Lumière sur…
Mes visites terrain de juillet 2021
Par Brigitte Martel, directrice des soins infirmiers
Depuis quelques mois, les infirmières sont au centre de l’attention de toute la communauté et elles le seront immanquablement pour les mois à venir. Deux démarches importantes ont eu lieu en 2021 : les états généraux de la profession infirmière par l’Ordre des infirmières et infirmiers du Québec et la mise sur pied du groupe de travail national sur les effectifs infirmiers par le ministère de la Santé et des services sociaux.
Par mon implication dans ces deux démarches, force m’a été de constater que le contexte de la pratique infirmière d’aujourd’hui ne permet pas aux infirmières de déployer leur plein potentiel. J’ai voulu mieux comprendre cette problématique et en apprécier l’étendue dans nos établissements en m’exposant directement à notre réalité de pratique infirmière terrain au CHU de Québec-Université Laval (CHU). J’ai ainsi visité 22 unités de soins et de services infirmiers différents sur les trois quarts de travail. Par mon approche, je voulais me reconnecter avec la réalité, la vivre réellement avec mes collègues. Mon objectif était de cerner de l’intérieur les enjeux et de proposer des axes d’interventions pertinents pour améliorer les choses.
La démarche
J’ai d’abord pris le temps d’échanger avec plusieurs personnes pour préparer mon expérience. J’ai, entre autres, discuté avec les membres du comité exécutif du Conseil des infirmières et infirmiers (CECII) du CHU et avec la professeure Johanne Déry de la Faculté des sciences infirmières de l’Université de Montréal. Dans un premier temps, j’ai convenu d’adopter une approche ethnographique. Je visitais donc les équipes comme une infirmière qui désire s’intégrer dans le milieu, qui veut bien saisir les modes de fonctionnement pour bien y travailler. Je voulais vraiment vivre la réalité pour mieux la comprendre. J’ai demandé aux chefs des unités volontaires de cibler une infirmière avec qui je serais jumelée. Les infirmières m’ont toutes accueillies à bras ouverts et ont été extrêmement généreuses à mon égard. Mon expérience m’a permis de rencontrer des équipes compétentes et engagées. Je me suis sentie incluse et appréciée parmi elles.
Afin de bien saisir toutes les informations importantes, j’ai tenu un journal de bord où je notais systématiquement les éléments observés en lien avec les six composantes du leadership infirmier (Déry et al., 20171). Ces six composantes sont :
- l’évaluation et la planification des soins;
- l’enseignement à la clientèle et aux familles;
- la communication et la coordination des soins;
- l’intégration et l’encadrement du personnel;
- l’optimisation de la qualité et de la sécurité des soins;
- la mise à jour et l’utilisation des connaissances.
Je notais aussi systématiquement certaines caractéristiques de l’exercice infirmier tel que l’ambiguïté des rôles, le fractionnement des tâches, la délégation, l’exercice du jugement clinique, l’autonomie professionnelle en relation avec la demande psychologique et, finalement, le climat psychologique.
Ensuite, je notais tous les commentaires des infirmières notamment en lien avec les deux questions que j’ai posées à la majorité des équipes : 1) Si j’avais une chose à améliorer, qu’est-ce que je devrais faire? 2) Tu es contente de venir travailler parce que…? Cette dernière question m’a permis de mettre en lumière certains facteurs de protection pour les équipes. La visite se terminait par une prise de photo de l’infirmière avec qui j’étais jumelée et parfois, toute l’équipe était sur la photo. Cette dernière étape était toujours un moment très fort!
Voir l’album photo des visites
* La liste des noms des personnes qui m’ont accueillie est publiée au bas de cette page.
Résumé de mes observations
Les composantes de l’exercice du leadership sont toutes présentes, mais à des degrés différents selon le contexte. Elles sont présentes, oui, mais elles n’occupent pas plus de 50 % du temps de l’infirmière. En fait, j’ai observé que les infirmières doivent investir beaucoup de temps dans des éléments non liés à l’exercice du leadership, mais qui sont essentiels aux modes de fonctionnement des unités et des services, comme télécopier des documents, noter des informations et coordonner des transports.
