Un établissement hospitalier comme le CHU de Québec-Université Laval (CHU), c’est l’équivalent d’une ville1 où s’activent des femmes et des hommes dont le travail est important, mais parfois méconnu. La chronique Un secret bien gardé vous invite à découvrir leur histoire et leurs talents.
Dans cette édition : Kristina Degy et Frederic Verweirde, orthoptistes.
Au CHU, plusieurs professionnels se spécialisent dans la santé des yeux et de la vision. Parmi ceux-ci, on trouve quatre orthoptistes qui sont œuvrent à l’Hôpital Saint-Sacrement (HSS), à l’Hôpital de l’Enfant-Jésus (HEJ) et au CHUL. Si vous êtes comme moi (avant de réaliser cet article!), cette profession vous est probablement inconnue. Toutefois, les orthoptistes du CHU sont bien présents! En effet, Frederic Verweirde, Kristina Degy, Sandrine Corlouer et Astrid Germain font valoir leur expertise jour après jour dans les murs du grand CHU. Pour en apprendre davantage sur cette profession méconnue, j’ai rencontré Frederic et Kristina… qui m’ont aidée à y voir plus clair!
Par Corine Lachance, l’une des Chuchoteuses
Qu’est-ce qui distingue l’orthoptiste de l’optométriste et ces derniers de l’ophtalmologiste? Les trois possèdent une expertise qui leur est propre. L’optométriste et l’ophtalmologiste sont plus répandus au Québec : alors que le premier réfère les patients à l’ophtalmologiste en plus de prescrire des lunettes, le deuxième est le médecin qui opère les yeux, lorsque nécessaire. Pour sa part, l’orthoptiste est un professionnel dédié au dépistage et à la rééducation des troubles de la vision binoculaire, ce qui fait référence aux troubles affectant le travail des deux yeux ensemble. Au CHU, Kristina Degy travaille avec la patientèle pédiatrique du CHUL. La patientèle adulte est prise en charge par Frederic Verweirde, qui partage son temps entre HEJ et HSS. Il leur appartient d’appliquer le meilleur traitement pour différents troubles comme le strabisme, la diplopie, l’amblyopie et les problèmes de focus, entre autres. Les orthoptistes sont également appelés à réaliser certains examens complémentaires en ophtalmologie : ils travaillent donc en étroite collaboration avec les ophtalmologistes du CHU pour permettre des traitements et des suivis optimaux.
Les orthoptistes du CHU : qui sont-ils et que font-ils?
Frederic Verweirde a terminé sa formation d’orthoptiste en France et a travaillé sept ans en Belgique avant de venir s’installer au Québec et de commencer à travailler au CHU en 2009. Ce dernier réalise des examens et des traitements variés dans sa pratique quotidienne auprès de la patientèle adulte : « À l’HEJ, je traite surtout des problèmes de neurologie, comme ceux qui ont une vision double à la suite d’un AVC. Je fais aussi des examens complémentaires, donc des photos fond d’œil, des cohérences optiques ou des champs visuels, surtout des champs visuels Goldmann. » Les champs visuels Goldmann sont des examens qui permettent d’évaluer le champ de vision périphérique ainsi que le champ de vision central. Ils sont utiles pour voir les limites du champ de vision, un œil à la fois, afin de discriminer certaines pathologies, m’explique-t-il.
Pour sa part, Kristina travaille avec la patientèle pédiatrique. Bien souvent, ce sont des cas d’amblyopie qu’elle doit traiter. Le strabisme est également fréquent. Parfois, une chirurgie de strabisme s’avère nécessaire : « On va voir le patient avant la chirurgie et refaire quelques mesures pour voir si l’ophtalmologiste a besoin d’adapter le plan opératoire qui avait été prévu. On revoit ensuite les patients après la chirurgie. C’est une chirurgie qui est courte, environ une heure trente, anesthésie générale comprise », m’explique Kristina.
L’écoute et l’empathie sont des éléments au cœur de la pratique des orthoptistes. C’est en étant constamment à l’écoute des besoins et des ressentis du patient qu’ils peuvent changer les choses. « La patience aussi, c’est quelque chose de très important. Surtout en pédiatrie, avec des enfants! (rires) », ajoute Kristina. Selon Frederic, un bon esprit de logique est également une qualité à posséder dans la profession : c’est ce qui lui permet de prendre en compte les indices et de découvrir ce qui se passe chez le patient. Réaliser le processus du début à la fin et assister à la résolution du trouble chez le patient, c’est d’ailleurs ce qu’il préfère : « un patient qui vient me voir avec un problème de vision double et qui ne voit plus double en sortant de mon bureau, c’est ça ma satisfaction. » C’est un sentiment partagé par Kristina, qui trouve toujours très touchant de voir certaines personnes retrouver confiance en elles après une chirurgie de strabisme, par exemple.
Une expertise rare
Un orthoptiste, ça ne se trouve pas à tous les coins de rue au Québec! Cela s’explique en partie par le fait que la formation requise n’est pas offerte dans la province. Pour devenir orthoptiste tout en étudiant au Canada, trois options sont possibles : Vancouver, Halifax ou Saskatoon. Les quatre orthoptistes du CHU, pour leur part, ont fait leur cours en Europe avant de venir pratiquer ici. Cette absence de formation ainsi que le très faible nombre de professionnels dans la province contribuent également à la méconnaissance du métier : « nous sommes souvent cantonnés à l’évaluation d’un strabisme, mais notre profession ne s’arrête pas à ça! Nous pouvons réaliser tous les examens complémentaires en ophtalmologie, et ce sont des compétences pour lesquelles il y a un besoin », indique Frederic.
Malgré le fait qu’ils soient peu nombreux à pratiquer cette profession, une chose est sûre : le travail de Frederic, Kristina, Sandrine et Astrid est grandement apprécié. Merci à ces quatre orthoptistes passionnés de mettre leur expertise au profit des patients du CHU!
Kristina Degy, orthoptiste au CHUL.
Photo en haut de page : Frederic Verweirde, orthoptiste à l’Hôpital du Saint-Sacrement et à l’Hôpital de l’Enfant-Jésus.
Strabismes, diplopies, amblyo-quoi? Un petit lexique pour s’y retrouver!
- Strabisme : on parle de strabisme lorsque les yeux sont désaxés ou, plus simplement dit, lorsque les yeux sont « croches »! Le strabisme peut être dirigé vers l’intérieur (ésotropie) ou vers l’extérieur (exotropie).
- Amblyopie : il y a amblyopie lorsque l’un des deux yeux a une vision plus basse que l’autre, même avec une correction (œil paresseux). Ce trouble se présente très souvent en association avec le strabisme. Il se traite facilement lorsque l’enfant est en bas âge, soit avant neuf ou dix ans.
- Diplopie : la diplopie est un problème de vision double. Celui-ci survient fréquemment à la suite d’un problème neurologique, tel un AVC ou un traumatisme.
- Cohérence optique : technique d’imagerie médicale permettant d’obtenir des images détaillées de l'intérieur de la rétine.
- Champ visuel : test qui détermine l’étendue de la vision centrale (droit devant) et de la vision périphérique (au-dessus, en dessous et des deux côtés du centre de vision).
1. 92,9 % des villes du Québec comptent moins d’habitants que le nombre d’employés (14 000) du CHU. Source : https://www.mamh.gouv.qc.ca/organisation-municipale/decret-de-population/