Comment les bibliothèques doivent-elles se transformer et évoluer pour répondre aux besoins des utilisateurs en 2020? Une vaste démarche entreprise à la Direction de l’enseignement et des affaires universitaires a permis de redéfinir notre bibliothèque, tant en ce qui a trait aux services qu’elle offre qu’à ses espaces physiques et virtuels.
Alors qu’elle était à la recherche d’un stage à effectuer dans le contexte de sa maîtrise en développement des personnes et des organisations, Zorica Djordjevic a croisé la route de Katia Boivin, nouvellement en poste en tant que chef des bibliothèques du CHU de Québec-Université Laval (CHU). Cette dernière était justement en quête d’un modèle de bibliothèque à proposer pour le nouveau complexe hospitalier, tout en se demandant si les espaces physiques étaient toujours nécessaires et, si oui, s’ils devaient être pensés différemment autant du point de vue de leur taille, de leur emplacement que de leur aménagement.
Revue de littérature, visites de bibliothèques récemment rénovées, dont celles du Centre universitaire de santé McGill (CUSM) et de l’Hôpital du Sacré-Cœur-de-Montréal, consultations auprès de divers intervenants en santé du CHU (médecins, résidents, infirmières, professionnels de la santé, etc.) et de bibliothécaires de différents horizons ont permis de dégager plusieurs constats : les services de la bibliothèque du CHU sont méconnus, l’accès aux ressources électroniques doit être possible de partout et en tout temps, plusieurs ont besoin de soutien pour chercher l’information de manière efficace et, enfin, les intervenants et les étudiants ont besoin d’espaces accueillants qui favorisent non seulement l’étude, mais aussi les échanges et les discussions.
Ces constats ont été traduits en un plan d’action débutant en 2018 et se prolongeant jusqu’en 2022 qui se divise en quatre grands axes : moderniser les espaces, renforcer l’offre de service, faire connaître la bibliothèque, développer un service pour les patients et leurs proches.
Moderniser les espaces
Pour donner un meilleur accès aux ressources et aux services de la bibliothèque, l’équipe mise autant sur le réaménagement des espaces physiques que sur celui des espaces virtuels.
C’est dans ce dernier domaine que le plan d’action est probablement le plus avancé. Le portail de la bibliothèque, accessible de n’importe quel ordinateur à l’intérieur ou à l’extérieur du CHU1, permet de chercher dans des dizaines de bases de données ainsi que des milliers d’abonnements et autres documents, d’utiliser le prêt entre bibliothèques (les documents sont habituellement envoyés en moins de 24 heures!) ou de parcourir les pages thématiques divisées par discipline, les suggestions de lecture ou encore les liens vers les publications récentes (voir les sujets présentés au bas de la page pour en savoir plus sur ces ressources).
D’ailleurs, au cours de la dernière année, la collection de périodiques électroniques de la bibliothèque s’est grandement enrichie grâce au consortium des ressources électroniques du RUISSS de l’Université de Montréal. Et l’expérience de la pandémie a confirmé qu’il est encore plus pratique d’avoir accès à des livres électroniques en comparaison aux livres papier, ce qui assure un bel avenir à cette collection!
Point de vue environnement physique, des déménagements ou des réaménagements sont à prévoir, soit parce que certaines des bibliothèques actuelles du CHU sont difficilement accessibles, soit parce que les espaces ne correspondent pas aux besoins actuels des utilisateurs. Les commentaires recueillis lors des consultations ont alimenté la réflexion sur l’aménagement des lieux. Le concept retenu mise sur une division en zones de silence et en zones « vivantes », ce qui est presque totalement à l’opposé de ce que nous connaissons maintenant. L’objectif est de transformer la bibliothèque en un lieu où échanger et discuter, travailler en équipe, enseigner, partager le fruit de ses recherches. « Pendant notre démarche, nous avons questionné les gens sur leur vision de la bibliothèque idéale et sur leurs besoins, mais nous leur avons aussi présenté ce qui se fait ailleurs. Par exemple, parmi les innovations qui favorisent la vie académique et professionnelle dans une bibliothèque, il y a les écrans interactifs géants qui permettent de projeter des images : planches anatomiques, affiches scientifiques, images agrandies de cellules, etc. Les gens étaient contents de savoir que ça existe, mais surtout de savoir que notre bibliothèque veut aller dans cette direction! », relate Zorica Djordjevic, aujourd’hui bibliothécaire au CHU.
