Recherche clinique en oncologie psychosociale : pour une expérience-patient améliorée

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Sophie Lauzier, professeure titulaire à la Faculté de pharmacie de l’Université Laval, chercheuse de l’axe Santé des populations et pratiques optimales en santé au Centre de recherche du CHU de Québec-Université Laval (CRCHU) ainsi que chercheuse-boursière séniore du Fonds de recherche du Québec – Santé (FRQ-S), s’est toujours intéressée aux besoins des patients et aux facteurs qui influencent leur expérience de soins. 

Plusieurs projets de la Pre Lauzier se concentrent sur les enjeux entourant l’usage de l’hormonothérapie adjuvante administrée à la suite d’un cancer du sein. Ainsi, après avoir reçu divers traitements (chirurgie, radiothérapie, chimiothérapie…), les femmes ayant un cancer du sein hormono-sensible (environ 75 % des cas) doivent prendre quotidiennement, pendant cinq à dix ans, de l’hormonothérapie adjuvante afin de réduire les risques de récidive et de mortalité. Cependant, ce traitement oral peut produire des effets indésirables – plus ou moins marqués selon les femmes – similaires à ceux de la ménopause (bouffées de chaleur, douleurs articulaires, insomnie, changements d’humeur, symptômes vaginaux…).

Malgré les bénéfices de l’hormonothérapie adjuvante, on estime que 30 à 40 % des femmes cessent prématurément le traitement notamment en raison de son impact sur la qualité de vie.

« Il existe plusieurs enjeux concernant l’adhésion à ce traitement. D’abord, les connaissances de la patiente sur le médicament doivent être suffisantes : à quoi il sert, comment il fonctionne, quels sont ses bénéfices, etc. Ensuite la capacité de la femme à établir et à maintenir une routine pour prendre le médicament chaque jour pendant plusieurs années, et sa capacité à faire face aux effets indésirables. Finalement, la nécessité pour la patiente de rester motivée à prendre le médicament pendant toute la durée prescrite. Comme il s’agit d’un traitement visant à prévenir la récidive qui n’apporte pas de bénéfices concret dans l’immédiat, il faut que la femme considère qu’il y a plus de bénéfices potentiels que d’inconvénients à suivre le traitement. C’est beaucoup dans cette balance des bénéfices par rapport aux inconvénients que se joue l’adhésion », explique Sophie Lauzier.

Toutes ces raisons, ainsi que la littérature scientifique sur l’adhésion à l’hormonothérapie adjuvante, font que la Pre Lauzier et son équipe s’intéressent à ce traitement et y consacrent plusieurs de leurs études, lesquelles sont développées en collaboration avec des patientes-partenaires, des professionnels de la santé rattachés notamment au Centre des maladies du sein du CHU et des pharmaciens communautaires. Deux de ces études visaient à développer et à évaluer des programmes pour accompagner les femmes pendant leur traitement d’hormonothérapie adjuvante. 
 

SOIE : Soutien, Outils, Informations et Entraide

SOIE est le premier programme à avoir été développé et évalué par l’équipe. Ce programme comprenait une formation de groupe sur le traitement d’hormonothérapie adjuvante, des consultations téléphoniques offertes par des infirmières-pivots en oncologie et des séances d’échanges en ligne pour que les participantes puissent discuter de leur expérience. 

Le programme SOIE a été évalué grâce au financement des Instituts de recherche en santé du Canada (IRSC) et de la Fondation CHU de Québec dans un essai contrôlé randomisé pilote portant sur la première année de traitement : la moitié des 106 participantes était suivie selon l’intervention développée, tandis que l’autre moitié recevait les soins habituels. 

Les résultats de l’étude, fraîchement publiés, démontrent notamment que le programme, au cours de la première année de traitement, a permis d’améliorer les connaissances sur le traitement ainsi qu’à préparer les femmes à faire face à ses effets indésirables. « Dans le volet qualitatif de l’étude, nous avons aussi pu documenter un autre bénéfice : les femmes étaient rassurées et se sentaient moins seules face au traitement. Les principaux résultats que nous avons observés ne sont pas nécessairement directement liés à la prise du médicament, mais ils touchent plutôt les capacités et le bien-être des participantes. »
 

PACHA : Programme en pharmacie pour l’accompagnement des femmes ayant de l’hormonothérapie adjuvante

Ce deuxième programme, financé par les IRSC et la Fondation Cancer du sein du Québec, est également un essai contrôlé randomisé pilote avec un groupe intervention et un groupe contrôle. Il a été développé en partant de l’idée que les pharmaciens communautaires, de par leurs rencontres fréquentes avec la patiente et leur expertise pour détecter les problèmes liés à l’hormonothérapie adjuvante ainsi que les situations de non-adhésion, ont une position privilégiée pour proposer des solutions. « Les femmes qui participent à PACHA n’ont pas à changer de pharmacie. D’ailleurs, toutes nos études sont faites avec l’idée de respecter le plus possible la pratique habituelle : si le programme fonctionne bien, il sera ainsi plus facile de le poursuivre dans les conditions réelles », précise la Pre Lauzier.

