Probablement unique en son genre dans le monde, le Programme de gestion thérapeutique des médicaments (PGTM) est né il y a 20 ans de la volonté de collaboration des cinq centres hospitaliers universitaires (CHU) québécois afin d’optimiser et de sécuriser l’usage des médicaments.
« À l’époque, il y avait beaucoup de nouveaux médicaments, notamment des chimiothérapies, qui arrivaient sur le marché avec des coûts associés de plus en plus élevés. Alors, au lieu que chaque hôpital fasse sa propre évaluation pour établir son cadre d’utilisation pour chaque nouveau médicament, les pharmaciens chefs des cinq CHU ont décidé de collaborer et de partager leurs expertises étant donné que nos clientèles de centres spécialisés et surspécialisés sont sensiblement les mêmes », résume Marie-Claude Michel, pharmacienne et coordonnatrice du PGTM au CHU de Québec-Université Laval.
Ainsi, le PGTM s’est donné pour mission « de favoriser un usage optimal des médicaments »1 en analysant les enjeux pharmacologiques communs aux cinq CHU, qu’ils soient de nature clinique, économique, administrative ou autre, en autant qu’ils concernent le circuit du médicament, soit toutes les étapes allant de la préparation des médicaments à leur destruction, en passant par leur distribution et leur administration au patient.
Comment ça fonctionne?
Les sujets d’études – les « cibles » – sont identifiées par l’équipe du PGTM en fonction des besoins exprimés par les chefs de département de pharmacie des CHU. Par exemple, considérant que les CHU ont un rôle déterminant à jouer dans la crise des opioïdes, le PGTM a décidé d’en faire une priorité : « On veut informer et collaborer avec les cliniciens, mais on veut aussi donner la bonne information aux patients sur la gestion d’un opioïde en post-chirurgie. Dans ce cas précis, nous pouvons compter sur la collaboration de plusieurs cliniciens, mais aussi de la haute direction et de la Direction de la qualité, de l’évaluation et de l’éthique du CHU de Québec-Université Laval », précise Mme Michel.
Parfois, mais plus rarement, les demandes proviennent des cliniciens sur le terrain. Par exemple, récemment, un groupe provincial d’anesthésiologistes se questionnait au sujet de la kétamine injectable, car les données scientifiques sur son utilisation dans les cliniques de douleur ne sont pas claires. Le groupe a donc demandé au PGTM d’analyser les données et d’émettre des recommandations.
Pour mener à bien sa mission, le PGTM utilise principalement deux grandes méthodes : les rapports d’évaluation basés sur des revues systématiques de littérature pour les nouveaux médicaments et, pour les médicaments déjà en usage, les revues d’utilisation ou les analyses descriptives à partir de cas patients. Dans les deux cas, le PGTM émettra des recommandations sur l’utilisation optimale des médicaments selon les clientèles visées.
L’une des forces du PGTM est de proposer un modèle d’intervention clinique, toujours avec le souci d’avoir une rigueur scientifique exemplaire, mais aussi que le tout soit applicable sur le « terrain ». Cependant, une fois les recommandations émises, chaque établissement demeure indépendant dans l’utilisation qu’il fera de ces recommandations. Il faut noter que lors d’analyses descriptives ou de revues d’utilisation, les rapports du PGTM permettent à chaque CHU de comparer ses propres résultats avec ceux des autres, ce que les cliniciens apprécient particulièrement.
Le comité exécutif du PGTM, composé essentiellement des chefs de département de pharmacie et des directeurs des services professionnels, émet ses recommandations auprès des membres des Conseils des médecins, dentistes et pharmaciens (CMDP) de chacun des CHU et auprès de publics plus spécifiques selon la cible analysée. Pour le public externe aux CHU, le PGTM diffuse sur son site internet et, plus largement, par le biais de publications scientifiques et de communications lors de divers congrès au Québec, au Canada et ailleurs dans le monde.
Une logique de collaboration
Au CHU de Québec-Université Laval, le PGTM est soutenu par une petite équipe (voir l’encadré au bas de la page), mais elle peut compter sur la collaboration du Comité de pharmacologie, du Comité de convenance pharmacologique, du CMDP et de collaborateurs ponctuels (pharmaciens détenant une expertise particulière, médecins, agents de programmation et de recherche, étudiants, stagiaires…).
Le PGTM ne remplace pas les autres instances locales qui se penchent sur l’utilisation optimale des médicaments; il vise plutôt à éliminer le dédoublement de travaux qui pourraient être utiles aux CHU, voire à d’autres établissements de santé du Québec vivant les mêmes enjeux, comme c’est le cas par exemple avec la question des opioïdes.
« Le but du PGTM, c’est de partager les expertises pour éviter la duplication, mais ça permet aussi au patient de recevoir le meilleur service possible : parfois, un traitement peut être utilisé dans un hôpital, mais pas dans l’autre. Donc le PGTM permet un meilleur arrimage entre les CHU et, ultimement, une harmonisation de ce qui est offert au patient afin d’avoir ce qui est le plus efficient. Pour nos cliniciens, ça permet de soutenir une pratique qui est la plus optimale possible », explique Mme Michel.
