Mois Promotion Qualité : la sécurisation culturelle

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Shutshenimu (se prononce « choutchénimou ») signifie « se sentir en sécurité, en confiance » en innu-aimun.

Par Marie-Ève Picard,  APPR - Partenariat avec les communautés, Direction de la qualité, de l’évaluation, de l’éthique et des affaires institutionnelles (DQEEAI)

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Une collaboratrice et amie innu me disait : « comme lorsqu’on pratique la réanimation cardiaque, les trois premières minutes de rencontre avec une personne issue des Premières Nations ou Inuit sont les trois minutes les plus déterminantes de la relation qui va s’ensuivre ». Même si les Autochtones n’ont pas toujours le sentiment d’être à leur place dans le système de santé, le fait d’être accueillant, de pratiquer une écoute active et de vouloir connaître l’histoire de la personne qui est devant nous permet aux Premières Nations et aux Inuit de se sentir partie prenante dans les soins de santé et leur donne l’espace pour prendre leur place. 
 

Qu’est-ce que la sécurisation culturelle?

Au début des années 1990, Irihapeti Ramsden, une infirmière maorie, développe le concept de « sécurisation culturelle » en réponse aux inégalités de santé que son peuple vit. Depuis, ce concept a été utilisé dans des recherches universitaires, des rapports gouvernementaux et des études professionnelles, tout particulièrement en Nouvelle-Zélande, en Australie et au Canada 1.

La sécurisation culturelle est une approche qui tient compte des contextes historiques et sociaux ainsi que du déséquilibre des pouvoirs structurels et interpersonnels qui façonnent la santé et les expériences de soins des Autochtones 2. Les intervenants doivent être conscients de leur position de pouvoir et de l’impact de cette position sur la relation avec les patients issus des Premières Nations et des Inuit. Il est important que les professionnels de la santé développent une introspection spécifique à ce contexte et leur conscience culturelle, c’est-à-dire qu’ils admettent et acceptent ces différences culturelles 3. La pratique de la sécurisation culturelle signifie que l’intervenant est capable d’identifier les valeurs, les croyances et les hypothèses qui guident sa propre pensée, condition qui le rend apte à s’engager dans une relation professionnelle qui reflète la compréhension et le respect de ce que le patient et sa famille croit être important pour leur guérison, leur santé et leur bien-être 4.

La Commission Viens (2019) présente des écarts entre la vision occidentale de la santé et celle des Autochtones 5. Ainsi, la non-considération des dimensions socio-culturelles aurait un impact sur la santé et le bien-être des Autochtones, soit un risque d’entraver une expérience de soins positive et sécurisante pour le patient 6.  

En termes simples, reconnaître les répercussions de l’histoire et de la structure du système de santé sur les Autochtones permet d’adapter les soins pour répondre plus efficacement aux besoins distincts de ces derniers 1. Il est important de noter que l’indicateur le plus éloquent de la sécurisation culturelle est l’opinion du patient 7. « C’est celui qui reçoit les services qui détermine s’il s’est senti en sécurité d’un point de vue culturel, et non le prestataire de services qui décide si les services offerts l’ont été de manière sûre » 7.

Il est important de noter que l’indicateur le plus éloquent de la sécurisation culturelle est l’opinion du patient. 

 

Comment l’intervenant peut-il agir afin de favoriser la sécurisation culturelle des patients autochtones?

Le concept de sécurisation culturelle repose sur la prémisse selon laquelle la culture du soignant, et tout ce qu’elle comporte, a une incidence sur le déroulement de la rencontre clinique entre l’intervenant et le patient et, donc, agit sur la qualité des soins reçus 8. Ainsi, une réflexion personnelle sur ses propres attitudes, croyances, préjugés et valeurs constitue le point de départ. Les professionnels de la santé peuvent et doivent concilier deux mondes et intégrer à leur pratique les savoirs ainsi que les données probantes autochtones et occidentaux, en fonction des préférences et des besoins du patient, s’ils veulent offrir des soins optimaux à leurs clients autochtones 9.

L’humilité culturelle est le fait de déployer des efforts constants d’auto-évaluation en vue du rétablissement de l’équilibre du pouvoir afin d’établir et de maintenir des relations respectueuses fondées sur une confiance mutuelle 7. C’est ce à quoi l’intervenant doit aspirer s’il veut contribuer à ce que le patient se sente en sécurité d’un point de vue culturel. 

Une réflexion personnelle sur ses propres attitudes, croyances, préjugés et valeurs constitue le point de départ.

 

Le saviez-vous?

Le CHU de Québec-Université Laval (CHU) a récemment créé des liens avec trois organismes autochtones dans la Capitale-Nationale, soit le Centre d’amitié autochtone de Québec, le Centre multiservice Mamuk ainsi que le regroupement Mamit Innuat. Ces trois organismes œuvrent auprès des Autochtones de la Capitale-Nationale depuis plusieurs années en leur offrant des services et des soins de proximité. Nous souhaitons collaborer avec ces organismes afin d’améliorer la qualité des soins et des services offerts aux Autochtones au CHU. Ce début de collaboration prometteur pourra donner lieu à de futurs textes empreints de leurs expériences et de leurs connaissances. 
 

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Références

  1. Conseil canadien de la santé. Empathie, diginité et respect - Créer la sécurisation culturelle pour les Autochtones dans les systèmes de santé en milieu urbain. 2012.
  2. Ward, Cheryl, Branch, Chelsey et Fridkin, Alycia. What is indigenous cultural safety - and why should I care about it? Visions BC's Mental Health and Addictions Journal. 2016, Vol. 11, 4, pp. 29-32.
  3. Ramsden, I. Teaching cultural safety. The New Zealand Nursing Journal. Kai Tiaki. 1992, Vol. 85, 5, pp. 21-23.
  4. Smye, V., Rameka, M. et Willis, E. Indigenous health care: Advances in nursing. Contemporary Nurse: A Journal for the Australian Nursing Profession. 2006, Vol. 22, 2, pp. 142-154.
  5. Comission Viens. Commission d'enquête sur les relations entre les Autochtones et certains services publics : écoute, réconciliation et progrès. s.l. : Gouvernement du Québec, 2019.
  6. Wilson, D. The practice and politics of indigenous health nursing. Contemporary Nurse: A Journal for the Australian Nursing Profession. 2006, Vol. 22, 2, pp. x-xiii.
  7. Keith, L. Cheminer ensemble: Renforcer la compétence culturelle autochtone dans les organismes de santé. The First Nations Health Managers Association (FNHMA) et La Fondation Canadienne pour l'Amélioration des Services de Santé (FCASS). p. 32.
  8. Walker, Roger, et al. Achieving Cultural Integration in Health Services: Design of comprehensive Hospital Model for Traditional Healing, Medicines, Foods and Supports. [éd.] NAHO. Journal de la santé autochtone. Janvier 2010, pp. 58-69.
  9. Rogers, B. J., et al. À L'INTERFACE : les professionnels de la santé autochtones et la pratique factuelle. Centre de Collaboration Nationale de la Santé Autochtone (CCNSA). 2019, pp. 1-36.
  10. Bélanger, Lynda, et al. Cadre de référence sur l'approche de partenariat avec nos usagers et leurs proches. CHU de Québec-Université Laval, Bureau d'expertise en expérience patient et partenariat (BEEPP). 2021. p. 39.

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Dernière révision du contenu : le 15 novembre 2021

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