Renforcer l’offre de service et la faire connaître
La première étape effectuée pour renforcer l’offre de service de la bibliothèque a été de regrouper les accès vers les autres bibliothèques du CHU, soit celle de la recherche et celle de l’enseignement (intégration en cours). Des liens rapides ont aussi été créés vers d’autres ressources fiables, notamment par l’entremise des pages thématiques, comme celle sur la COVID-19.
L’équipe s’est aussi assurée d’intégrer un lien vers son portail dans Le SPOT (Vie professionnelle / Services aux employés / Bibliothèque) et d’être présente lors des journées d’accueil des résidents.
Par ailleurs, des formations sur mesure sont offertes à tout intervenant du CHU qui en fait la demande : visite du portail de la bibliothèque, ressources accessibles, comment chercher efficacement, services offerts, etc. Les formations peuvent être données sur place, à l’endroit choisi par le demandeur, ou à distance.
Développer une offre de service pour les patients et leurs proches
« Au cours de notre réflexion stratégique, plusieurs intervenants ont demandé s’il serait possible que la bibliothèque offre des services aux patients et à leurs proches : les usagers se renseignent, mais parfois, ils ont du mal à démêler le vrai du faux. Nous pensons que la bibliothèque pourrait contribuer à améliorer la littératie en santé, soit aider les usagers à chercher l’information, à en évaluer la qualité et à l’analyser », explique Mme Djordjevic. Ainsi, par l’entremise du programme Biblio-aidants, les pages thématiques et la page d’accueil du portail de la bibliothèque donnent accès rapidement à 15 cahiers thématiques (cancer, Alzheimer, deuil, etc.) qui recensent des sources fiables d’informations pour les patients et leurs proches.
Cependant, l’équipe aimerait aller plus loin : en partenariat avec l’équipe du Centre d’information sur le cancer, un plan d’action a été développé pour enrichir l’offre de service pour les patients atteints de cancer et mieux soutenir les bénévoles. De plus, l’équipe souhaite définir un modèle optimal de bibliothèque destinée aux usagers.
Un changement de paradigme
Dans un avenir rapproché, il semblera déjà loin le temps où les bibliothèques étaient des lieux de silence tapissés de livres! Les bibliothèques ne sont plus uniquement destinées à la quête du savoir en solo, mais elles s’ouvrent pour permettre la création et le partage du savoir en groupe.
De gauche à droite : Katia Boivin, chef de service des activités d’enseignement au CHU; Zorica Djordjevic, bibliothécaire au CHU; Patricia Chamberland, technicienne en documentation, CHUL; Lucie Côté, technicienne en documentation, Hôpital de l’Enfant-Jésus; Valérie Gingras, technicienne en documentation, Hôpital Saint-François d’Assise; Sylvie Marcoux technicienne en documentation, Hôpital du Saint-Sacrement; Justine Bilodeau, technicienne en documentation, L’Hôtel-Dieu de Québec.
Éric Morin, agent d'information-graphiste.
1. De l’extérieur du CHU, l’accès aux abonnements de la bibliothèque peut se faire par le BVI ou avec un code et un mot de passe préalablement demandés sur le portail de la bibliothèque (https://bibliotheque.chudequebec.ca/account).
Les ressources électroniques selon Julie Maranda, infirmière de pratique avancée
Une bibliothèque, c’est bien plus que des rayonnages remplis de livres!
En visitant le portail de la bibliothèque, on réalise rapidement qu’il regorge de ressources, dont des publications numériques et des bases de données. Non seulement ce regroupement permet d’éviter des frais d’accès faramineux aux publications, ceux-ci étant assumés par la bibliothèque plutôt que par les individus, mais il permet aussi d’effectuer des veilles plus efficacement.
Pour le CHU, en tant que centre hospitalier universitaire qui offre des soins spécialisés et surspécialisés, c’est un avantage important, puisque les intervenants cliniques doivent constamment maintenir leurs connaissances à jour. « De par mon rôle d’infirmière de pratique avancée, je consulte très souvent la bibliothèque, entre autres pour mes recherches de données scientifiques. Lorsque j’ai un projet, par exemple l’implantation d’une nouvelle pratique ou chirurgie, je demande de l’aide à la bibliothèque pour la revue de littérature : je spécifie un sujet, puis ils m’envoient les résumés d’une trentaine d’articles. Je peux ensuite sélectionner les articles qui m’intéressent et je les reçois en version électronique. Ça me fait gagner beaucoup de temps! », explique Julie Maranda, infirmière de pratique avancée des secteurs périopératoires.
