Après des mois d’attente, le grand jour est arrivé pour Josée Gosselin, 60 ans : le 16 mars 2021 a enfin lieu son arthroplastie de la hanche et, pour son plus grand bonheur, l’intervention sera pratiquée en chirurgie d’un jour. Il y a quelques années à peine, cette opération impliquait pourtant une hospitalisation de plus d’une semaine.
Bon an, mal an, il se pratique plus de 1 800 arthroplasties1 de la hanche et du genou au CHU de Québec-Université Laval (CHU). Cependant, la liste d’attente augmente continuellement et il n’est pas rare de devoir patienter jusqu’à 12 mois pour avoir son tour. Parmi les raisons qui expliquent cet engorgement, le manque de lits d’hospitalisation occupe la première place.
C’est donc pour aider à résoudre ce problème que la trajectoire des arthroplasties de la hanche et du genou a été revue. En s’inspirant d’innovations provenant des États-Unis et déjà adoptées dans quelques hôpitaux canadiens, dont Maisonneuve-Rosemont à Montréal, le comité d’arthroplastie, formé de deux orthopédistes, deux anesthésiologistes, une physiothérapeute, un pharmacien, une infirmière de pratique avancée, de membres de la Direction chirurgie et périopératoire ainsi que d’un membre du CIUSSS de la Capitale-Nationale2, a établi les principaux critères de sélection de la clientèle ainsi que les changements à apporter dans le processus afin de pouvoir répondre à la demande sans devoir hospitaliser les patients.
Grâce à leurs travaux, la durée d’hospitalisation a été graduellement diminuée au cours des dernières années pour passer d’une moyenne de neuf à trois jours, tandis qu’une nouvelle trajectoire a été mise en place afin de pouvoir réaliser les interventions en chirurgie d’un jour chez les patients qui répondent à des critères précis. « Nous avons fait plusieurs projets pilotes qui ont fait diminuer petit à petit la durée de l’hospitalisation et pendant lesquels l’infirmière Catherine Longchamps validait le degré de satisfaction des patients et les taux de complications. Notre objectif était d’opérer plus de patients sans faire augmenter le taux d’admission après 30 jours ni le nombre de visites en clinique externe ou à l’urgence », relate l’orthopédiste François Morin qui a initié le projet avec son homologue le Dr Étienne Belzile.
Ainsi, depuis le 26 février 2019, ce sont plus de 600 patients qui ont bénéficié d’une arthroplastie de la hanche ou du genou en chirurgie d’un jour à l’Hôpital de l’Enfant-Jésus (HEJ) ou à l’Hôpital Saint-François d’Assise (HSFA).
Un nouveau rôle essentiel
Pour que ce projet devienne réalité, il a d’abord fallu que le comité créé un nouveau rôle au sein de l’équipe d’orthopédie, soit celui de l’« infirmière de trajectoire d’arthroplastie – prothèses de hanche et de genou – chirurgie d’un jour » qui devient la personne ressource autant pour l’équipe multidisciplinaire que pour les patients.
Cette infirmière clinicienne est responsable d’évaluer que ces derniers respectent les critères d’inclusion dans la trajectoire de chirurgie d’un jour avant l’opération, puis de les suivre pendant au moins deux semaines après l’opération, notamment pour répondre à leurs questions et pour les aider à contrôler la douleur. Elle assure également une bonne circulation des informations entre les membres de l’équipe, le patient ainsi que les ressources du CHU (orthopédiste, physiothérapeute, pharmacien, etc.) et les ressources externes (CLSC, CISSS ou CIUSSS, pharmacie communautaire, physiothérapeute, etc.).
« Après l’opération, je vais voir comment va le patient et s’il se sent prêt pour son retour à domicile. Une fois à la maison, le patient peut me joindre au besoin; je suis là pour assurer son suivi clinique, pour désamorcer les situations plus anxiogènes qui peuvent survenir et, s’il y a des complications, je fais en sorte que le suivi soit rapide. Mon rôle est un mélange de coordination, d’écoute et de soutien », précise l’infirmière clinicienne Fanny Gagnon-Thiboutot, qui partage son temps entre l’HEJ et l’HSFA. Ainsi, en plus de promouvoir la qualité et la sécurité des soins, le rôle central de l’infirmière clinicienne permet de diminuer la durée des hospitalisations ainsi que les réadmissions.
Collaboration et adaptation : des gages de succès
La collaboration et la coordination entre les intervenants, qui sont favorisés par le nouveau rôle de l’infirmière clinicienne en arthroplastie, permet de mieux répondre aux besoins des patients avec le bon professionnel, au bon moment. Comme le résume le Dr Belzile, « le plus important, c’est l’effet d’équipe : s’il n’y a pas de concertation entre les professionnels, il n’est pas possible de faire autant de gains. En s’organisant mieux et en se basant sur les meilleures techniques de chacun, on peut vraiment changer les choses. »
De plus, la plupart des intervenants impliqués ont adapté leurs pratiques. C’est notamment le cas du côté de l’anesthésie, où la prise en charge des patients a été ajustée afin que ces derniers soient en mesure de quitter l’hôpital le jour même de leur opération, et ce, de manière sécuritaire. « Dans la plupart des cas, nous utilisons une prémédication contre la douleur, ce qui permet d’éviter les fortes doses d’antidouleurs en post-opératoire. Ainsi, les patients ne sont pas trop amortis et sont en mesure de se lever et de bouger rapidement après l’opération. Nous nous assurons également de leur administrer des médicaments pour prévenir les nausées et les vomissements », précise la Dre Geneviève Germain, anesthésiologiste.
