Recherche clinique en neurologie
Soins, enseignement et recherche : des neurones bien connectés
Les neurologues Louis Verret et Robert Jr Laforce travaillent de concert afin de faire progresser les soins, l’enseignement ainsi que la recherche sur l’Alzheimer et les maladies apparentées.
Les deux médecins œuvrent à la Clinique interdisciplinaire de mémoire (CIME), située à l’Hôpital de l’Enfant-Jésus (HEJ), qui regroupe plusieurs médecins spécialistes, dont un autre neurologue, des psychiatres et des gériatres, des orthophonistes, des neuropsychologues, des infirmières cliniciennes et des étudiants gradués.
Les Drs Verret et Laforce y soignent des patients, supervisent des résidents, des fellows ainsi que des étudiants de tous les cycles. Ils y mènent également des projets de recherche clinique et fondamentale, chacun selon leur domaine d’intérêt, tout en partageant des locaux, du personnel et des ressources financières. Dans ce modèle intégratif à plus d’un égard, les collaborateurs et autres membres de l’équipe sont de précieux alliés (voir l’encadré ci-dessous).
L’une des particularités (et des fiertés!) de la CIME, c’est qu’elle accueille des médecins de l’extérieur qui viennent s’y surspécialiser (programme de fellowship) et qui, en plus de contribuer aux soins des patients, collaborent plus spécifiquement aux projets de recherche.
Du côté de la recherche, les projets se divisent en deux grands volets : les essais pharmaceutiques et les recherches en neurosciences cognitives. Et bon an mal an, ce sont une bonne vingtaine d’articles qui sont publiés par l’équipe de la CIME dans plusieurs revues prestigieuses, notamment The Lancet, Neurology, Brain, Annals of Neurology, Archives of Neurology ou encore le Canadian Medical Association Journal.
Les essais pharmaceutiques – Dr Louis Verret
Le Dr Louis Verret se concentre sur les collaborations avec des compagnies pharmaceutiques pour des études cliniques de phase 2 et 3 sur de nouveaux traitements contre la maladie d’Alzheimer. Au cours des dernières années, son équipe a participé à une bonne quinzaine d’essais cliniques internationaux, dont un qui a mené à une demande d’approbation à la Food and Drug Administration pour la commercialisation du médicament testé. Ce dernier, un vaccin conçu la compagnie Biogen, semble en effet prometteur pour ralentir l’Alzheimer chez les patients en début de maladie : « Le vaccin supprime les plaques amyloïdes, les protéines anormales qui s’accumulent dans le cerveau et qui sont l’une des causes de la maladie. Ce médicament pourrait aider à ralentir le déclin des patients et les garder actifs plus longtemps. » Pour cette étude, une dizaine de patients de la CIME ont été recrutés, puis suivis pendant deux ans.
Les mécanismes de la maladie étant nombreux, l’équipe prévoit participer prochainement à de nouveaux essais cliniques sur d’autres stratégies visant à ralentir la maladie d’Alzheimer. « La maladie commence souvent une quinzaine d’années avant l’apparition des symptômes, et actuellement, lorsque nous intervenons en clinique, le processus est déjà bien enclenché. En ce moment, nous disposons seulement de médicaments qui réduisent les symptômes, mais aucun qui permette de ralentir la progression de la maladie. Nos prochains essais se pencheront sur des traitements modificateurs de la maladie, plus connus sous leur appellation anglaise DMT : Disease Modifying Treatments. Ce type de traitement est à l’étude depuis plus de quinze ans, et on commence enfin à obtenir des résultats encourageants », précise le Dr Verret.
Parmi ces essais, l’un portera sur l’utilisation de médicaments contre le diabète pour ralentir la maladie : « Parmi les différents mécanismes en cause dans l’Alzheimer, il y a des cellules nerveuses qui sont attaquées et qui ne parviennent plus à bien utiliser le glucose comme source d’énergie. C’est un peu comme si ces neurones étaient diabétiques, alors nous voulons valider si ces médicaments pourraient les aider à continuer à utiliser l’énergie et donc à ralentir leur déclin et leur mort. » Un autre essai testera des médicaments qui freineraient la dégénérescence des neurones en visant les récepteurs inflammatoires du cerveau.