J’ai observé peu d’ambiguïté des rôles et la délégation dans l’équipe se passe bien. Le fractionnement des tâches dans l’équipe de soins infirmiers est peu problématique. J’ai été en mesure d’observer les infirmières et j’ai pu constater que le jugement clinique est présent en continu. Toutefois, la demande psychologique est énorme, car beaucoup d’étapes sont nécessaires pour identifier et répondre aux divers besoins des usagers. Plusieurs étapes sont débutées simultanément et demeurent en attente de suivi des autres collaborateurs, tels que le pharmacien, le médecin, l’infirmière de liaison, la stomothérapeute, etc. Certaines infirmières très expérimentées m’ont confié parfois avoir l’impression de ne pas arriver à terminer leur travail de manière satisfaisante, car il y a trop de choses qui dépendent d’elles en même temps. Même si j’ai vu des équipes souriantes et que j’ai senti une ambiance de travail cordiale, parfois même détendue, je dois admettre que j’ai aussi constaté que le climat psychologique est assez difficile. Les infirmières ont peur d’oublier quelque chose d’important et de devoir faire du temps supplémentaire obligatoire (TSO).
Les commentaires des infirmières sur les éléments à améliorer n’ont pas permis d’en identifier un précisément, car elles m’ont parlé de beaucoup de choses. Certains points semblaient toutefois faire l’unanimité et être des irritants importants : le circuit du médicament, la paperasse et les doubles saisies dans plusieurs systèmes informatiques, le manque de matériel et d’équipements nécessaires pour soigner efficacement les usagers.
En lien avec ce qui les rend heureuses de rentrer au travail, la très grande majorité des infirmières ont spontanément mentionné leur équipe et les usagers. Certaines m’ont dit être heureuses que leur poste de 12 heures les protège du TSO.
Mes constats
À la suite mon expérience et de l’écriture de mon journal de bord, j’ai traduit mon expérience en un schéma qui illustre la compréhension que j’ai de la situation sur le terrain. J’ai compris que les usagers ont des besoins très variables et que ceux-ci évoluent parfois rapidement. J’ai aussi compris que pour répondre à ces besoins, les infirmières doivent souvent effectuer beaucoup d’étapes. Certains contextes sont favorables, car peu d’étapes sont requises pour répondre aux besoins des usagers, tandis que d’autres contextes exigent beaucoup plus d’efforts. J’ai également pu dégager certains facteurs de protection pour l’équipe d’infirmières.
• Exemples d’étapes qui doivent être faites pour répondre à un besoin : rassembler le matériel et/ou l’équipement requis, attendre une confirmation, relever les dossiers (vérifier), télécopier, préparer, noter, aviser, demander de l’aide, communiquer une information, vérifier les procédures avant de les faire quand il y a un manque d’expertise.
• Exemples de réponses faciles et efficaces aux besoins: la prise en charge d’un usager dans une salle de réanimation, l’accueil d’un usager après une chirurgie, l’utilisation d’une oreillette de communication par les membres de l’équipe de soins infirmiers pour améliorer l’efficience de l’équipe durant le quart de travail.
• Exemples de réponses difficiles et inefficaces aux besoins : un usager niveau de soins B (pas d’intubation, pas d’amines) qui a besoin de soins intensifs infirmiers à l’étage (réanimation liquidienne, transfusions, hémocultures, examens, médicaments IV multiples); devoir chercher du matériel et procéder à son lavage avant de l’utiliser; devoir chercher l’information nécessaire dans le dossier papier versus le dossier électronique.
• Mécanismes de protection des équipes de soins infirmiers sont :
- un esprit d’équipe fort;
- l’expression de la satisfaction des usagers envers les soins infirmiers reçus;
- l’expertise et le sentiment de compétence;
- l’équilibre entre la vie personnelle et la vie professionnelle.
Ce schéma permet de dégager des axes d’intervention qui ont comme objectif de favoriser une réponse facile et efficaces aux besoins. Les axes d’intervention identifiés sont :
- répondre au bon besoin (pertinence);
- réduire ou éliminer les étapes requises pour obtenir la réponse (simplification);
- répartir l’effort (bon professionnel, bonne compétence);
- améliorer la coordination de l’effort d’équipe et la communication (s’ajuster pour répondre à la variation des besoins);
- renforcer les facteurs de protection.
La suite
La démarche et les constats ont été partagés avec toutes les directions cliniques ainsi qu’avec le CECII. Un plan d’action a été élaboré et des actions prioritaires seront effectuées à courte échéance.
Cette démarche a été très riche et je souhaite que les interventions qui en découleront permettent aux équipes soignantes d’être plus satisfaites. Je tiens à remercier très chaleureusement toutes les infirmières qui m’ont accueillie et guidée2. Il est difficile de trouver les bons mots pour exprimer toute la reconnaissance que j’éprouve envers elles. Je les remercie de tout cœur pour leur engagement.
