinement possible, toute une équipe s’active.
Annick Pitre, Geneviève Paquet et Audrey Daigle, infirmières conseil en don d’organes et partenariats de soins de Transplant Québec au CHU de Québec-Université Laval, travaillent de près avec une équipe multidisciplinaire d’intervenants qui ont tous le même objectif, soit d’assurer le bien-être du jeune patient en fin de vie et de celui de sa famille.
« Quand un jeune patient arrive aux soins intensifs, la première chose qu’on veut faire, c’est de sauver sa vie. La travailleuse sociale est présente assez tôt dans ce genre de situation, parce que c’est évidemment un choc d’avoir son enfant aux soins intensifs. Elle est présente en soutien émotionnel et organisationnel auprès de la famille et des proches dans la période de crise entourant le décès d’un enfant et dans l’adaptation à l’épisode de soins. Il y a aussi l’intervenant en soins spirituels qui est présent pour l’écoute, qui peut offrir des moments de recueillement ou préparer des rituels pour apporter un peu de réconfort à la famille. Et quand il n’y a plus d’autres avenues pour le jeune patient que des options de fin de vie, les intervenants en soins palliatifs sont là pour expliquer les prochaines étapes selon les choix qui seront faits par la famille », précise Annick.
Cette belle collaboration interdisciplinaire permet d’offrir un accompagnement optimal à la famille, selon ses caractéristiques et ses besoins, que le don d’organes soit envisagé ou pas.
« En pédiatrie, il y a plusieurs intervenants qui sont très impliqués pendant les différentes phases de la fin de vie, avant même que le don d’organes soit discuté. De notre côté, nous avons l’expertise du don d’organes, mais chaque intervenant a sa propre expertise et a un rôle précis à jouer dans le processus. Ça permet de personnaliser l’expérience et de s’assurer qu’elle répond aux besoins spécifiques de chaque famille, parce que tout le monde ne réagit pas de la même manière. En pédiatrie, c’est un contexte doublement émotif, alors l’accompagnement est d’autant plus important », explique Geneviève.
Pendant le déroulement du processus de don, les différents intervenants, dont l’équipe de soins palliatifs, en profitent pour créer des souvenirs avec la famille, par exemple faire des empreintes, prendre des photographies, préparer des cérémonies avec l’intervenant en soins spirituels. « On organise aussi toutes sortes de choses selon les demandes de la famille. Par exemple, si c’est un jeune qui avait un grand cercle d’amis, on va organiser un salon et un rassemblement avec eux. On a déjà eu une équipe de sport, ils étaient tous arrivés avec leur uniforme, et on a mis son uniforme au jeune… C’était très émotif. On fait tout ce qui peut rendre ça plus doux dans le souvenir de la famille », explique Caroline Gauvin, assistante infirmière chef à l’unité des soins intensifs pédiatriques.

Caroline Gauvin, assistante infirmière chef, et Krystina Cloutier, monitrice clinique, unité des soins intensifs pédiatriques, Centre mère-enfant Soleil du CHU de Québec-Université Laval.
« On n’est pas tous là en même temps, mais chacun met son petit grain de sel, ce qui fait qu’on donne un service exemplaire pour les familles, et qu’on travaille pour leur offrir la meilleure expérience possible selon chacun notre expertise, mais aussi selon les besoins que la famille exprime. Et nous, en tant qu’infirmières conseil en don d’organes et partenariats de soins, on arrive seulement quand la décision est prise d’aller vers le don. C’est à ce moment qu’on rencontre la famille, puis on demeure présentes jusqu’à la fin », ajoute Audrey.
Dans ces situations tragiques, les infirmières en don d’organes et partenariat de soins sont d’abord présentes pour la famille : elles expliquent le processus, répondent aux questions et s’assurent que ses besoins et demandes sont pris en compte. Cependant, elles sont aussi là pour accompagner l’équipe de soins qui, heureusement, n’est pas confrontée très souvent au processus de don d’organes pédiatrique et qui peut parfois avoir besoin d’être guidée par rapport aux meilleures pratiques.
Ce travail en synergie et la bonne communication entre les intervenants facilitent le travail des différentes équipes, mais ils font aussi en sorte d’éliminer des irritants pour la famille, ne serait-ce qu’en lui évitant de répéter son histoire à plusieurs reprises.