Parmi les ressources offertes, il y a notamment le « Reference Center » de l’AORN (Association of periOperative Registered Nurses), qui regroupe les lignes directrices américaines spécifiques aux blocs opératoires, ce qui est particulièrement utile dans ce domaine où les normes sont nombreuses, mais les livres de référence rares. Le portail donne aussi accès aux normes canadiennes de l’ORNAC (Operating Room Nurses Association of Canada ou AIISOC : Association des infirmières et infirmiers de salles d’opération du Canada) et à la base de données spécialisée Cinahl, très utile pour se tenir à jour sur les protocoles et dernières nouveautés en sciences infirmières. Clinical Key est aussi une autre ressource très utile pour tous les intervenants du CHU : pharmacie, guides de pratique, nouveautés en chirurgie, etc. Cette base de données donne également accès à des livres et à des journaux électroniques.
« L’équipe de la bibliothèque peut nous apprendre comment utiliser toutes ces bases de données. Par exemple, une technicienne en documentation m’a aidé à sélectionner des thèmes et, chaque fois qu’un article mentionne ce thème, je reçois un courriel. Chaque mois, je reçois aussi des notifications par courriel lorsqu’un nouveau magazine est publié. La notification contient les grands titres de la publication, alors je peux tout de suite voir ce qui m’intéresse ou pas. Parfois, ce sont même les techniciennes qui me suggèrent des lectures! C’est une aide énorme dans mon travail, car le service est entièrement adapté à mes besoins et la veille se fait presque toute seule! »
Enfin, les intervenants peuvent aussi faire part de leurs demandes d’achat de livres : si des titres reviennent suffisamment souvent ou que leur pertinence est démontrée, ils seront éventuellement acquis par la bibliothèque.
« Tous les jours, les gens de la bibliothèque m’aident dans mes recherches. Pour avoir travaillé ailleurs, je peux affirmer qu’une bibliothèque aussi aidante, c’est une force que nous avons au CHU! »
La veille des publications et les formations sur mesure selon Élizabeth-Anne Hébert, nutritionniste et coordonnatrice
Parmi les nombreux services offerts par l’équipe de la bibliothèque, on trouve notamment la veille des publications et les formations sur mesure.
Avec la quantité astronomique de publications qui sont diffusées chaque mois, voire chaque semaine ou chaque jour, il devient vite impossible d’effectuer une veille efficace des sources pertinentes pour son travail, ses recherches ou ses études. De plus, l’accès aux publications scientifiques n’est habituellement pas possible sans des abonnements qui coûtent excessivement cher. Heureusement, il est possible d’avoir accès à presque tout et de programmer une veille automatique avec une bibliothécaire du CHU. « En nutrition clinique, à l’Hôpital du Saint-Sacrement, nous avons sélectionné avec le personnel de la bibliothèque une dizaine de magazines. Chaque mois, elle nous fait parvenir par courriel la table des matières de ceux-ci. Chacune des nutritionnistes signale à la technicienne les articles qui l’intéressent, puis elle nous les fait parvenir dans un délai très court. Et chaque année, nous mettons la liste des publications sélectionnées à jour. C’est un service extraordinaire qui nous fait gagner en temps et en efficacité », précise Élizabeth-Anne Hébert, nutritionniste et coordonnatrice à l’Hôpital du Saint-Sacrement.
Chaque année, des finissantes du bac en nutrition clinique de l’Université Laval réalisent un stage de 15 semaines en milieu hospitalier1. Ainsi, au début des sessions d’automne et d’hiver, Zorica Djordjevic, bibliothécaire au CHU, offre à ces stagiaires une formation. « Elle leur enseigne comment chercher dans les ressources électroniques, à trouver des revues scientifiques reconnues sur le Web ainsi que des données probantes en nutrition clinique. Lorsque les stagiaires reviennent de cette formation, elles sont toujours bien emballées et, même si ce sont généralement des personnes très à l’aise en informatique, elles disent toujours qu’elles ont appris plein de choses. »
Note : la structure des stages a été modifiée. De plus, la formation est toujours offerte à ceux qui en font la demande, mais il n’est pas certain qu’elle le sera sous la même forme en 2020-2021.
L’accès aux publications scientifiques, la visibilité et la collaboration offertes selon Geneviève Asselin, APPR, et le Dr Marc Rhainds, cogestionnaire médical scientifique, UETMIS
Pour l’équipe de l’Unité d’évaluation des technologies et modes d’intervention en santé (UETMIS), la bibliothèque ne fait pas qu’offrir des services : c’est un partenaire essentiel!
Bien sûr, la bibliothèque permet à l’équipe de l’UETMIS d’accéder à des centaines de bases de données et de publications scientifiques, que ce soit directement ou par le service de prêt entre bibliothèques. Mais ce n’est là qu’un début : rapidement, les deux équipes ont développé une relation de collaboration qui profite à tous.
