La Faculté de théologie de Sherbrooke disparaît!

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Par Rachel Genest - 1er août 2015

À la fin de l’automne dernier, on apprenait que la Faculté de théologie et d’études religieuses de l’Université de Sherbrooke fermerait ses portes. Une étudiante de cette faculté nous livre ici sa réflexion sur cet événement. 

 

L’histoire d’une décision

Il y a plusieurs années que les états financiers de la Faculté de théologie et d’études religieuses (FaTER) sont lamentablement déficitaires. Mauvaise gestion, décisions discutables, manque de volonté de la part de l’Université de Sherbrooke (UdeS) ou de la direction de la FaTER, mésentente entre les principaux tenants de la FaTER? À notre avis, les compressions budgétaires du gouvernement libéral de Philippe Couillard ont certainement pesé dans la balance. L’association étudiante de la Faculté de théologie et d’études religieuses (AÉFATÉR) n’a malheureusement pas eu accès aux chiffres liés à ce déficit. Il est difficile de trouver une raison en particulier qui rend compte de cette décision, mais il n’en demeure pas moins que l’enseignement des études religieuses ne semble plus être une des priorités de l’UdeS. Il semblerait que cette décision comptable s’explique par le fait que la FaTER n’était pas assez rentable. Notons néanmoins que l’Université de Sherbrooke mettra en place, d’ici la prochaine rentrée du mois de septembre 2015, un Centre en études du religieux contemporain (CUERC). Nous croyons qu’il s’agit effectivement d’une décision procédant d’une logique comptable, car tous les programmes du premier cycle seront suspendus – notons que l’Université reçoit peu de subventions pour un étudiant de premier cycle, comparativement à un étudiant au doctorat, dont la somme est assez considérable. Le CUERC n’aura que peu de dépenses. On prévoit que le personnel se composera seulement d’une directrice ou d’un directeur et d’une agente ou d’un agent de bureau. Bien qu’il s’agisse d’une enveloppe différente, nous apprenions de la part de l’Université qu’aura lieu, au début du mois de mai, la construction d’un centre sportif au Campus de Longueuil. Logique comptable des études, répétons-le. Effectivement, l’Université est en train de creuser la tombe des études en théologie à Sherbrooke, tandis qu’elle soulèvera bientôt la première pelletée de terre pour un centre sportif! On mentionne que le centre sportif pourra être mis sur pied, car il sera autofinancé par les étudiants et la population de Longueuil.
 

La pertinence sociale d’une telle faculté aujourd’hui

La théologie est avant tout une étude critique et objective de la foi avant d’être une réflexion sur Dieu. « Dieu » n’est pas seulement chrétien, musulman ou juif: il appartient à toutes et à tous. Un hindou ou un bouddhiste peut étudier sa religion dans la discipline théologique en ce sens. La théologie, pour être plus précis, vise « selon la définition donnée il y a près de mille ans par Anselme de Cantorbéry […] à rendre intelligible les expériences croyantes véhiculées par ces traditions [catholiques romaines, anglicanes, musulmanes, bouddhistes, etc.], c’est-à-dire à leur donner un langage qui puisse être entendu par d’autres . » Le phénomène de sécularisation dans nos sociétés modernes exprime essentiellement une crise de la foi et du sens due à la perte de nos institutions religieuses primaires (l’Église, pour le cas du Québec) comme vecteurs de notre quotidien. L’augmentation démographique des dernières années d’individus qui se considèrent « laïcs », « agnostiques » ou « non-croyants » reflète indéniablement un refus relatif des formes d’autorités religieuses qui régissaient nos vies autrefois pour une plus grande liberté individuelle. Comment expliquer scientifiquement que la Bible et le Coran soient, encore aujourd’hui, les livres les plus vendus dans le monde? Comment comprendre les systèmes de croyances des uns sans les juger de manière froide et inhumaine? Si la science ne peut expliquer tous les phénomènes de la vie terrestre (naturels, métaphysiques et au-delà), qu’est-ce qui pousse tant les individus à chercher, malgré l’immense progrès technologique et scientifique, un sens à leur vie? La théologie permet d’expliquer le fondamentalisme de la vie en développant une « raison d’être » humaniste et globalisante à l’aide de l’exégèse des textes sacrés. 
 