Enfin, c’est également parce que les intervenants ont acquis une grande expertise que la trajectoire est devenue aussi efficace, comme l’explique Julie Maranda, adjointe à la directrice – Trajectoire des soins, direction chirurgie et périopératoire : « Nous avons choisi de nous concentrer sur l’HEJ et l’HSFA, où les volumes pour ces chirurgies sont plus grands, afin que chacun des intervenants, notamment les infirmières, les physiothérapeutes et les pharmaciens, puissent répondre aux besoins particuliers des patients qui se font opérer en chirurgie d’un jour et bien anticiper les complications possibles. »
À qui la chance?
Pour certains patients, la perspective de devoir rentrer à la maison après une chirurgie est un bonheur, tandis que pour d’autres, elle est synonyme d’angoisse. Mais que le patient soit psychologiquement prêt à vivre cette expérience ou pas, c’est l’équipe d’arthroplastie qui décide s’il est physiquement apte à le faire : « Le chirurgien et l’infirmière clinicienne font une première sélection de patients, mais ensuite, chacun des membres de l’équipe, incluant l’anesthésiste, évalue si le patient répond aux critères pour la chirurgie d’un jour », mentionne la Dre Germain.
Et des critères, il y en a plusieurs! Les principaux sont d’avoir moins de 75 ans, un IMC sous 40 et un bon état de santé général. Ainsi, les patients qui ont des problèmes de santé, comme une maladie cardiaque ou pulmonaire, ne sont pas admissibles et doivent demeurer à l’hôpital pour une moyenne de trois ou quatre jours après l’intervention. Fanny Gagnon-Thiboutot précise : « Le critère le plus important, c’est que le patient soit motivé. Parce que même si une structure existe pour le soutenir, ça demeure exigeant. Ensuite, c’est important que le patient ne soit pas seul : il doit avoir un accompagnateur minimalement pour les premières 24 heures. C’est d’ailleurs une obligation pour toutes les chirurgies d’un jour au CHU, mais dans les cas d’arthroplastie, idéalement, il faut prévoir un soutien pour les trois premiers jours, voire pour les deux premières semaines. Si le patient n’a personne pour les premières 24 heures, il devra être hospitalisé. »
Josée Gosselin, qui a été opérée pour une arthroplastie de la hanche en mars dernier, répondait à tous les critères : « J’ai eu d’autres interventions chirurgicales dans le passé pour lesquelles j’ai dû être hospitalisée plusieurs jours. Quand on m’a dit que mon arthroplastie pourrait se faire en chirurgie d’un jour, j’ai trouvé ça génial, car je trouve qu’on récupère plus vite à la maison. »
Mme Gosselin s’est présentée à l’hôpital à six heures du matin le jour de l’intervention et, moins de 12 heures plus tard, elle était de retour chez elle. Entre-temps, elle a été opérée, a rencontré l’infirmière clinicienne, le physiothérapeute et la pharmacienne. On lui a donné les consignes pour son retour à la maison, fait faire quelques exercices et remis ses médicaments. Au cours des jours et des semaines suivants, des infirmières et une physiothérapeute du CLSC lui ont rendu visite, alors que l’infirmière clinicienne en arthroplastie a fait des suivis téléphoniques. « Les membres de l’équipe ont fait des suivis pour voir comment ça allait. Et en cas de question ou de problème, je pouvais téléphoner à Fanny, à l’infirmière du CLSC ou à la physiothérapeute. Je me suis sentie bien entourée et ce n’était pas gênant d’appeler. Tout le monde a été vraiment gentil et disponible. »
Des bénéfices pour tous
La principale retombée des arthroplasties de la hanche et du genou en chirurgie d’un jour est probablement l’amélioration de l’expérience patient, tel que le mentionne le Dr Morin : « Les patients mangent mieux et dorment mieux à la maison. Ils reprennent leurs activités plus rapidement parce que le suivi et l’enseignement faits par notre infirmière aident à contrôler la douleur, mais aussi à leur implication dans leur réadaptation. » D’ailleurs, selon les évaluations faites jusqu’à maintenant, 99,7 % des patients concernés se sont dits très satisfaits des soins et des services reçus.
Cette nouvelle trajectoire permet également d’améliorer l’accès aux arthroplasties, puisqu’une plus grande proportion de patients peut être opérée même s’il n’y a pas de lits de disponibles pour le séjour postopératoire.
La trajectoire d’arthroplastie en chirurgie d’un jour peut facilement être reproduite. D’ailleurs, depuis qu’elle a été mise en place au CHU, sa simplicité et les bénéfices qu’elle procure ont déjà intéressé quatre autres centres hospitaliers québécois!
L'équipe d'arthroplastie
Julie Maranda, adjointe à la directrice – Trajectoire des soins.
Fanny Gagnon-Thiboutot et Catherine Longchamps, infirmières cliniciennes.
Drs François Morin et Étienne Belzile, orthopédistes.
Drs Geneviève Germain et Pierre Laliberté, anesthésiologistes.
Catherine Van Neste, physiothérapeute.
François Brouillette et Andréanne Plante, pharmaciens.
Notes :
1. Arthroplastie : reconstruction, en tout ou en partie, d’une articulation.
2. Comité d’arthroplastie : Drs François Morin et Étienne Belzile, orthopédistes; Drs Geneviève Germain et Pierre Laliberté, anesthésiologistes; Catherine Van Neste, physiothérapeute; François Brouillette et Andréanne Plante, pharmaciens; Julie Maranda, adjointe à la directrice – Trajectoire des soins ; Fanny Gagnon-Thiboutot et Catherine Longchamps, infirmières cliniciennes; membres de la Direction chirurgie et périopératoire; membre du CIUSSS de la Capitale-Nationale.