Radio-oncologue et chercheur de l’axe Oncologie au Centre de recherche du CHU de Québec-Université Laval (CRCHU), le Dr Éric Vigneault est un spécialiste de la curiethérapie1 et du cancer de la prostate. Ses multiples travaux visent notamment à améliorer la précision des traitements afin d’en augmenter l’efficacité tout en diminuant leur toxicité.
Partant de l’idée que l’identification de sous-groupes de patients à plus haut risque de récidive ou de toxicité permettrait au clinicien un meilleur pronostic et un choix de traitement plus efficace, le Dr Éric Vigneault mène divers travaux de recherche clinique, dont une étude pancanadienne menée grâce à une subvention reçue des Instituts de recherche en santé du Canada (IRSC). Cette étude se penche sur les calcifications qui peuvent se former dans la prostate et à leurs effets sur les traitements : « Les dépôts de calcium intraprostatiques peuvent bloquer les radiations ou modifier la distribution des doses faiblement radioactives, explique le Dr Vigneault. Ainsi, il est probable qu’en présence de calcifications dans les tissus, la distribution de dose n’est pas idéale, et donc la réponse au traitement moins bonne avec l’iode 125, un élément normalement utilisé, mais qui est faiblement radioactif. »
Parmi ses autres études en cours, le Dr Vigneault collabore avec le Dr André-Guy Martin, également chercheur de l’axe Oncologie au CRCHU, pour comparer la curiethérapie administrée à l’aide de sources radioactives insérées dans la prostate, qui est très efficace pour traiter les cancers peu avancés, à la radiothérapie stéréotaxique, une forme de radiothérapie très précise. À la base, la procédure est moins invasive, mais est-ce que son efficacité est aussi grande et est-ce que sa toxicité est équivalente?
L’étude clinique pancanadienne de phase 22 CCTG PR-19, menée avec le Groupe canadien des essais sur le cancer (Canadian Cancer Trial Group – CCTG), compare les effets secondaires de la curiethérapie à l’iode 125 à celle de la curiethérapie non permanente. Avec le traitement à l’iode 125, les sources radioactives insérées demeurent en place; leur radiation est de faible intensité, mais elle s’étire sur six mois, ce qui provoque aussi des effets secondaires (urinaires principalement) qui peuvent durer plus longtemps. Cependant, avec la curiethérapie non permanente, les sources radioactives sont insérées à l’aide d’aiguilles, puis sont retirées. Ainsi, les sources radioactives ne restent pas dans le corps du patient. « Nous étudions la possibilité de raccourcir la durée et l’intensité des toxicités, avec une efficacité équivalente, en remplaçant les sources radioactives laissées en place pendant six mois par deux traitements plus intenses. »
Le Dr Éric Vigneault, radio-oncologue et chercheur.
En parallèle, des échantillons sanguins de plasma des patients qui reçoivent des traitements de curiethérapie, qu’elle soit permanente à l’iode 125 ou non permanente, sont recueillis et congelés. Ces échantillons sont entre autres utilisés pour la recherche de biomarqueurs qui aideraient à prédire la toxicité ou le risque de récidive dans l’ADN circulant (l’ADN qui circule dans le sang peut contenir des traces tumorales) et les céramides circulants (lipides libérés lorsque les cellules sont irradiées) ou encore en étudiant les polymorphismes de certains gènes impliqués dans la réparation de l’ADN. « Nous cherchons à faire le lien entre ces différents biomarqueurs potentiels afin d’arriver à une médecine plus personnalisée, puisqu’ils peuvent nous renseigner sur la nature des mutations présentes et donc orienter le choix du traitement. Nous aimerions également pouvoir mieux prédire quels patients risquent d’avoir des complications après des traitements de curiethérapie afin de mieux ajuster ceux-ci, précise le Dr Vigneault. Lors d’une étude préliminaire avec les patients traités à l’iode 125 avec des implants permanents, nous avons trouvé deux gènes potentiels qui étaient associés à une augmentation de toxicité ou de récidive. En ce moment, nous menons une étude de validation avec plus de patients, et également une autre étude de validation pour les patients avec des implants non permanents. »
Le Dr Vigneault collabore également avec le Dr François Paris, de l’Université de Nantes. Ce spécialiste des sphingolipides, des lipides complexes, a déjà démontré que ces derniers sont multipliés lors des radiations intenses, par exemple lors de traitements de curiethérapie non permanente à haut débit de dose. Dans l’étude, la quantité de sphingolipides est mesurée dans le plasma des patients avant, pendant et après les traitements pour vérifier si leur concentration est associée à des toxicités plus grandes ou à de moins bonnes réponses thérapeutiques.
De plus, avec le Dr William Foster, un autre chercheur de l’axe Oncologie au CRCHU, ils évaluent le rôle de la curiethérapie non permanente pour traiter les patients qui ont des récidives locales après des traitements de radiothérapie ou de curiethérapie. « Nous analysons les profils de toxicité et d’efficacité d’un traitement de rattrapage. Avant, en cas de récidive, les patients qui avaient déjà reçu des traitements de radiothérapie ou de curiethérapie ne pouvaient plus en recevoir par la suite parce que les tissus étaient trop fragilisés. Mais dans cette étude, nous tentons un traitement focal guidé par imagerie sur la récidive pour essayer de donner une deuxième chance de contrôler la maladie. »
Enfin, depuis 2015, le Dr Éric Vigneault est titulaire de la chaire de recherche en curiethérapie guidée par imagerie qui a pour objectif d’améliorer la qualité des traitements en y intégrant davantage les avancées technologiques de l’imagerie, de l’informatique et de la dosimétrie.
À travers toutes ses recherches et ses essais cliniques, le Dr Vigneault vise d’abord à développer une médecine plus personnalisée, qui aiderait les cliniciens à mieux prendre en charge leurs patients, que ce soit par une meilleure prédiction des risques de récidive et de toxicité ou encore par le choix du traitement le plus approprié, tout en évitant les soins inutiles, inefficaces ou trop invasifs. Grâce à tous ces travaux, la prise en charge du cancer de la prostate ne pourra que s’améliorer, au bénéfice des patients.
Notes
- Curiethérapie : forme de radiothérapie qui utilise des sources radioactives implantées dans les tumeurs (ou près d’elles) pour traiter certains cancers. Le traitement est nommé en l’honneur de Pierre et Marie Curie qui ont découvert le radium à la fin du 19e siècle. En anglais, on parle « brachythérapie », mot formé à partir d’une racine grecque signifiant « près de ».
- Les différentes phases des essais cliniques
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Phase 1 : il s’agit habituellement de la première fois où le traitement est administré à des humains. On cherche à en vérifier l’innocuité et à en déterminer la dose optimale sur quelques sujets.
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Phase 2 : à cette étape, on teste essentiellement l’efficacité d’un traitement selon une dose déterminée. Les tests se font sur un plus grand nombre de participants.
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Phase 3 : la phase 3, se faisant à plus grande échelle, sert à comparer l’efficacité du nouveau traitement avec celle du traitement habituel.
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Phase 4 : la dernière phase des essais cliniques continue de recueillir des informations sur les effets du traitement à plus long terme.