Pourquoi une formation théologique?

Plusieurs d’entre nous venaient en théologie ou en études religieuses pour parfaire leur parcours de vie professionnelle ou encore par intérêt personnel. Notre société pluraliste nous amène à tenter de comprendre les autres confessions religieuses. Notons que celles-ci façonnent notre identité. Nous n’avons donc pas seulement affaire à différentes religions, mais aussi à différentes identités, donc à différentes valeurs. Nos études nous permettent de nous inscrire dans une société plus humaniste où nous respectons et comprenons mieux les attitudes et les comportements d’autrui, lesquels sont souvent différents des nôtres. Le mieux-vivre collectif suppose une meilleure connaissance des autres communautés religieuses qui nous entourent. Les préjugés, les jugements de valeur et même la xénophobie sont souvent liés à l’ignorance. De plus, la théologie, avec son intelligence de la foi, nous permet de réfléchir en dehors des cadres admis sur des notions fondamentales qui tenaillent l’humain: l’injustice, le mal, l’altérité, la tradition, la temporalité, la mémoire, etc. Nous nous heurtons un jour ou l’autre, au bureau ou dans notre vie, à ces notions. À l’aide de l’intelligence de la foi, nous pouvons devenir des agents de transformation et de résilience, par exemple en proposant une rencontre de justice réparatrice ou en participant à des soins spirituels.

Dans notre société axée sur la productivité, on nous questionne souvent sur l’utilité de nos études: vers quelles carrières pouvons-nous nous tourner, nous les étudiants en études religieuses? La réponse est pourtant simple: nous pouvons travailler dans de très nombreux domaines. Vantards, les étudiants en théologie et en études religieuses? Non, réalistes. Une diplômée ou un diplômé en études religieuses, en complément ou non d’autres études ou d’autres expériences de travail, peut travailler dans les milieux communautaires (aide humanitaire, gestion d’organismes), en éducation (écoles primaires, cégeps, universités), dans le milieu de la santé (soins spirituels), dans certains domaines des sciences sociales (agent de migration, travail social). Bref, ce ne sont pas les perspectives d’avenir qui manquent pour les étudiants. Ce que nous devons surtout retenir, c’est que, malgré le fait qu’il n’y ait pas nécessairement de métier lié directement à notre champ d’études – comme l’étudiant en médecine qui devient médecin – ce que nous ferons comme métier sera toujours empreint d’humanisme, d’une grande ouverture à autrui, d’une sensibilité pour notre prochain et d’un désir d’offrir de l’aide.
 

L’importance de cette réflexion

Dans un monde de plus en plus pluraliste où cohabite une grande diversité de croyances, nous nous devons de comprendre les différences pour bâtir un monde meilleur, un mieux-vivre collectif. Il peut être difficile de vivre en société lorsque nous n’avons pas tous les mêmes valeurs ou les mêmes croyances religieuses. La réflexion théologique contemporaine permet d’approfondir notre connaissance des autres spiritualités. Depuis plusieurs années, il y a un retour en force d’une lecture fondamentaliste des textes sacrés. Parfois, cette situation conduit à un radicalisme chez certains individus ou groupes (pensons à l’État islamique). Les technologies et la science ne suffisent pas pour comprendre tous les mystères de la vie, la mort, la souffrance, etc. Dans leur quête de sens, certains vont trouver dans les textes sacrés les réponses qu’ils attendent ou qui leur conviennent. Pour contrer les choix de certains à se diriger vers des groupes religieux dangereux ou en voie de le devenir, la connaissance et l’éducation sont les meilleures armes que nous pouvons utiliser. Les textes sacrés ont été écrits il y a des centaines de siècles, dans des sociétés et des contextes très différents des nôtres. Les études théologiques nous permettent de les contextualiser et d’adopter ainsi une approche interprétative de ceux-ci. Il faut comprendre les différences pour mieux intervenir, et dans le meilleur des cas, prévenir les écarts. Voilà, entre autres choses, l’une des approches des études religieuses. En ce sens, les études religieuses, non confessionnelles, devraient faire partie des programmes du ministère de l’Éducation, du moins dans les collèges et les cégeps, et bien entendu dans les universités. Pensons aussi à ces étudiants qui ont quitté les bancs d’école pour tenter de rejoindre l’État islamique. Nous ne sommes pas à l’abri de dérives sectaires ou religieuses. L’éducation a toujours été prônée, pourquoi ne le serait-elle plus dans le cas des études théologiques et religieuses? Effectivement, il s’agit d’un savoir qui, il faut l’avouer, n’a pas toujours été critique et objectif, mais qui soutient un langage formateur pour nos sociétés.

