S’il est un sujet d’actualité par les temps qui courent, c’est bien de déterminer le nombre de doses nécessaires et le délai entre leur administration pour qu’un vaccin soit efficace. Ces questions, qui ne se posent pas seulement pour les vaccins contre la COVID-19, sont la spécialité du Dr Marc Dionne depuis plus de 25 ans.
Directeur scientifique Risques biologiques et santé au travail à l’Institut national de santé publique du Québec, professeur associé au département de médecine sociale et préventive de l’Université Laval et membre de l’équipe de recherche en immunisation au sein de l’axe Maladies infectieuses et immunitaires du Centre de recherche du CHU Québec-Université Laval (CRCHU), le Dr Marc Dionne se spécialise dans les essais cliniques sur les nouveaux vaccins et la recherche sur l’efficacité des programmes de vaccination.
Avec son équipe de chercheurs affiliés au CRCHU et à l’Institut de santé publique, le Dr Dionne partage son expertise entre les essais cliniques commandités par les Instituts de recherche, dont ceux du Canada (IRSC), et les essais cliniques pour les compagnies pharmaceutiques ainsi que les recherches évaluatives et les analyses épidémiologiques sur les nouveaux programmes de vaccination pour le MSSS. Le Dr Dionne travaille principalement dans l’axe Maladies infectieuses et immunitaires du CRCHU, mais il collabore aussi régulièrement avec des chercheurs de l’axe Santé des populations et pratiques optimales en santé, dont le Dr Michel Alary.
Les études que le Dr Dionne mène permettent de valider l’efficacité de certains vaccins et d’affiner leur utilisation, car une fois un vaccin homologué par une compagnie pharmaceutique, celle-ci passe à l’étape de la commercialisation et met généralement la recherche de côté. Ce sont donc les gouvernements qui doivent prendre la relève dans ce domaine afin de mettre sur pied des programmes de vaccination efficaces. En outre, ce processus de validation permet de déterminer le nombre de doses nécessaires pour que le vaccin produise son plein effet, nombre qui peut différer de ce que la compagnie recommande : « Dans certains cas, nous avons légèrement dérogé des recommandations des compagnies parce que nous avons a creusé les choses, avec nos propres données et nos propres évaluations. Dans tous les cas, l’objectif est d’utiliser le plus judicieusement possible les doses », explique le Dr Dionne.
Pneumocoques, méningocoques, influenza, C difficile…
Chaque année, le Dr Dionne participe à des études cliniques multicentriques, notamment sur le pneumocoque et le méningocoque, puisque ces maladies comptent toujours plusieurs souches de bactéries (plus de 100 dans le cas du pneumocoque!) et que la composition des vaccins doit être ajustée selon celles qui circulent, comme c’est le cas avec le vaccin contre l’influenza. Ces études sont utiles pour les homologations de vaccins au Québec, mais également dans le reste du Canada, aux États-Unis et en Europe.
Les études de phase 31 servent donc essentiellement à vérifier l’efficacité du « vaccin de l’année ». « Dans un processus randomisé, donc à l’aveugle, nous vaccinons généralement la moitié des participants avec le vaccin à l’étude et l’autre moitié avec un vaccin déjà homologué. L’efficacité du vaccin étudié sera mesurée en comparant le pourcentage de personnes qui développeront la maladie entre ces groupes. Il faut attendre que suffisamment de personnes soient exposées à l’agent infectieux et développent la maladie pour pouvoir mesurer une telle efficacité, ce qui demande plusieurs mois avant de terminer les études et un nombre très élevé de participants, c’est-à-dire des dizaines de milliers de sujets recrutés dans plusieurs pays par plus d’une centaine d’équipes de recherche. Lorsqu’un vaccin est développé pour une nouvelle maladie – comme dans le cas de la COVID –, on peut utiliser un placebo comme comparateur, ce qui permet de réduire la taille de la cohorte de participants et la durée de l’étude. »
…et COVID-19
Au cours de la dernière année, il allait de soi que l’équipe du Dr Dionne soit invitée à participer aux efforts de recherche clinique pour le développement de vaccins contre la COVID-19. Les essais cliniques pour le vaccin de Medicago, utilisant une approche de protéines recombinantes2, se sont donc ajoutés à la dizaine d’essais cliniques de vaccins déjà en cours. La technologie choisie, déjà utilisée pour nombre de vaccins, exige des délais de production plus longs que celle de l’ARN messager3 utilisée par des compagnies comme Pfizer et Moderna, mais elle a l’avantage de fournir une plus grande stabilité au vaccin, qui permet d’éviter de le congeler pour son transport.
La phase 2 de ces essais implique environ 620 participants répartis dans une quinzaine de sites au Canada et aux États-Unis. La réponse immunitaire de ces participants est évaluée avec divers tests immunologiques après la première dose du vaccin ainsi qu’après la deuxième, administrée 21 jours plus tard. L’objectif est de démontrer la production d’anticorps et l’activation des cellules immunitaires lorsqu’elles sont exposées à l’antigène. « Dans le contexte de la COVID, le processus de développement est compressé dans le temps : dès que nous aurons validé en phase 2 que les deux premières doses stimulent la production d’anticorps et qu’elles ne provoquent pas d’effets secondaires, nous devrions passer rapidement à la phase 3 pour mesurer l’efficacité du vaccin. »
Bien comprendre les données pour bien décider
En plus de son implication dans les essais cliniques de vaccins, dont celui de Medicago, le Dr Dionne analyse en continue les données sur la COVID-19 fournies par le MSSS et l’Institut de la santé publique ainsi que ce qui se passe ailleurs sur la planète. À partir de ses analyses, il produit un bilan épidémiologique hebdomadaire pour les décideurs de la santé publique.
Dans ce cas comme dans celui de ses essais cliniques sur les vaccins, l’objectif est toujours de fournir des données probantes et des analyses claires afin de permettre aux autorités de prendre les meilleures décisions possibles.
Le Dr Marc Dionne.
1. Les essais cliniques comportent habituellement trois phases. Phase 1 : traitement administré pour la première fois à des humains pour vérifier son innocuité et déterminer la dose optimale. Peu de participants. Phase 2 : vérification de l’efficacité d’un traitement selon une dose déterminée. Plus grand nombre de participants. Phase 3 : comparaison de l’efficacité du nouveau traitement avec celle du traitement habituel. Grand nombre de participants.
2. La technologie des protéines recombinantes utilise des cellules hôtes (des cellules végétales, par exemple) pour produire une version non infectieuse (les protéines recombinées) d’un virus. Pour en savoir plus sur la technologie utilisée par Medicago : https://www.medicago.com/fr/technologies/.
3. L’approche de l’ARN messager utilise la copie inoffensive d’une protéine pour stimuler le système immunitaire.