Notes :
- Déry, J., D’Amour, D., & Roy, C., (2017). « L’étendue optimale de la pratique infirmière. Une contribution essentielle à la performance du système de santé ». Perspective infirmière, 14(1), 51-5
- Voir la liste des noms des personnes qui m’ont accueillie au bas de cette page.
Comment apprendre aux toilettes?
Par Christine Danjou, inf. M.Sc. Infirmière de pratique avancée – Sciences neurologiques
Un des défis actuels pour le personnel de la santé est de rester informé concernant les nouveautés cliniques et les changements de pratique1. Cette information doit être significative et facilement accessible. Diverses approches pédagogiques sont possibles : cours en classe ou en ligne, simulation, autoapprentissage, partage entre pairs et bien d’autres. À ces approches s’ajoutent des initiatives complémentaires, telles que l’affiche éducative.
Le principe est simple : une affiche visible, claire, attirante, parfois ludique qui transmet un contenu concis, direct, d’actualité et qui… est consultable aux toilettes!
Peu d’études empiriques viennent appuyer l’efficacité de cette approche, mais il existe plusieurs démonstrations et initiatives organisationnelles qui laissent à penser qu’il s’agit d’un moyen éducatif valable et efficient1-4. Cette approche pédagogique comporte diverses appellations : Toilet Talk, graffiti éducatif, poster d’éducation ou affiche éducative. Elle est basée sur la théorie de l’apprentissage de l’andragogie de Knowles5 qui stipule que les participants apprennent mieux lorsqu’un facteur de motivation interne est développé et que les apprenants reçoivent des résultats clairs et pratiques2. Pour atteindre son but, l’affiche éducative doit donc attirer l’attention de l’apprenant en proposant un sujet d’intérêt et rapidement applicable au quotidien. Les toilettes offrent un environnement à faible distraction et sont visitées régulièrement. Pour un investissement relativement faible, les apprenants sont exposés à plusieurs reprises à l’information, et cette exposition est réalisée sans empiéter sur d’autres activités et sans impliquer la présence d’un formateur3. L’approche cible directement l’apprenant et le rend captif à l’information présentée, car l’endroit est solitaire, tranquille et n’offre pas d’autre distraction4.
Depuis plus d’un an, dans les unités de sciences neurologiques P-3000 et C-3000 à l’Hôpital de l’Enfant-Jésus, vous pouvez apprendre quelque chose lorsque vous allez aux toilettes. Plusieurs sujets ont été abordés : la prévention des chutes, la formation continue, l’évaluation neurologique, les nerfs crâniens, les erreurs de médicaments, l’angiœdème, etc. L’essentiel du sujet est présenté par une information simple et directe; tout le monde peut en bénéficier. Une blague et une illustration font également sourire.
Si l’expérience vous tente, voici quelques trucs et astuces :
- Ne minimisez pas l’investissement requis : développer une affiche éducative n’est pas un processus simple. Concevoir un message clair ayant un impact éducatif demande temps et réflexion2.
- N’inondez pas les murs des toilettes d’affiches éducatives : trop d’informations saturent l’intérêt et l’apprenant devient insensible aux informations fournies.
- Bien qu’il soit intéressant d’utiliser cet espace pour offrir un message éducatif, une sélection minutieuse du contenu et du style de présentation doit être entreprise pour assurer le transfert des connaissances vers le changement dans l’environnement clinique2.
- Soyez d’actualité, mais ne soyez pas redondant avec d’autres communications organisationnelles.
- Variez le ton : parfois sérieux, parfois plus léger, parfois formatif, parfois informatif.
- Adaptez le langage pour que tous y trouvent un intérêt.
- Soyez justes dans votre propos et soignez la présentation.
- Placez l’affiche pour qu’elle soit visible lorsque l’apprenant est assis (sans oublier les messieurs!) et utilisez un format et une police suffisamment grands pour être vus de loin.
- Utilisez l’humour.
Références :
- Rathwell M, Fleming S, Vandervliet T. « Toilet Talk: Leveraging a creative opportunity for educating staff nurses ». Canadian Nurse. 2019;21.
- Corkill D. « Testing the effects of educational toilet posters: a novel way of reducing haemolysis of blood samples » within ED. Australas Emerg Nurs J 2012;15(1):31-6.
- Grogono AW, Jastremski MS, Johnson MM, Russell RF. « Education graffiti: better use of the lavatory wall ». The Lancet. 1982;1(8282):1175-6.
- Simmons PB, Launius B. « Bathroom blitz it! » Journal of continuing education in nursing. 1997;28(5):235-7.
- Knowles M. The adult learner: a neglected species. Houston: Gulf Publishing; 1973.
Passez le mot!
