Un établissement hospitalier comme le CHU de Québec-Université Laval (CHU), c’est l’équivalent d’une ville1 où s’activent des femmes et des hommes dont le travail est important, mais parfois méconnu. La chronique Un secret bien gardé vous invite à découvrir leur histoire et leurs talents.
Dans cette édition : Nadine Bouchard, hygiéniste dentaire.
Du 4 au 10 avril 2022 avait lieu la Semaine nationale des hygiénistes dentaires qui souligne le travail des quelque 6 600 professionnels de ce domaine que compte la province. Pour sa part, le CHU de Québec-Université Laval (CHU) ne compte qu’une seule et unique hygiéniste dentaire parmi ses 17 000 intervenants! Pourtant, son travail auprès des patients est indispensable, comme je l’ai compris en allant à la découverte du quotidien de Nadine Bouchard, hygiéniste dentaire au département d’oncologie de L’Hôtel-Dieu de Québec.
Par Corine Lachance, l’une des Chuchoteuses
Les hygiénistes dentaires sont des professionnels de la santé qui dispensent des soins buccodentaires tout en éduquant les patients sur les bonnes habitudes en matière d’hygiène buccale. La particularité de Nadine, c’est d’exercer ce rôle-conseil auprès de patients atteints de cancer affectant la zone du cou ou de la tête. Ces derniers vivent d’importants changements au niveau buccal en raison des traitements de radiothérapie, et l’équipe de médecine dentaire oncologique de L’Hôtel-Dieu de Québec (L’HDQ) les accompagne et les conseille dans le but d’améliorer leur qualité de vie.
Nadine partage son temps entre le CHU et le Centre intégré universitaire de santé et de services sociaux de la Capitale-Nationale (CIUSSS-CN), à raison d’une journée par semaine avec l’équipe de médecine dentaire oncologique de L’HDQ et de trois jours au CIUSSS-CN. Après avoir travaillé au privé pendant 18 ans, elle se sent véritablement à sa place à dans ces deux centres de santé publics.
Hygiéniste dentaire en oncologie
Comme hygiéniste dentaire au CHU, Nadine occupe un rôle bien précis auprès des patients qui sont sur le point de commencer un traitement de radiothérapie pour un cancer au niveau de la tête ou du cou. Pourquoi voir les patients avant leur traitement? C’est parce que lors des traitements de radiothérapie, les glandes salivaires sont irradiées et elles ne sont plus aussi efficaces qu’avant, allant même parfois à ne plus fonctionner du tout. « Ce qui arrive avec la salive, c’est que les patients n’en ont plus ou elle devient plus visqueuse. L’indice de carie augmente alors beaucoup, puisque la salive est un nettoyant naturel », m’indique Nadine. L’absence de salive ou sa modification exige donc que le patient modifie ses habitudes de vie, et ce, autant dans son alimentation que dans ses soins d’hygiène. « On leur parle un petit peu de diète, surtout de diminuer les sucres, pour aider à éviter les caries rampantes qui se développent et s’étendent rapidement », m’explique-t-elle. Ces changements d’habitudes de vie se font sur le long terme, et c’est pourquoi les patients sont suivis pendant un an en médecine dentaire à L’HDQ. Après cette année de suivi plus serré avec les professionnels de L’HDQ, le dentiste habituel des patients peut prendre le relais.
À plus long terme, les patients auront un traitement quotidien à effectuer à la maison. En effet, Nadine m’explique qu’elle doit souvent préparer et prescrire des gouttières de fluoration aux patients pour exposer leurs dents à la plus grande quantité de fluor possible afin de renforcer leur émail. « C’est pour ça que ça change les habitudes de vie. Ce n’est pas long, c’est un cinq minutes par jour, mais il faut y penser et le faire jour après jour », ajoute Nadine.
Pratique privée, pratique publique
Après avoir travaillé au privé à divers endroits avant d’arriver au CHU (en passant par le Lac-Saint-Jean et la Suisse!), Nadine apprécie ce suivi personnalisé qui est caractéristique de la pratique dans le réseau public, selon elle. En clinique privée, il s’agit davantage d’un travail à la chaîne, alors qu’au public, elle bénéficie de beaucoup plus de temps avec son patient : « C’est vraiment un service pour le patient, et c’est très humain comme service. Des fois, je peux être 10-15 minutes à discuter avec le patient », explique Nadine.
Le profil des patients qu’elle voit à L’HDQ est également très différent de ceux des cliniques privées. À L’Hôtel-Dieu de Québec, les patients traités pour un cancer ont un problème spécifique et changer leurs habitudes de vie n’est plus un choix, mais une obligation. Cela influence l’attitude du patient face aux changements à apporter dans son mode de vie : « Quand tu es traité pour un cancer, ça vient changer tes priorités : ce sont des gens qui sont motivés à améliorer leur santé. »
Une passion
Nadine possède une véritable passion du soin qui la motive à exceller dans son travail. Précision, écoute et empathie s’ajoutent aux qualités dont elle fait preuve au quotidien : « Un travail de précision, c’est vraiment la base, parce que personne n’aime ça, se faire blesser dans la bouche! (rires) » précise-t-elle.
L’empathie et l’écoute sont bien évidemment de mise auprès de ces patients qui subissent de lourds traitements et qui peuvent même parfois devoir subir une chirurgie. Dans le cas où une partie du visage ou du maxillaire manque au patient, l’équipe de médecine dentaire oncologique travaille met alors à profit l’expertise unique des deux épithésistes du CHU (voir la page 7 du Chuchoteur de juin 2018). Ces magiciennes recréent alors la partie du visage manquante grâce à des prothèses hyperréalistes.
Nadine est la seule hygiéniste dentaire du CHU, mais son travail quotidien a des effets positifs qui se multiplient dans la vie des patients!
Nadine Bouchard, hygiéniste dentaire à l’Hôtel-Dieu de Québec.
1. 92,9 % des villes du Québec comptent moins d’habitants que le nombre d’employés (14 000) du CHU. Source : https://www.mamh.gouv.qc.ca/organisation-municipale/decret-de-population/