Maladie tropicale, remède boréal

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La malaria tue environ 600 000 personnes dans le monde chaque année, dont 95 % vivent en Afrique et 75 % sont des enfants de moins de cinq ans. La maladie, transmise par la piqûre d’un moustique, est de plus en plus résistante aux traitements actuels. Il est donc urgent de trouver de nouvelles molécules pour la traiter, et c’est justement ce qu’une équipe du Centre de recherche du CHU de Québec-Université Laval (CRCHU) est en train de faire, avec succès.

Il y a quelques années, le hasard a bien fait les choses en réunissant Dave Richard, chercheur de l’axe Maladies infectieuses et immunitaires au CRCHU et spécialiste de la malaria, Éric Biron, chercheur de l’axe Endocrinologie et néphrologie au CRCHU qui se concentre sur le développement de nouveaux agents thérapeutiques, et Christopher Bérubé, stagiaire postdoctoral en chimie médicinale.

Alors que le Pr Biron et M. Bérubé testaient des produits issus de la biomasse québécoise sur des micro-organismes responsables de différentes pathologies, ils ont pensé poursuivre leurs recherches sur le parasite de la malaria avec le Pr Richard. 

Ainsi, depuis environ cinq ans, les trois chercheurs travaillent à partir d’écorces d’arbres provenant de l’industrie forestière. Normalement, ces résidus – produits en énorme quantité – seraient brûlés, mais une entreprise de Québec qui collabore avec l’équipe a développé un processus pour valoriser cette biomasse et en extraire des molécules.

Après avoir ciblé certaines molécules aux propriétés intéressantes, M. Bérubé crée des dérivés pour les rendre plus performantes du point de vue pharmacologique. « Faire des dérivés, c’est comme acheter une maison et rénover chaque pièce. On fait la même chose avec la molécule : on change différents paramètres pour améliorer ses propriétés. »

Aujourd’hui, l’équipe est parvenue à des résultats prometteurs : « Nous avons maintenant des molécules candidates qui répondent très bien, qui ont passé les tests de toxicité et de stabilité, et que nous serons bientôt prêts à tester sur des modèles animaux », poursuit M. Bérubé. D’ailleurs, un brevet a été déposé en juillet dernier sur la technologie développée.

Non seulement l’équipe a eu la chance de pouvoir mettre les forces de chacun de ses membres en commun et de trouver une recette qui semble gagnante, mais elle a aussi eu celle d’être approchée par Medicines for Malaria Venture (MMV), un organisme qui met en contact les chercheurs et les soutient dans leurs travaux afin de lutter plus efficacement contre la malaria.

« La recherche pour le développement de médicaments pour les maladies qui affectent majoritairement les pays à faibles et moyens revenus, comme la malaria, se fait surtout en milieu académique et, lorsqu’il y a un potentiel, ce sont souvent des organisations non gouvernementales qui continuent le développement, comme c’est le cas avec MMV, explique le Pr Richard. Dans notre cas, ils vont notamment pouvoir tester nos molécules sur des modèles animaux, ce qui n’est pas notre spécialité et qui coûte aussi très cher. » 

Les trois collègues, visiblement passionnés par leur sujet et enthousiasmés par les résultats obtenus jusqu’ici, sont d’abord motivés par la cause noble de sauver des vies. « C’est une belle histoire, parce c’est un produit naturel isolé d’écorces d’arbres de la forêt boréale, mais pour soigner la malaria, une maladie tropicale. Et en plus, il y a tout un aspect développement durable où un rejet forestier est non seulement valorisé, mais permet en plus de créer de nouveaux médicaments », mentionne le Pr Biron.

Le Pr Richard conclut : « Si nous réussissons à nous rendre en phase clinique avec un médicament contre la malaria, ça sera une grande satisfaction. On ne sera pas riches, mais on sera heureux! »



Les travaux de l’équipe sont soutenus par la Fondation du CHU de Québec, le Programme de soutien aux organismes de recherche et d’innovation du ministère de l’Économie, de l’Innovation et de l’Énergie, le Mitacs et le Programme Inventech du Fonds de recherche du Québec – Nature et technologies


 


Photo principale : de gauche à droite : Dominic Gagnon, professionnel de recherche dans le laboratoire du Pr Richard; Christopher Bérubé, stagiaire postdoctoral en chimie médicinale dans le laboratoire du Pr Biron; Dave Richard, chercheur de l’axe Maladies infectieuses et immunitaires au CRCHU et spécialiste de la malaria; Éric Biron, chercheur de l’axe Endocrinologie et néphrologie spécialisé dans le développement de nouveaux agents thérapeutiques.

 


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Dernière révision du contenu : le 16 décembre 2024

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