Un choix qui donne un sens
Le décès d’un enfant est inacceptable et incompréhensible, mais Annick, Geneviève et Audrey sont unanimes : le don d’organes permet à la famille de donner un sens à une situation qui n’en a pas. Grâce au don d’organes, l’enfant aide une autre personne à avoir une meilleure qualité de vie, il permet à une autre famille de ne pas perdre son enfant. Elles ont entendu plusieurs parents dire que c’est un peu comme si leur enfant continuait à vivre dans un autre corps.
Selon Mélissa Goudreau, travailleuse sociale au Centre mère-enfant Soleil, « le don d’organes apporte une lueur d’espoir dans la tragédie vécue par la famille qui fait face au décès de son enfant. Il permet de donner espoir que l’enfant va pouvoir continuer de faire son bout de chemin, ce qui peut aussi être aidant dans le processus de deuil. Par exemple, j’ai rencontré des parents qui décrivaient leur jeune garçon comme une personne au grand cœur, qui était très généreux et qui pensait beaucoup aux autres. Alors savoir qu’il allait donner ses organes, dont son cœur, ça faisait tellement de sens pour eux, ils se sentaient plus proches de leur fils et ça venait apaiser quelque chose d’extrêmement douloureux. »

Mélissa Goudreau, travailleuse sociale au Centre mère-enfant Soleil du CHU de Québec-Université Laval.
Selon Annick, « la famille a le sentiment de faire une bonne action, ce qui peut être réconfortant. Et il faut dire aussi que le processus de don aide à cheminer dans le début du deuil. Plusieurs personnes m’ont dit que ça leur avait fait beaucoup de bien, même si sur le coup, c’est très difficile à vivre. »
Une équipe dédiée aux dons
Au CHU, depuis trois ans, les infirmières conseils en don d’organes et partenariat de soins relèvent de Transplant Québec et sont dédiées à leur tâche à temps plein, ce qui permet d’offrir le service de manière plus constante. De plus, le service a acquis une meilleure structure, notamment avec la création de divers comités et l’ajout de médecins coordonnateurs en don d’organes et de tissus (la Dre Florence Cayouette et le Dr Charles-Langis Francoeur, intensivistes).
Le travail interdisciplinaire des différents intervenants, ceux nommés dans ce texte ainsi que tous les autres qui participent aux soins et aux services, avec l’équipe des infirmières conseils en don d’organes et partenariat de soins, crée un véritable filet de sécurité qui permet à la famille éprouvée d’être entourée et « protégée », de pouvoir se concentrer uniquement sur les événements vécus et le moment présent, sans avoir à se préoccuper des autres sources de stress (l’accompagnement des autres membres de la famille, le gardiennage de la fratrie, les questions financières, etc.). C’est d’ailleurs cette prise en charge, ainsi que la présence et la disponibilité des intervenants, qui sont les plus appréciées des familles.
« Souvent, les parents reviennent sur l’unité pour revoir les lieux et nous remercier. L’an passé, une maman est revenue pour voir les infirmières qui s’étaient occupées de sa fille; elle avait apporté des petits cadeaux, des signets, des photos. Je crois que ça fait partie du processus de deuil. Après six mois, un an, ils reviennent. Certains le font rituellement, année après année, pendant deux ou trois ans, puis après ça, ils s’éclipsent. Leur deuil progresse », raconte Krystina Cloutier, monitrice clinique aux soins intensifs pédiatriques.
Tout comme le don d’organes, cet accompagnement sur mesure n’empêche pas la douleur, mais permet au moins à la famille de vivre cette tragédie et ses étapes le plus sereinement possible.
Selon Mélissa Goudreau, « l’expérience vécue à l’hôpital est marquante dans le processus de deuil des familles. Si chaque membre de la famille se sent écouté, soutenu, compris et que son rythme est respecté, qu’il comprend bien les explications médicales et que les parents participent aux décisions de soins et consentent au don d’organes, cela leur donne une meilleure base pour la suite de leur processus de deuil. »
Photo principale : de gauche à droite : Geneviève Paquet, Audrey Daigle et Annick Pitre, infirmières conseil en don d’organes et partenariats de soins de Transplant Québec au CHU de Québec-Université Laval.