Le premier volet du programme PACHA concerne d’ailleurs les pharmaciens : s’ils s’engagent, ils doivent offrir un suivi téléphonique aux patientes de leur pharmacie suivant ce traitement afin d’en effectuer la surveillance. En préparation à ces suivis, le programme PACHA offre aux pharmaciens une formation sur l’hormonothérapie adjuvante et sur les stratégies pour faire face aux effets indésirables, ainsi que des approches communicationnelles pour favoriser le dialogue sur le traitement. 

Le deuxième volet du programme consiste en un site Web contenant des renseignements sur le traitement (utilité, bénéfices attendus, effets indésirables, stratégies pour atténuer ces effets, témoignages de femmes ayant eu le traitement…) développé pour les femmes. 
 

Pour faciliter la décision partagée

Un autre projet en cours, également financé par les IRSC, concerne les femmes dont le risque de récidive est élevé et qui auraient avantage à poursuivre l’hormonothérapie adjuvante au-delà du premier cinq ans. L’étude vise d’abord à mieux comprendre comment les oncologues présentent la situation et comment la décision est prise par les patientes, pour ensuite développer des outils favorisant la discussion et la prise de décision partagée. 

« La fin du premier cinq ans de traitement et la décision de poursuivre pour cinq années additionnelles peuvent représenter des moments charnières : d’une part, le médecin a beaucoup d’informations à transmettre concernant la poursuite du traitement et, d’autre part, la femme sait déjà quels sont les impacts du traitement sur sa qualité de vie. »
 

Vers une oncologie plus inclusive

Sophie Lauzier réalise également un nouveau projet financé par l’Oncopole du FRQ-S en étroite collaboration avec Kévin Lavoie, professeur à la Faculté des sciences sociales de l’Université Laval, qui a pour objectif de documenter l’expérience de soins en oncologie des personnes des minorités sexuelles et de genre. Pour cette étude, ce sont les diagnostics de cancer du sein, de cancer de la prostate et de cancers gynécologiques qui ont été choisis en raison de leur prévalence, mais également parce qu’ils sont fortement associés au sexe et au genre. 

« En utilisant une méthodologie qualitative, nous allons réaliser des entretiens avec des patients, des proches et des professionnels de la santé afin de documenter les enjeux rencontrés dans l’ensemble du parcours de soins, que ce soit par exemple le recours au dépistage, l’expérience dans le système de soins et avec les soignants, l’accompagnement par les proches ou encore les traitements et leurs conséquences, notamment sur la vie sexuelle et affective. »

Un comité d’encadrement, composé de personnes des minorités sexuelles ou de genre touchées par le cancer, de cliniciens, de groupes communautaires LGBTQ+ ou en oncologie collaborent au projet. Dans la deuxième année du projet, l’équipe organisera un forum provincial réunissant les experts ainsi que des groupes du domaine LGBTQ+ et de l’oncologie afin de favoriser le dialogue. 
 

Et la COVID?

En collaboration avec une équipe du Royal College of Surgeons, en Irlande, Sophie Lauzier et d’autres chercheurs en oncologie du CRCHU ont aussi mené un projet sur l’expérience de la pandémie de COVID-19 chez les femmes qui avaient un cancer du sein. Les données recueillies servent à diverses analyses. L’une d’elles, qui vient tout juste d’être publiée, porte sur la peur de récidive de cancer dans le contexte des modifications apportées aux trajectoires de soins en raison de la pandémie, par exemple des traitements ou des examens reportés ou annulés. 

Une autre analyse portant sur la téléconsultation permettra d’identifier si certains facteurs comme l’âge, la région de résidence ou la raison de la téléconsultation sont associés au niveau de satisfaction des femmes par rapport à ce mode de consultation.
 
« Ces analyses peuvent être inspirantes pour l’organisation future des soins, que ce soit en temps de crise ou non. Les résultats offriront de précieuses indications sur les conditions à respecter pour que la trajectoire se déroule le mieux possible. C’est d’ailleurs la trame et la motivation de tous mes travaux : mieux comprendre l’expérience des patients pour identifier les facteurs sur lesquels on peut intervenir, puis développer et évaluer des interventions qui ont le potentiel d’améliorer cette expérience. » 

 


La Pre Sophie Lauzier est à la recherche d’étudiant(e)s gradué(e)s! Si vous êtes intéressé(e) à joindre son équipe, veuillez faire parvenir votre CV à Mme Julie Lapointe à julie.lapointe@crchudequebec.ulaval.ca.

 

Photo : L’équipe de la Pre Sophie Lauzier. De gauche à droite : Jorane Fournier et Laurence Harvey-Gagné, auxiliaires de recherche, Madina Bouziani, étudiante de deuxième cycle, Sophie Lauzier, professeure et chercheuse, Julie Lapointe, coordonnatrice de recherche, Myrto Mondor, statisticienne, Éric Demers, statisticien.


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Dernière révision du contenu : le 3 juin 2024

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