Le Dr Verret a aussi collaboré à deux grandes études épidémiologiques avec le Consortium pour l’identification précoce de la maladie d’Alzheimer (CIMA-Q) et le Consortium canadien en neurodégénérescence associée au vieillissement (CCNV). Ces études ont servi à bâtir d’importantes banques de données qui sont utiles pour mieux comprendre l’installation et l’évolution de la maladie.
Enfin, le Dr Verret suit également des patients atteints d’hydrocéphalie à pression normale (HPN), une maladie causée par une accumulation de liquide céphalo-rachidien provoquant des troubles cognitifs. En collaboration avec les neuropsychologues Sophie Chantal et Carol Hudon, l’étudiante au doctorat en neuropsychologie Florence Belzile-Marsolais et la professionnelle de recherche et étudiante au doctorat en psychologie Adéline Nolin, une étude rétrospective sur les interventions qui sont faites auprès des patients atteints est en cours.
La recherche en neurosciences cognitives – Dr Robert Jr Laforce
Outre la maladie d’Alzheimer dans sa variante classique amnésique, ce sont les syndromes dégénératifs atypiques comme les aphasies primaires progressives, les démences frontotemporales et leurs formes génétiques qui intéressent le Dr Laforce. De manière plus spécifique, les recherches du Dr Laforce visent à améliorer la détection de ces maladies, puisqu’il peut s’écouler jusqu’à cinq ans entre l’apparition des premiers symptômes et le diagnostic, ce qui implique de nombreuses conséquences à la fois pour le patient, pour ses proches et pour le système de santé.
Dans ce domaine, les Drs Laforce et Béatrice Tousignant, neuropsychologue spécialisée en cognition sociale, supervisent le projet de doctorat d’Elizabeth Poulin, lequel vise à développer une série de tâches cognitives qui différencient la variante comportementale de la maladie d’Alzheimer de la variante comportementale de la démence frontotemporale.
Afin d’améliorer le dépistage et la prise en charge plus précoce, le Dr Laforce et ses collègues ont développé le DCQ (Dépistage cognitif de Québec), un test cognitif offert en ligne gratuitement : « Ce test comble les lacunes des autres outils de dépistage couramment utilisés parce qu’il permet de dépister les formes atypiques de démences en y ajoutant des aspects cognitifs ainsi qu’une échelle comportementale. Le DCQ touche aux volets mémoire, visuospatial et exécutifs, de même qu’au langage et au comportement, ce qui permet au médecin de première ligne de mieux dépister certains points », détaille le Dr Laforce. Ce dernier a également contribué au développement du QuoCo : à la manière des courbes de croissance utilisées pour les enfants, ces courbes permettent de déterminer si la trajectoire cognitive d’une personne, dans le temps, est associée au vieillissement normal ou au vieillissement pathologique.
Dans le domaine des grandes études internationales, le Dr Laforce fait partie des investigateurs principaux de plusieurs d’entre elles, dont la Genetic Frontotemporal Dementia Initiative (GENFI), qui s’intéresse aux formes génétiques de démence frontotemporale. Il est aussi l’un des investigateurs de l’étude Dominantly Inherited Alzheimer Network (DIAN) qui se penche sur les cas d’Alzheimer génétique. Plus récemment, il s’est impliqué dans l’étude FOXY sur l’Intranasal Oxytocin for Frontotemporal Dementia , qui évalue les effets d’un médicament intranasal sur le comportement d’apathie et de baisse d’empathie chez les personnes atteintes de démence frontotemporale. Dans ces trois grandes études internationales, le Dr Laforce s’est entouré de coordonnatrices et d’infirmières de recherche chevronnées, incluant Mmes Elizabeth Poulin (coordonnatrice de l’étude GENFI), Anne Sophie Grenier (coordonnatrice de l’étude FOXY) et Mélanie Harvey (coordonnatrice de l’étude DIAN).