En regard de ce qui vient d’être mentionné, nous sommes surpris de constater que la direction de l’Université de Sherbrooke, qui prône le savoir critique, a pris la décision de suspendre tous les programmes de premier cycle et, pire encore, de fermer une faculté de théologie au profit d’un centre chapeauté par les huit facultés restantes au sein de l’UdeS. Les études théologiques demandent au contraire d’être dirigées par des personnes qui détiennent une formation en théologie ou font preuve d’ouverture à propos de la discipline de la théologie. Notre inquiétude, pour l’avenir des études en théologie et religieuses, se manifeste justement par rapport à la possibilité que des personnes qui n’ont pas de qualifications pertinentes dans ce champ d’études particulier prennent de mauvaises décisions. Imaginons le cas contraire: la faculté de médecine qui serait sous l’égide des facultés de théologie, des sciences humaines et de l’éducation physique, par exemple. Cette situation serait décriée par le Collège des médecins. Comment la direction de l’Université de Sherbrooke peut-elle prétendre agir pour le bien des études théologiques et religieuses alors qu’elle tient à ce que ces disciplines soient supervisées par la Faculté de droit? C’est, en effet, la Faculté de droit qui sera la faculté d’affiliation du centre. Celui-ci sera dirigé par une directrice ou un directeur, mais son comité de gestion sera composé des doyennes et doyens des huit facultés. Ce sera le doyen de la Faculté de droit qui en sera le président. D’autant plus que ce dernier, mis à part le directeur et une agente ou un agent de bureau, n’aura aucun personnel de soutien, le personnel de la Faculté de droit s’occupant aussi du centre. En fait, le doyen des étudiantes et étudiants en études du religieux contemporain sera celui de la Faculté de droit. On voit qu’il y a clairement une logique comptable derrière la décision de fermer la Faculté pour la remplacer par un centre.

Notre souhait est que soient reconsidérées les études en théologie et études religieuses dans notre société. Partout où notre regard se pose, le religieux s’y trouve. Les chrétiens sont les personnes les plus vulnérables dans divers pays, certains sont chassés de leurs pays, d’autres tués. Cette situation est inadmissible dans nos sociétés, mais le peu de volonté de la part de nos gouvernements d’investir dans ce champ d’études ne fait pas avancer la cause des droits de la personne. C’est à nous, en tant qu’individus, de pousser les gouvernements à agir lorsque de tels actes sont commis au nom de la religion. Mais il ne faut pas simplement réagir, il faut prévenir de tels actes par la connaissance, l’éducation et la recherche. Les études religieuses ne rapportent peut-être pas sur le plan économique, mais beaucoup sur les plans moral, éthique, humain et social. Elles peuvent améliorer notre monde, nos sociétés. Il ne s’agit pas simplement d’étudier Dieu, mais d’étudier le monde qui nous entoure, car la spiritualité et le religieux sont partout et régissent plus souvent qu’on ne le croit nos modes de fonctionnement en tant qu’individus et société.
 



Rachel Genest est étudiante à la maîtrise de type recherche en études du religieux contemporain à l’Université de Sherbrooke.


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18 novembre 2023

Je suis à peu près en accord avec vous...il me semble que l humanité ne peut se définir que par son parcours... Notre humanité a bien sûr besoin d être éduquer et l étude personnel dans ce domaine ne peut faire de nous, non seulement de meilleurs personnes mais aussi des personnes plus pertinente par rapport à la moralité, plus compétente par rapport à la réalité et plus responsable par rapport à notre humanité.

Par Gilles Faucher

Dernière révision du contenu : le 31 janvier 2023

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