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Crédit image : France Trudeau, Adam et Ève, 2006, acrylique sur toile, Collection Vincent et moi



Par Maryia Halaburda, intervenante en soins spirituels, – 1er décembre 2023
Maisonneuve-Rosemont, intervenante de soutien, Maison Thérèse-Casgrain 
 
Comme un arbre est un des ateliers spirituels en groupe conçus par les intervenants du Centre Spiritualitésanté de la Capitale-Nationale. C’était ma collègue Nada qui m’en a pris connaissance il y a quelques années en voyant mes expérimentations avec les images en accompagnement spirituel.

Chaque intervenant cherche et explore ses approches particulières qui lui permettent de créer les liens avec les personnes accompagnées. Je me suis trouvée dans les allégories des images. Maintenant, chaque image du jeu de société Dixit que j’ai adaptée à l’accompagnement est remplie des souvenirs précieux de mes rencontres avec les patientes.
 
Souvent, la personne s’ouvre au monde allégorique des images et son imagination l’aide à trouver ou à retrouver son sens unique. L’image devient un espace de rencontre entre moi et la personne, entre la personne et une partie de soi (vie, sens, transcendance, relations, identité, passé, mort). Dans un moment de la contemplation la plus profonde quand la personne trouve son image, j’ai l’impression qu’elle s’adresse plutôt à soi-même qu’à moi. J’essaie d’y être très discrète afin d’offrir à la personne cet espace de rencontre avec soi. Je me sens privilégiée d’être présente à cette révélation de la personne. J’accueille son image et son récit. C’est un des moments où je sens le souffle de l’esprit et la présence de quelque chose de plus grand que soi qui nous unit.
 
Les images sont devenues pour moi autant un moyen d’exprimer l’empathie que la compassion. Les patients confinés dans les chambres sombres des unités COVID me parlaient comment ils se sentaient arrachés à chez eux. Je dessinais pour eux et avec eux des dessins simples ou j’apportais les images pour faire visible ce qui a de la valeur pour eux. Pour une patiente qui était très affaiblie par la maladie et une longue hospitalisation, on a fait un dessin que j’ai nommé les fenêtres. Nous parlions des couleurs de ses souffrances et j’ai coloré pour elle une feuille qui les exprimait. Ensuite, j’ai rempli la deuxième feuille par les noms de ses enfants et de ses petits-enfants qu’elle me dictait. Elle y a ajouté le nom de Jésus consolant. Quand on a assemblé les deux feuilles, son amour, sa foi et son être perçaient à travers la souffrance. C’était une manière d’affirmer que ses valeurs n’ont pas disparu et qu’elles ne sont pas éphémères face à la maladie et la souffrance.
 
Après avoir fait ce détour où je partage un peu mes explorations, je reprends le sujet initial afin de parler de l’accompagnement inspiré par l’atelier Comme un arbre. L’atelier invite la personne à s’associer à un arbre afin de prendre conscience de ses ressources, de sa résilience et afin d’accueillir comme l’arbre l’accueille les dons de vie et de nature. Son approche contemplative et associative s’accorde bien avec mes explorations visuelles et art-thérapeutiques. En outre, les arbres ont joué un rôle très important dans mon parcours d’adaptation quand je suis venue au Québec. Je marchais dans les rues de Montréal inconnu et les arbres étaient mes repères et mes racines qui unissaient mon pays natal avec le pays d’accueil. Je reconnaissais avec la joie leurs silhouettes, leurs feuilles et leurs odeurs. Ainsi, je sens mes propres liens avec les arbres.
 
Avec mon collègue Antoine, nous avons guidé quelques ateliers pour les patients qu’ils appréciaient. Tout en restant fidèle aux idées de l’atelier, je l’ai adopté pour l’intervention brève dans le contexte hospitalier. J’invite la personne à choisir son arbre entre les images que je lui propose. Ce moment est déjà très fascinant et plein de surprises. L’interprétation multiple est une force créative qu’il faut prendre en considération avec la délicatesse et la prudence. Dans le dialogue exploratoire, j’accompagne la personne dans sa relecture de vie inspirée par la contemplation de l’arbre. Je fais confiance à moi, à la personne et à l’émergence. Parfois, je donne des indices en attirant l’attention de la personne aux différents éléments de l’image (les branches solides ou cassées, les couleurs, les feuilles tombées ou vertes). Après la première invitation, la personne trouve et partage ses propres associations. Les couleurs d’automne deviennent les couleurs d’amour pour la vie et pour ses êtres chers, les branches sèches s’associent aux deuils ou aux épreuves de la vie, mais aussi à la persévérance. Ce qui est fascinant c’est de voir chaque image comme pour la première fois avec chaque personne parce que les associations sont toujours uniques.
 
Cette façon indirecte et plus douce de parler de l’essentiel éveille souvent moins de résistances chez les patients. Je me souviens d’une phrase qu’une patiente a écrite sur le dessin de son arbre de vie : Ma vie commence aujourd’hui.


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3 décembre 2023

J'ai bien apprécié la démarche associée à un arbre. depuis l'âge de 28-30 ans, je dessinais un arbre durant les cours. Suite à votre expérience, je comprends le sens de ces dessins.Je construisais (solidement) mon intérieur. Merci d'avoir ouvert cette porte.

Par Michelle Bédard

Dernière révision du contenu : le 2 août 2024

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