L’hémato-oncologue pour enfants Marie-Claude Pelland-Marcotte construit son programme de recherche sur le thème des thromboses pédiatriques, vaste domaine encore peu exploré.
Fraîchement arrivée au CHU après un doctorat en recherche sur les services de santé (Health Services Research) et une formation complémentaire en problèmes de coagulation effectués à l’Université de Toronto, la Dre Marie-Claude Pelland-Marcotte a déjà bien entamé son programme de recherche.
Pendant son doctorat, elle a principalement travaillé sur la prévention des complications qui peuvent survenir chez les enfants suivant des traitements de chimiothérapie. Parmi ces complications, on note les thromboses, et c’est le sujet que la Dre Pelland-Marcotte a choisi d’étudier plus spécifiquement.
Sur ce sujet, elle a notamment effectué un projet de recherche pour déterminer quelles sont les caractéristiques des enfants qui développent une embolie pulmonaire. La Dre Pelland-Marcotte a également réalisé une analyse épidémiologique de la thrombose, à partir du registre Cancer in Young People – Canada (CYP-C) qui met en commun les données des 17 hôpitaux pédiatriques canadiens, pour déterminer le pourcentage d’enfants touchés ainsi que les facteurs de risque.
Les thromboses pédiatriques
On parle de thrombose lorsqu’un caillot se forme dans une veine ou dans une artère. Les symptômes varient en fonction de l’endroit où il se forme : dans un bras ou une jambe, le membre peut devenir douloureux, enflé et rouge. Dans les poumons, c’est une embolie pulmonaire pouvant causer des problèmes respiratoires et cardiaques. Dans le cerveau, la thrombose provoque des maux de tête, des nausées et augmente la pression si elle se forme dans une veine, alors qu’elle déclenche un accident vasculaire cérébral (AVC) si elle se produit dans une artère.
Il est très rare que les enfants en bonne santé souffrent de caillot sanguin : les estimations sont d’un enfant sur 10 000 dans la population pédiatrique générale. Ce sont plutôt ceux atteints d’une maladie ou d’un problème de santé particulier nécessitant des soins (leucémie, lupus, maladie de Crohn, problèmes cardiaques, déshydratation…) qui sont habituellement touchés, soit parce que ce problème de santé les y prédispose, soit parce que les médicaments (exemple : agents de chimiothérapie) ou les traitements (exemple : voie centrale1) reçus pour ce problème de santé représentent un facteur de risque. Par exemple, la proportion grimpe pour atteindre de 5 à 10 % chez les enfants atteints de leucémie.
Cependant, les données indiquent que l’incidence des thromboses pédiatriques est en augmentation depuis une vingtaine d’années, et c’est justement pour tenter de déterminer quels enfants sont à haut risque que la Dre Pelland-Marcotte a fait ses premières recherches épidémiologiques. « On peut attribuer une partie de cette augmentation au fait que les médecins reconnaissent plus et cherchent plus ce problème. Mais l’augmentation est aussi causée par la plus grande complexité de nos soins médicaux : nous utilisons de plus en plus des voies centrales, de l’ECMO2 ainsi que des protocoles de chimiothérapie plus intenses. Et ce sont tous des soins qui constituent des facteurs de risque de thrombose », explique la Dre Pelland-Marcotte.
Un vaste domaine à défricher
L’étude des thromboses pédiatriques est un domaine encore relativement récent, ce qui fait que les sujets de recherche ne manquent pas! Mis à part les études épidémiologiques ayant pour but d’améliorer la prévention et le traitement des caillots, la Dre Pelland-Marcotte s’intéresse également aux thromboses chez les enfants qui ont le cancer et chez les nouveau-nés, puisque ce sont deux groupes qui présentent plusieurs facteurs de risque.
Son plus récent projet, qu’elle compte d’ailleurs présenter sous peu, s’est penché sur la corrélation entre thrombose et évolution de l’état de santé : est-ce qu’un enfant qui développe un caillot voit son pronostic s’assombrir? « L’impact négatif d’une thrombose sur le pronostic a été démontré chez les adultes, surtout en présence de tumeurs solides. Dans mon étude, je démontre le même lien chez les enfants, probablement parce qu’en présence d’une thrombose, il faut diminuer les traitements de chimiothérapie, ou alors parce qu’au départ, le cancer était plus sévère », précise la Dre Pelland-Marcotte.
Si les premiers projets de la jeune chercheuse étaient surtout rétrospectifs, elle compte maintenant suivre les enfants qui fréquentent le Centre mère-enfant Soleil pour effectuer ses prochaines recherches. Pour faire suite à son projet sur l’impact d’un caillot sur le pronostic, la Dre Pelland-Marcotte aimerait prochainement étudier les différences qu’impliquent la présence ou non de symptômes lors d’un épisode de thrombose en suivant l’évolution de l’état de santé de ses jeunes patients. En amont de cette recherche, elle s’affaire à traduire de l’anglais un outil de mesure de complications de la thrombose qui lui sera utile.
« Il reste beaucoup de questions à poser sur le sujet des thromboses pédiatriques, alors je vois large pour les prochaines années! Mais dans un futur proche, j’aimerais arriver à mieux prédire quels enfants sont le plus à risque de thrombose pour mieux prévenir ce problème, ce qui implique de développer de meilleurs outils pour prédire ce risque », conclut la Dre Pelland-Marcotte.
Dre Marie-Claude Pelland-Marcotte
1. Voie centrale : « [… ] tube mince et flexible (cathéter) qu’on met dans une grosse veine au-dessus du cœur. On peut l’insérer dans une veine du cou, du thorax ou du bras. […] Selon le type de cathéter, on peut le laisser en place pendant des semaines, des mois ou des années. » Source : Société canadienne du cancer.
2. ECMO : « L’oxygénation extracorporelle par membrane (ECMO – acronyme anglais d'extracorporeal membrane oxygenation) est une technologie d’assistance cardiorespiratoire extracorporelle temporaire destinée exclusivement à la prise en charge de patients avec une insuffisance respiratoire ou cardiaque grave réfractaire et potentiellement mortelle. » Source : Institut national d’excellence en santé et en services sociaux (INESSS).