Au sein de la clinique interdisciplinaire de mémoire de l’Hôpital de l’Enfant-Jésus, une équipe de sept professionnels dédiés s’occupe du projet DIAN-TU. Le principal investigateur, le Dr Laforce, est épaulé par Mary-Christine et Nancy, deux coordonnatrices de recherche. Ikram et Janelle, professionnelles de recherche en cours de doctorat en médecine, apportent également leur expertise à l’équipe. Enfin, Monica et Élizabeth, en tant qu’évaluatrices, jouent un rôle clé dans l’administration et l’analyse de divers tests cliniques et de mémoire.
La maladie d’Alzheimer est une maladie neurodégénérative chronique et progressive. Une formation de dépôts de protéines, appelés plaques amyloïdes, et d’enchevêtrements de tau se produit dans le cerveau1. Les plaques amyloïdes empêchent les neurones et les neurotransmetteurs de bien fonctionner, alors que la forme anormale de tau provoque l’effondrement du squelette interne. Ceci ralentit les capacités cognitives et provoque des symptômes de trouble cognitif irréversibles. Les patients se plaignent de perte de mémoire ainsi que d’altération du jugement, du raisonnement, du comportement et des émotions.
La Dominantly Inherited Alzheimer Network Trials Unit (DIAN-TU) de l’Université de Washington a lancé un essai clinique qui teste deux médicaments. Le projet s’intitule « DIAN-TU-001 : Étude adaptative de phase II/III randomisée, multicentrique en double aveugle, contrôlée versus placebo, évaluant de potentiels traitements de fond, grâce à des critères de jugement biologiques, cognitifs et cliniques, dans la maladie d’Alzheimer à transmission autosomique dominante »1.
Son principal objectif est d’évaluer l’innocuité, la tolérabilité, les biomarqueurs ainsi que l’efficacité cognitive et clinique des médicaments expérimentaux chez les participants. Un autre objectif du projet est de déterminer si le traitement ralentit le taux de progression de la déficience cognitive et clinique ou améliore les biomarqueurs liés à la maladie.
Matériel et méthode
Type de recherche
Le projet est un essai clinique qui teste deux médicaments, soit l’E2814 et le Lécanémab. C’est une étude de cohorte expérimentale multicentrique en double aveugle. La population étudiée est constituée de participants porteurs d’une mutation des gènes APP, PSEN1 ou PSEN2, causant la maladie d’Alzheimer à transmission autosomique dominante. La durée de participation est d’un minimum de 208 semaines (quatre ans) et d’un maximum de 364 semaines (sept ans).
Un critère d’inclusion est que l’écart entre l’âge du participant et l’âge estimé d’apparition des symptômes est de -10 à +10 ans quand le sujet est cognitivement normal ou avec une déficience cognitive ou démence légère (CDR 0 à 1). Un autre critère d’inclusion est que l’écart d’âge est de -25 à -11 ans quand le sujet est cognitivement normal (CDR 0). Les participants sont âgés entre 18 et 80 ans, ont un partenaire d’étude fiable et peuvent compléter toutes les évaluations liées à l’étude. Avoir un diagnostic d’une maladie grave ou instable, avoir des contre-indications aux imageries, nécessiter un traitement anticoagulant et une grossesse sont des critères d’exclusion.
Le plan d’étude est en croisé, ce qui signifie que les sujets reçoivent les deux traitements en alternance2. L’ordre dans lequel les participants reçoivent les médicaments est basé sur l’état des symptômes. Les sujets symptomatiques reçoivent le Lécanémab pour les 24 premières semaines et sont ensuite randomisés avec E2814 ou un placebo, en continuant les perfusions de Lécanémab. Les sujets asymptomatiques sont d’abord randomisés avec E2814 ou un placebo pour les 52 premières semaines, et ensuite le Lécanémab est ajouté.
Interventions et mesures
Pour vérifier si le traitement a un effet sur les symptômes de la maladie d’Alzheimer, différents biomarqueurs sont mesurés et analysés. Les procédures de biomarqueurs incluent des prélèvements sanguins pour évaluer le niveau de médicament, la ponction lombaire pour le liquide céphalo-rachidien (LCR), l’imagerie cérébrale par tomographie par émission de positron (TEP) pour examiner la charge amyloïde, la charge tau et le métabolisme du glucose, et l’imagerie par résonance magnétique (IRM) cérébrale pour observer la structure du cerveau. Divers tests cognitifs sont réalisés pour évaluer la mémoire, la pensée et la concentration du participant.
Des analyses d’urine sont faites pour des tests de sécurité de routine. Les signes vitaux sont mesurés lors de chaque visite, incluant la pression artérielle, la fréquence cardiaque, la température corporelle et la fréquence respiratoire. Un électrocardiogramme à 12 dérivations (ECG) est obtenu pour enregistrer l’activité électrique du cœur à des fins de sécurité. Un examen physique et neurologique est effectué au début de l’étude pour vérifier le fonctionnement du cerveau, de la moelle épinière et des nerfs.
