Le Dr Sébastien Joncas et son équipe de recherche misent sur la collaboration et l’interdisciplinarité pour faire progresser les soins et les connaissances.
Épaulé par deux infirmières de recherche d’expérience spécialisées en cardiologie, Suzanne Dupuis et Lyne Lemieux, ainsi que par le pharmacien Sylvain Côté, spécialiste de l’insuffisance cardiaque, le cardiologue Sébastien Joncas mène de front une bonne vingtaine d’études cliniques.
Qu’elle travaille sur des projets multicentriques permettant d’offrir de nouvelles options aux patients ou sur des initiatives locales qui répondent à des besoins spécifiques aux patients du CHU, cette équipe tricotée serrée le fait toujours dans un esprit de collaboration entre les spécialités, entre les différents professionnels de la santé et entre les hôpitaux qui constituent le CHU de Québec-Université Laval (CHU).
Améliorer les connaissances
« Les patients en hémodialyse présentent souvent plusieurs problèmes de santé, mais ils sont généralement exclus des études cliniques, ce qui fait que nous disposons de peu de données pour améliorer les soins qui leur sont offerts. À L’Hôtel-Dieu de Québec, nous avons la chance d’être à la fois un centre de cardiologie tertiaire et un centre de néphrologie quaternaire, alors nous en profitons pour collaborer avec l’équipe de néphrologie », résume Sylvain Côté.
Parmi les initiatives locales que la présence des deux spécialités a provoquées, il y a le projet IVART qui se penche sur l’utilisation de l’Ivabradine, un médicament pour traiter l’insuffisance cardiaque qui pourrait jouer un rôle important chez les patients sous hémodialyse chronique souffrant de ce problème cardiaque. L’étude se divise en deux parties : un volet clinique, dans lequel une vingtaine de patients sont suivis pendant environ un an, et un volet qui vise à valider les dosages d’Ivabradine en cours de dialyse, notamment pour vérifier si le médicament est éliminé par l’hémodialyse et s’il s’accumule chez les patients au fil des semaines. « Rien n’a encore été publié sur les dosages pharmacocinétique d’Ivabradine pour cette population spécifique. C’est donc un médicament connu avec une indication connue, mais utilisé dans une population chez qui ça n’avait jamais été fait auparavant », précise le Dr Joncas.
Plusieurs autres projets de l’équipe naissent d’observations cliniques, comme c’est le cas pour le projet sur le dosage du furosemide en insuffisance cardiaque qui se concentre sur l’utilisation de ce diurétique pour contrer les risques de surcharge liquidienne chez les patients atteints d’insuffisance cardiaque. « Nous avions pour hypothèse que les doses de diurétiques utilisées sont plus importantes chez les patients atteints d’insuffisance cardiaque avec fraction d’éjection préservée que chez ceux ayant une fraction d’éjection abaissée1. Ça n’avait jamais été étudié ni publié. Nous avons comparé les doses de diurétiques utilisées chez nos deux grandes catégories de patients d’après plusieurs centaines de dossiers. Notre hypothèse s’est avérée valable et, avec la collaboration d’un résident, le résumé que nous avons soumis à la Société canadienne de cardiologie a été publié à la fin de l’été. Nous aimerions maintenant en faire un article complet », relate M. Côté.
Toujours dans le domaine de l’insuffisance cardiaque, d’autres projets sont également en préparation, notamment une recherche visant à valider l’utilisation de certains médicaments pour mieux contrôler l’anémie ainsi qu’une autre sur l’utilisation de médicaments développés pour le diabète qui apporteraient des bénéfices non négligeables, même chez les patients en insuffisance cardiaque qui ne souffrent pas de cette maladie.
Améliorer les soins et la qualité de l’acte
L’équipe poursuit également des travaux sur l’arythmie. Dans ce dernier domaine, le projet subventionné NODE porte sur la tachycardie supraventriculaire paroxystique, un type d’arythmie bénigne. « Ce n’est pas un problème grave, mais c’est très incommodant et inconfortable. Jusqu’à maintenant, il n’y avait pas beaucoup d’options pour les gens en crise aiguë, à part se présenter à l’urgence pour recevoir une injection intraveineuse d’adénosine », explique le Dr Joncas. Le projet, auquel participent des patients recrutés par des cardiologues des cinq hôpitaux du CHU, vise à évaluer l’efficacité de l’etripamil, un médicament sous forme de vaporisateur nasal qui n’est pas encore offert sur le marché. Avec un taux d’efficacité de 95 %, cette nouvelle molécule permettra d’offrir une meilleure qualité de vie aux personnes atteintes et évitera bien des visites à l’urgence!
Plusieurs initiatives locales de l’équipe visent à évaluer la qualité de l’acte. Elles se traduisent par des analyses rétrospectives de la pratique, et les résidents intéressés sont toujours invités à y participer. Ils sont également encouragés à présenter leurs résultats lors de réunions de recherche qui ont été instaurées par l’équipe et qui s’adressent à tous les intervenants en cardiologie du CHU. Par exemple, l’équipe a comparé le dosage des anticoagulants chez deux groupes de patients: le premier bénéficiait d’un suivi par une équipe multidisciplinaire, dont un pharmacien, et le second était uniquement suivi par un cardiologue en clinique externe. Les résultats de cette recherche ont démontré que les patients suivis par une équipe multidisciplinaire reçoivent des doses d’anticoagulants qui respectent mieux les recommandations. À la lumière de ces résultats, l’équipe a pu proposer des pistes d’amélioration aux cardiologues.
L’équipe a également dans ses cartons deux autres collaborations avec la néphrologie, dont l’étude Safe-HD portant sur l’utilisation d’anticoagulants chez des patients hémodialysés, et une recherche en maladie de Fabry, une maladie dans laquelle une accumulation anormale de lipides dans les différents organes cause des problèmes cardiaques et rénaux.
Collaborer, c’est la clef
L’objectif principal du Dr Joncas et de son équipe est de pouvoir proposer des options supplémentaires à tous les patients, et donc de mener une grande variété de projets. De ce grand objectif en découle un autre, soit de structurer et d’unifier la recherche en cardiologie dans les cinq hôpitaux du CHU. « Le but, ce serait que l’ensemble des cardiologues du CHU aient accès aux projets de recherche, à l’expertise de nos infirmières Suzanne et Lyne, ainsi qu’à celle de notre pharmacien Sylvain », conclut le Dr Joncas. Cette plus grande collaboration, à laquelle l’équipe travaille déjà depuis plusieurs années, permettra de multiplier les possibilités pour les patients tout en facilitant l’accès à des cohortes de patients pour les chercheurs.
1. La « fraction d’éjection » correspond à la proportion de sang qui est éjectée dans l’aorte à chaque battement du cœur. La fraction d’éjection est dite « abaissée » lorsque elle est de 40 % ou moins et « préservée » lorsque de 50 % ou plus.