La souffrance du soignant






Par Marion Frappa – 1er avril 2023

relation à l’autre est très souvent placée au cœur de la pratique professionnelle des soignants. Elle constitue pour nombre d’entre nous le sens et l’essence même de notre travail. Mais c’est bien souvent dans cette relation à l’autre que s’installe la souffrance du soignant.

 
Il est exigeant de partager au quotidien la maladie, la souffrance, le vieillissement de ceux que l’on soigne. Il est difficile d’être confronté à l’irrémédiable, à la mort, aux  pertes. Lorsque le soignant peine à faire face à l’émotion qui teinte sa relation à l’autre, l’épuisement émotionnel peut s’installer. Dans le discours du soignant, on entend alors : « Je n’en peux plus », « je ne peux plus donner » …
 
Les obstacles répétés rencontrés par notre système de santé, le manque de main-d’œuvre et les changements engendrés par la pandémie de COVID-19 sont autant de facteurs qui peuvent aussi engendrer de la souffrance chez le soignant.
 
Et lorsque l’on perd le sens de son travail, lorsque l’on ne s’accomplit plus professionnellement, la démotivation peut s’installer. Trop souvent le sentiment d’impuissance, d’inutilité prend le dessus, et le soignant se remet en question. Le doute s’installe quant à ses compétences.
 
Aussi certains se construisent une carapace afin de se protéger. La relation à l’autre est redoutée, crainte. Un processus de déshumanisation se met alors en place. La relation d’aide disparaît au profit du cynisme. La notion de prendre soin de l’autre disparaît pour un fonctionnement centré sur le repli sur soi, sur la défensive.
 
L’humanité dans les milieux de soins et l’épuisement émotionnel sont de réels enjeux pour tous, patients et soignants.
 
Pour lutter contre l’impression d’être submergés par des organisations plus grandes que nous, des émotions trop intenses, des pertes trop grandes, je crois que l’une des pistes efficaces est de se ramener dans le petit geste du quotidien qui témoigne de notre humanité et de celle de notre interlocuteur.
 
Un geste, un sourire, un merci, partager un moment simple d’humanité, chanter une chanson avec un usager, offrir une boisson à un membre d’une famille endeuillée…
 
Même si ces moments ne sont jamais assez présents à notre goût, ils font toujours la différence. Les patients et leur famille les remarquent. Nos collègues aussi. Dire à une personne qu’il a été notre rayon de soleil de la journée est si agréable et positif.
 
Concentrer son attention sur les choses que l’on peut contrôler, pratiquer l’indulgence envers soi-même et les autres, avoir des attentes raisonnables, s’autoriser d’être humain, et le permettre aux autres, voilà autant de pistes qui peuvent éviter l’épuisement et la souffrance…
 
Vivre la relation humaine dans tout ce qu’elle a de plus simple et de plus imparfait.

Être positif, ce n’est pas se bercer d’illusions en croyant que tout se passera bien… Mais avoir conscience que quoi qu’il arrive, il est possible d’en tirer bénéfice, d’apprendre et de s’enrichir personnellement et spirituellement. Bruno Lallement.
 


 
Marion Frappa est assistante infirmière-chef (AIC) en gériatrie et soins palliatifs à l’IUCPQ




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