« Dans le passé, nous avons eu avec les gens de la bibliothèque des ententes de partenariat pour nous soutenir dans la recherche documentaire avancée. Ils nous ont aussi récemment offert une formation sur l’utilisation de nouvelles bases de données afin de nous permettre d’optimiser nos recherches documentaires. Pour nous, c’est très important, car il est facile de se noyer dans toutes sortes d’informations plus ou moins utiles et de passer à côté de ce qui est vraiment pertinent », explique Geneviève Asselin, agente de planification, de programmation et de recherche – coordonnatrice à l’UETMIS.
De plus, les rapports de l’UETMIS publiés depuis 2019 sont maintenant répertoriés sur le portail de la bibliothèque, ce qui leur donne plus de visibilité et facilite la recherche pour les intervenants. « Sur le portail de la bibliothèque, peu importe si la recherche est faite par mots-clés, par nom d’auteur ou par date, les publications de l’UETMIS vont automatiquement sortir dans les résultats de recherche, explique le Dr Marc Rhainds, cogestionnaire médical scientifique à l’UETMIS. Par exemple, si quelqu’un fait une recherche sur la résonance magnétique pour le cancer de la prostate, il va trouver, à travers les autres livres ou références répertoriés sur le portail de la bibliothèque, le rapport de l’UETMIS sur le sujet. » Parmi les projets conjoints de l’UETMIS et de la bibliothèque, un recensement des publications de l’UETMIS antérieures à 2019 est prévu à court terme.
« Le service est très convivial et rapide. Les membres de l’équipe de la bibliothèque sont des experts dans leur domaine et c’est une réelle valeur ajoutée pour le CHU : ils contribuent au développement des connaissances », de conclure le Dr Rhainds.
Première rangée (assis), de gauche à droite : Geneviève Asselin, Martin Bussières et Brigitte Larocque, agents de planification, de programmation et de recherche (APPR). Deuxième rangée (debout) : Sylvain L’Espérance,(APPR, Marianne Talbot, physiothérapeute et chargée de projet en transfert des connaissances, Dr Marc Rhainds, cogestionnaire médical et scientifique des activités d’ETMIS, Renée Drolet, APPR, Dre Alice Nourissat, médecin-conseil en ETMIS.
Isabelle Jacques, adjointe au directeur, Direction de la qualité, de l’évaluation, de l’éthique et des affaires institutionnelles (DQEEAI).
Les pages thématiques selon la Dre Sarah Maheux-Lacroix, gynécologue et chercheuse
Tout trouver en un seul endroit, voilà l’idée derrière les pages thématiques
On a beau bien connaître une plateforme et maîtriser les techniques de recherche, il reste que lorsque les sources foisonnent, on s’y perd rapidement. Considérant les immenses besoins documentaires générés par les missions de soins, d’enseignement, de recherche et d’évaluation du CHU, l’équipe de la bibliothèque a eu l’idée de créer des pages thématiques afin de simplifier l’accès aux ressources. « Au lieu d’avoir à toujours refaire une recherche pour trouver les revues scientifiques que l’on consulte souvent, il y a sur la page thématique des hyperliens qui y mènent directement. Il y a aussi des hyperliens, vers des bases de données, vers les moteurs de recherche comme PubMed, vers les associations, etc. et il y a aussi des suggestions de lecture », mentionne la Dre Sarah Maheux-Lacroix, gynécologue et chercheuse.
Les pages thématiques correspondent parfaitement aux besoins de leurs utilisateurs, puisque celles-ci sont alimentées par les intervenants des domaines ciblés : « La bibliothécaire, Mme Djordjevic, m’a demandé de lui spécifier nos besoins en gynécologie-obstétrique, alors je lui ai envoyé une liste des principaux journaux, magazines et livres qui nous intéressent. C’est à partir de cette liste qu’elle a construit la page thématique, qui contient plein de ressources intéressantes, dont les journaux en gynéco-obstétrique qui ont les plus grands facteurs d’impact. Ça permet entre autres d’aller voir rapidement les nouveaux articles sans devoir faire chaque mois la tournée de plein de sites. En tout temps, nous pouvons modifier et bonifier notre page thématique et il n’y a pas vraiment de limite à la quantité de ressources que nous pouvons y intégrer. Cette page nous épargne vraiment beaucoup de clics! »
Des pages thématiques peuvent aussi être créées pour accompagner des événements, par exemple la semaine de l’éthique médicale ou le mois de la pédagogie en santé, ou encore pour permettre de mieux suivre l’actualité avec des sujets comme la COVID-19.