« Au départ, il y avait un grand besoin de se comprendre et d’harmoniser les façons de faire. Aujourd’hui, on s’en va vers une ère où il va y avoir plus de comparaison, de performance, de pertinence, donc c’est encore très important d’être capables de se comprendre et de se parler sur les mêmes bases », ajoute Martin Darveau, pharmacien-chef au CHU de Québec-Université Laval, président du comité exécutif du PGTM et président de la Table provinciale des pharmaciens-chefs PGTM.
La pertinence et la réduction des coûts font évidemment partie des grandes préoccupations du PGTM, et ce, depuis les tout débuts de son existence. Alors que pour les traitements d’immunothérapie, la plupart des doses de médicaments étaient initialement prescrites en milligrammes par kilo, les compagnies pharmaceutiques ont recommandé, au cours des dernières années, des doses fixes pour tous les patients2. Après analyse, le PGTM a suggéré de conserver le modèle des doses selon le poids, jusqu’au maximum d’une dose fixe. Cette recommandation a mené à des économies se chiffrant en millions de dollars dans les CHU du Québec, sans aucun impact sur la qualité ni l’efficacité des traitements. L’INESSS a d’ailleurs également émis une prise de position sur cet aspect.
Travailler en amont
Le PGTM se donne aussi la responsabilité de « voir venir » et de préparer le terrain pour les innovations qui se développent de plus en plus rapidement. « Par exemple, dans le cas de la thérapie génique3, les chefs pharmaciens des CHU ont des préoccupations qui doivent être prises en considération bien avant que les médicaments ne soient accessibles. Le PGTM permet de mettre en commun des ressources pour répondre à des questions qui sont propres au département de pharmacie, notamment pour ce type de médicament très coûteux qui demande aussi des espaces bien spécifiques pour sa préparation. Le fait que les cinq CHU collaborent, ça donne des orientations plus fortes et cohérentes, utiles pour l’ensemble du réseau, même si elles touchent à des sujets qui semblent encore loin de nous », soutient M. Darveau.
L’équipe du PGTM ne manque pas de sujets à étudier, mais pour les prochaines années, les opioïdes, les thérapies anticancéreuses et la thérapie génique feront encore partie de ses principales cibles, notamment en raison des importants impacts sociétaux, économiques et logistiques qu’elles génèrent.
Cette affiche produite pour souligner les 15 ans du PGTM résume son mode de fonctionnement ainsi que les grandes étapes de certains de ses travaux (cliquez sur l’image pour l’agrandir).
Qui est le PGTM?
Le PGTM réunit les cinq CHU québécois, soit :
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Centre hospitalier de l’Université de Montréal (CHUM)
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Centre universitaire de santé McGill (CUSM)
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Centre hospitalier universitaire Sainte-Justine (CHU Sainte-Justine)
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Centre intégré universitaire de santé et de services sociaux de l’Estrie – Centre hospitalier universitaire de Sherbrooke (CIUSSS de l’Estrie-CHU de Sherbrooke)
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CHU de Québec-Université Laval
Le PGTM fonctionne avec deux comités : le comité exécutif (CE), formé du directeur des services professionnels (DSP) ou des affaires médicales et universitaires (DAMU) de chacun des CHU et des chefs de département de pharmacie, et le comité scientifique, formé d’un médecin et d’un pharmacien de chacun des CHU.
L’équipe PGTM du CHU de Québec-Université Laval est composée de :
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Martin Darveau, pharmacien-chef, président du comité exécutif du PGTM, président de la Table provinciale des pharmaciens-chefs PGTM
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Nicole Déry, chef adjointe, coordonnatrice provinciale du PGTM
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Marie-Claude Michel, pharmacienne, coordonnatrice du PGTM, membre du comité scientifique
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Dre Louise Deschênes, microbiologiste-infectiologue, membre du Comité scientifique du PGTM
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Nathalie Marcotte, pharmacienne
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Marc Simard, gestionnaire de projet
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Dr Julien Clément, directeur des services professionnels et des affaires médicales, membre du Comité exécutif
Photo principale : de gauche à droite : Nicole Déry, chef adjointe, coordonnatrice provinciale du PGTM; Marc Simard, gestionnaire de projet; Nathalie Marcotte, pharmacienne; Marie-Claude Michel, pharmacienne, coordonnatrice du PGTM; Dre Louise Deschênes, microbiologiste-infectiologue, membre du comité scientifique du PGTM; Martin Darveau, pharmacien-chef, président du comité exécutif du PGTM, président de la Table provinciale des pharmaciens-chefs PGTM. Absent de la photo : Dr Julien Clément, directeur des services professionnels et des affaires médicales, membre du comité exécutif du PGTM.
Notes