Une évaluation de l’état mental, de la coordination, de la marche, des muscles, du sens et des réflexes est également complétée. Des appels téléphoniques sont effectués tout au long de l’étude afin de vérifier tout changement dans la médication et l’état de santé du patient ainsi que pour planifier les prochaines visites.
Critères de jugement
Concernant l’E2814, le principal critère d’évaluation pour la population symptomatique est la TEP tau, et pour la population asymptomatique, c’est le rapport tau phosphorylée sur tau totale dans le LCR. La sécurité et la tolérabilité du traitement sont évalués par les événements indésirables, les résultats de laboratoires cliniques, les signes vitaux, les ECG, le Columbia Suicide Severity Rating Scale (C-SSRS) et les examens physiques et neurologiques.
Des IRM de sécurité sont également évaluées pour surveiller la présence d’anomalies d’imagerie liées à l’amyloïde. D’autres critères évalués sont les mesures biochimiques solubles et les mesures d’imagerie de la pathologie tel que l’amyloïde et le tau PET. Des changements des biomarqueurs de l’Alzheimer sont également évalués, tels que l’atrophie mesurée par IRM et l’hypométabolisme par FDG PET.
Les mesures cognitives sont obtenues à partir des évaluations cognitives administrées lors des 26 premières semaines. Huit différents tests sont utilisés, tels que le DIAN Memory Complaint Questionnaire (MAC-Q) et le Weschler Adult Intelligence Scale-Revised (WAIS-R). Les mesures d’imagerie sont obtenues par huit différentes évaluations, telles que les mesures du débit sanguin par IRM de marquage de spin artériel (ASL) et les imageries TEP.
Analyses statistiques
À chaque point dans le temps, des statistiques descriptives seront fournies pour les variables d’innocuité et d’efficacité. Les variables continues seront résumées par le nombre d’observations, la moyenne, l’écart-type, le minimum, le quartile inférieur, la médiane, le quartile supérieur et le maximum. Les variables catégorielles seront résumées par le nombre et le pourcentage dans chaque catégorie. De plus, les analyses de sécurité seront complétées spécifiquement pour chaque médicament.
Résultats
Il y a absence de résultats à ce stade-ci du projet. Cinq personnes participent à la clinique interdisciplinaire de mémoire (CIME) et ont tous reçu leur première perfusion de médicament. Le recrutement de nouveaux sujets continue, mais s’avère difficile en raison de la rareté de la maladie.
Discussion
DIAN-TU-001 est le premier essai clinique de prévention de la maladie d’Alzheimer qui cible à la fois les enchevêtrements de tau et les plaques amyloïdes avec deux médicaments expérimentaux. Ceci n’a jamais été essayé auparavant. Les familles avec les mutations responsables de la maladie d’Alzheimer sont extrêmement rares. Donc, il est difficile de recruter des participants avec les mutations APP, PSEN1 et PSEN2, ce qui ralentit le processus de recrutement et l’analyse de nouveaux résultats.
L’étude continuera pour un minimum de quatre ans avec l’hypothèse que les médicaments expérimentaux amélioreront l’évolution de la maladie.
Conclusion
Le protocole DIAN-TU-001 est un essai clinique de prévention de la maladie d’Alzheimer à transmission autosomique dominante évaluant l’efficacité et la sécurité de deux médicaments expérimentaux, E2814 et Lécanémab. Deux thérapies différentes sont testées, ce qui augmente la probabilité de découvrir un traitement efficace.
Cette étude a comme objectif de démontrer que l’E2814 et le Lécanémab peuvent ralentir le déclin des facultés cognitives et des capacités fonctionnelles des patients atteints d’Alzheimer. Ensuite, ces traitements pourraient être prescris pour divers troubles cognitifs.
Photo : L’équipe DIAN-TU au CIME. De gauche à droite : Nancy Parent, Janelle Guay-Boisvert, Dr Robert Jr Laforce, Monica Lavoie et Ikram Riad. Absentes sur la photo : Mary-Christine Bourgeois et Élizabeth Poulin.
Références
-
Washington University. DIAN-TU-001 : A Phase II/III Multicenter Randomized, Double-Blind, Placebo-Controlled Platform Trial of Potential Disease Modifying Therapies Utilizing Biomarker, Cognitive, and Clinical Endpoints in Dominantly Inherited Alzheimer’s Disease, 2021.
-
Simpson, André; Beaucage, Clément; Bonnier Viger, Yv. Épidémiologie appliquée, une initiation à la lecture critique en sciences de la santé, 2017.