Testez vos connaissances!
Vrai ou faux?
1. La politique d’identification de l’usager avant de dispenser des soins ou des services qui lui sont destinés s’adresse au personnel soignant seulement.
2. Tout usager doit être identifié par le premier intervenant qui l’accueille à l’aide d’une carte d’identité, de préférence avec photo.
3. Lorsque l’usager n’a pas de carte d’hôpital, il faut lui créer un dossier et lui émettre sa carte d’hôpital.
4. L’identification de l’usager doit se faire à l’aide d’au moins deux identificateurs reconnus. Le nom et prénom de l’usager, sa date de naissance et son adresse sont des identificateurs reconnus.
Réponses :
1. FAUX : la politique s’adresse à tous les intervenants du CHU, c’est-à-dire directeur, gestionnaire, professionnel, médecin, dentiste, résidents, externe, stagiaire, étudiant, contractuel, employé, bénévoles.
2. VRAI : la carte avec photo permet de valider la concordance du visage afin d’éviter les usurpations d’identité. Toutefois, la carte d’hôpital ou une autre carte peut aussi être utilisée : l’important c’est qu’elle contienne deux identificateurs reconnus.
3. FAUX : il faut d’abord valider dans les systèmes informatiques, en faisant une recherche rigoureuse à l’aide de la fonction « recherche C », si l’usager a déjà un numéro de dossier. Un dossier est créé seulement si la recherche démontre que l’usager n’a pas de dossier.
4. FAUX : les identificateurs reconnus sont des éléments qui ne peuvent pas changer dans le temps : nom et prénom, date de naissance, nom et prénom du père ou de la mère, numéro de dossier de l’hôpital, numéro d’assurance maladie. L’adresse de l’usager ne peut donc pas être utilisée, car elle est sujette à changement dans le temps.
Références :
- Agrément Canada – Manuel Unité d’hospitalisation (2019) – POR 3.1.29 En partenariat avec les usagers et les familles, au moins deux identificateurs uniques à la personne sont utilisés pour confirmer que l’usager reçoit l’intervention ou le service qui lui est destiné.
- CHU de Québec - 810-00 Politique d’identification de l’usager avant de dispenser des soins ou des services qui lui sont destinés
Midi-Conférence du CII
Restez informé!
Suivez votre CII :
Facebook : Cii-CHU de Québec-Université Laval
Le Spot : section CII
Merci spécial à toutes les personnes ayant accueilli Mme Martel pendant sa tournée estivale :
• Amélie Couture
• Andrée-Anne Vallée
• Annie Côté
• Annie-Claude Huppé
• Audrey Beaulieu-Houle
• Carolanne Couture
• Caroline Lavoie
• Chantal Lalonger
• Chelsea Doyle
• Christian Garneau
• Cynthia Boulé
• Daniel Rochette
• Dominique Leblanc
• Edith Godbout
• Élise Couturier
• Émilie Renaud
• Émily Boulet
• Flavie Marchand-Grenier
• Frédérique Picard
• Isabelle Landry
• Jean Philippe Guimond
• Jean-François Boissonneault
• Jenna Rainville
• Jennie Boutet
• Jennifer Boisclair
• Johanne Gagné
• Julianne Cassista
• Julie Blanchet
• Julie Milhomme
• Karine Desgroseilliers
• Katarina Hodul
• Kathleen Cantin
• Laurence Mongendre
• Laurence Paquet
• Majorie Vallée
• Marc Bisson
• Marie Frenette
• Marie-Claude Pelletier
• Marie-Claude Verreault
• Marie-Hélène Roy
• Marie-Josée Dumé
• Marie-Lisa Carrier
• Mariella Gaudreault-Belley
• Marie-Neige Grenier
• Maryse Dupéré
• Maude Pascale Pelletier
• Mélinda Lachance Tremblay
• Michelle De La Chevrotière
• Natacha Lavoie
• Nathalie Paradis
• Nicolas Gagnon
• Noémie Collin
• Olivier Deschênes
• Pascale Bouchard
• Patricia Fortin
• Pierre Callat
• Pierre-André Bilodeau
• Raphaël Lapierre
• Sandrine Chevalier
• Sara Bellerive
• Sophie Hardy
• Sophie Poulin
• Stéphanie Bolduc
• Stéphanie Gaudreau
• Stéphanie Lavoie
• Suzie Larouche
• Sylvain Bergeron
• Sylvie St-Gelais
• Tracy Hanuseac
• Valérie Caron
• Valérie Girard
• Vanessa Desrosiers
• Vanessa Vachon
• Virginie Ruel Boudreau