Cependant, le projet le plus important du Dr Laforce est sans contredit la Chaire de recherche sur les aphasies primaires progressives – Fondation de la famille Lemaire dont il est titulaire et pour lequel il est assisté d’une coordonnatrice et orthophoniste exceptionnelle, la Dre Monica Lavoie. La mission de cette chaire est d’améliorer le diagnostic et la prise en charge des démences atypiques, qui se caractérisent par des troubles langagiers, visuospatiaux, exécutifs ou comportementaux, et des aphasies primaires progressives (APP), qui causent principalement des troubles du langage et de la parole. Toujours dans l’objectif de favoriser un diagnostic plus précoce de ces maladies, la Chaire mène diverses actions de sensibilisation et d’éducation auprès des médecins de première ligne et de la population en général, notammentla Plateforme APP qui présente une multitude de ressources et des vidéos témoignages de patients et aidants atteints d’APP, de même que le Réseau APP sur Facebook pour les familles touchées par la maladie.
La Chaire APP génère aussi de multiples projets de recherche, comme celui sur l’histoire naturelle des aphasies primaires progressives. Unique en son genre, cette étude rétrospective menée notamment par la Dre Maud Tastevin, psychiatre et fellow, et la Dre Monica Lavoie, coordonnatrice de la Chaire et orthophoniste, retrace l’histoire d’environ 80 patients depuis leur première consultation à la CIME jusqu’à leur décès. « Cette étude documente l’évolution des différentes formes de la maladie, mais éventuellement, elle pourra aussi servir à mieux répondre aux questions des proches sur les principaux changements auxquels ils doivent se préparer. »
D’autres recherches menées par le Dr Laforce se concentrent sur l’imagerie moléculaire dans le diagnostic différentiel ou encore sur de nouveaux biomarqueurs des démences atypiques, comme les neurofilaments dans le liquide céphalorachidien, qui permettraient une détection plus précoce de ces maladies.
Multiplier les collaborations
Les maladies auxquelles les Drs Verret et Laforce s’intéressent ont des causes multiples; différentes approches sont donc nécessaires afin de trouver des traitements efficaces. Comme l’explique le Dr Verret, « il y a plusieurs chemins qui mènent à la mort des neurones, et probablement que la solution sera d’agir sur plusieurs fronts. »
C’est pourquoi l’équipe de la CIME est toujours ouverte à multiplier les collaborations, à mettre à profit les compétences de son personnel ainsi que son bassin de patients afin de développer de nouvelles études et, si l’occasion se présente, d’intégrer davantage la recherche fondamentale à ses projets.
De précieux alliés
Les membres de l’équipe de la Clinique Interdisciplinaire de Mémoire (CIME), qui participent tous à divers degrés aux soins, à la formation des étudiants et aux recherches :
Adéline Nolin, professionnelle de recherche et étudiante au doctorat
Anne Sophie Grenier, coordonnatrice de l’étude FOXY et étudiante au doctorat
Audrey Pouliot, agente administrative
David Bergeron, étudiant au doctorat avec le Dr Laforce
Elizabeth Poulin, coordonnatrice de l’étude GENFI et étudiante au doctorat en neuropsychologie avec les Drs Laforce et Béatrice Tousignant
Léonie Jean, neuropsychologue clinique
Marianne Lévesque, étudiante à la maîtrise en psychologie avec le Dr Laforce
Marie-Claire Doré, neuropsychologue dans l’étude GENFI
Marie-Pierre Fortin, gériatre
Marie-Pierre Légaré-Baribeau, coordonnatrice aux affaires administratives
Maud Tastevin, psychiatre et fellow à la CIME
Mélanie Harvey, infirmière et coordonnatrice de recherche
Monica Lavoie, orthophoniste et coordonnatrice de la Chaire de recherche sur les aphasies primaires progressives – Fondation de la Famille Lemaire
Nancy Cyr, infirmière clinicienne
Nancy Parent, infirmière et coordonnatrice de recherche
Natasha Lajeunesse, agente administrative
Pierre Molin, gériatre
Sophie Chantal, neuropsychologue clinique
Stéphane Poulin, neuropsychiatre
Stéphanie Caron, gériatre
Synthia Meilleur-Durand, étudiante à la maîtrise en neurosciences avec le Dr Laforce
Yannick Nadeau, neurologue