Une technique chirurgicale contemporaine pour traiter l’épilepsie est maintenant offerte au CHU de Québec-Université Laval (CHU); elle rend l’intervention moins invasive, mieux tolérée et plus sécuritaire pour les patients.
Chez environ 30 % des patients qui présentent une épilepsie focale (associée à une zone précise du cerveau), les médicaments n’apportent pas les bénéfices escomptés (pharmacorésistance). Ainsi, lorsque l’épilepsie est pharmacorésistante, il est possible d’avoir recours à une chirurgie de résection pour retirer la zone cérébrale dans laquelle l’activité électrique est anormale (zone épileptogène). Cette intervention offre des taux de guérison (exemption de crises invalidantes) élevés pour les cas bien sélectionnés.
Cependant, chez certains patients, la zone épileptogène ne peut pas être précisément identifiée par les méthodes non invasives conventionnelles, et il faut alors procéder à une étude électroencéphalographique (EEG) intracrânienne.
Dans ces cas, l’intervention pratiquée auparavant consistait à retirer une partie de l’os du crâne (craniectomie) afin d’installer une grille d’électrodes permettant d’enregistrer l’activité cérébrale, puis à procéder à la chirurgie de résection pendant le même séjour hospitalier. Cette procédure, assez souffrante et incommodante pour le patient (nausées, vomissements, maux de tête…), comporte beaucoup plus de risques d’infection et de complications.
Heureusement, depuis quelques mois, une nouvelle option est offerte aux patients des Dres Laurence Martineau, épileptologue, et Paule Lessard Bonaventure, neurochirurgienne : elles ont toutes deux suivi une formation complémentaire (fellow) en chirurgie de l’épilepsie pour traiter aussi bien les adultes que les enfants.
Une technique moins invasive
Au cours de la nouvelle intervention appelée « stéréoélectroencéphalographie » (SEEG), des électrodes millimétriques sont insérées par des trous de moins de 3 mm pratiqués dans l’os du crâne. Ces électrodes permettent d’enregistrer l’activité électrique de la surface cérébrale, mais également des structures internes profondes (exemple : insula), ce qui n’était pas possible avec l’intervention auparavant pratiquée. Avec cette nouvelle intervention, les électrodes sont laissées en place pendant une à deux semaines, selon les cas, puis la chirurgie de résection est pratiquée de deux à trois mois plus tard, après une analyse minutieuse de l’activité électrique cérébrale enregistrée au cours des tracés.
« Non seulement cette procédure est beaucoup mieux tolérée par les patients, mais elle permet aussi aux cliniciens de mieux comprendre quelle zone cérébrale cause l’épilepsie grâce à un meilleur échantillonnage des structures en profondeur. Cette technique nous permet de faire des chirurgies plus précises », explique la Dre Laurence Martineau.
De plus, le nouveau processus se faisant en deux grandes étapes, il permet à l’équipe multidisciplinaire constituée des neurologues, de la neurochirurgienne, d’un médecin spécialisé en médecine nucléaire (Dr François-Alexandre Buteau), du neuropsychiatre (Dr Stéphane Poulin), des neuropsychologues (Dres Béatrice Tousignant et Geneviève Thibodeau), des psychologues (Priscilla Brochu et Isabelle Pelletier) et des infirmières et infirmiers (Alexandra Gauthier et Luc Ménard) en clinique d’épilepsie de mieux étudier chacun des cas.
Cette technique comporte un autre avantage de taille : elle permet d’offrir une avenue thérapeutique supplémentaire aux patients. En effet, il est possible d’utiliser les mêmes électrodes pour effectuer de la thermocoagulation des foyers épileptiques, c’est-à-dire de coaguler au moyen de l’énergie thermique certaines régions impliquées dans le réseau épileptogène pour en diminuer l’activité et ainsi réduire la fréquence des crises d’épilepsie en attendant la chirurgie définitive.
Enfin, cette technique permet aux patients de tout l’est du Québec de se faire opérer au CHU par une équipe qu’ils connaissent déjà, souvent depuis plusieurs années, et leur évite un déplacement à Montréal vers l’un des trois autres hôpitaux québécois où l’intervention est offerte actuellement (Montreal Children’s Hospital, Centre hospitalier de l’Université de Montréal (CHUM), Institut neurologique de Montréal).
Une avenue à développer
Bien que la nouvelle intervention soit maintenant offerte au CHU, l’équipe souhaite que plus de patients puissent en profiter. Les efforts se concentrent depuis plusieurs mois sur l’ouverture d’un deuxième lit de monitoring-EEG à l’Hôpital de l’Enfant-Jésus et au développement de l’offre pour la clientèle pédiatrique du Centre mère-enfant Soleil. « En ce moment, nous sommes limités, parce que nous avons seulement un lit qui est utilisé à la fois pour les patients qui ont subi l’intervention (SEEG) et pour ceux qui doivent avoir un monitoring-EEG de surface avant la SEEG. La liste d’attente est très longue et les délais sont de six mois à un an environ. Malheureusement, pour des patients qui peuvent faire des crises quotidiennement, ce délai est énorme et déplorable! », détaille la Dre Martineau.
Par ailleurs, l’équipe offre maintenant aux patients pédiatriques un nouveau traitement palliatif, la stimulation cérébrale profonde (Deep Brain Stimulation), qui aide à diminuer la fréquence et la sévérité des crises d’épilepsie chez les personnes pharmacorésistantes pour qui une chirurgie de résection n’est pas envisageable. La stimulation cérébrale profonde consiste à placer des électrodes permanentes dans certaines régions cérébrales profondes et de les alimenter électriquement par un générateur placé sous la peau. Le CHU offrait déjà cette option aux adultes depuis environ un an; l’équipe est d’ailleurs la première au Québec à avoir pratiqué la procédure.
De gauche à droite : Dr Steve Verreault, chef de service de neurologie, Sarah Judith Breton, chef d’unité des sciences neurologiques, Alexandra Gauthier, infirmière clinicienne en clinique d’épilepsie, Dre Laurence Martineau, épileptologue, Mélissa Daigle, technologue EPM, Amélie Laterreur, technologue EPM, Dre Paule Lessard Bonaventure, neurochirurgienne, Dr Jérome Paquet, chef de service de neurochirurgie.
La Dre Paule Lessard Bonaventure pratiquant la nouvelle intervention.
Les Dres Lessard Bonaventure et Martineau souhaitent souligner l’implication essentielle des technologues en électrophysiologie médicale et les remercier pour leur travail précieux en électroencéphalographie. Elles souhaitent également remercier les Drs Jérôme Paquet, chef de service en neurochirurgie, Steve Verreault, chef de service en neurologie, et Nicolas Chrestian, chef de service en neurologie pédiatrique, pour leur soutien indéfectible dans le développement de la chirurgie d’épilepsie au CHU.