Recherche clinique en uro-oncologie : mettre les données au service de la santé

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Le Dr Vincent Fradet mène des essais cliniques pour améliorer la prévention et le traitement des cancers urologiques tout en développant un outil informatique qui servira ces mêmes objectifs. Pour clore le mois de novembre, mois du cancer de la prostate, Le Chuchoteur vous propose une incursion dans son univers de recherche.

Urologue-oncologue, épidémiologiste et chercheur FRQS senior au CHU de Québec-Université Laval (CHU), le Dr Vincent Fradet concentre ses travaux sur les facteurs de risque, la prévention et le traitement du cancer de la prostate. En collaboration avec des spécialistes de divers horizons –nutritionnistes, biologistes moléculaires, biostatisticiens, infirmières… –, il dirige des essais cliniques et précliniques visant à étudier les effets de différentes interventions nutritionnelles sur les mécanismes moléculaires du développement du cancer de la prostate. 

L’une de ses études, BIOCaPPE, menée en collaboration avec plusieurs établissements de santé du Québec sur une cohorte de plus de 2 000 patients, a pour objectif principal de développer des biomarqueurs liés à la fois à l’incidence du cancer de la prostate et aux habitudes de vie. « Ce lien-là va nous donner des outils pour mieux évaluer le risque, mais aussi pour mieux intervenir sur les habitudes de vie. Le but, à long terme, est de concevoir une médecine personnalisée, basée sur les habitudes de vie des patients, afin de prévenir l’apparition, freiner  la progression et améliorer la réponse aux traitements contre les cancers de la prostate et de la vessie. »
 

Mettre la donnée en action

S’il est un domaine dans lequel l’accès aux données et la facilité à les utiliser sont primordiales, c’est bien dans le monde médical. Ces besoins n’étant pas comblés par les outils existants, le Dr Fradet s’est attelé au développement d’une solution informatique appelée CaptoMD1. Grâce à l’ajout d’une couche fonctionnelle au dossier clinique informatisé existant, cette plateforme permet une plus grande convivialité et une efficience accrue des processus de soins. CaptoMD recueille, structure, enrichit et met en contexte les données, qui sont valorisées avec des outils d’efficience clinique tels que des rapports synoptiques. Capto facilite également la collaboration interprofessionnelle en améliorant la communication et le partage de l’information. 

CaptoMD relie les systèmes existants, y intègre les renseignements fournis par le patient,  l’infirmière, le médecin, par les autres membres de l’équipe de soins, les résultats de laboratoire et d’examens ainsi que les indicateurs cliniques, puis structure toutes ces informations en « tableaux de bord ». Ainsi mises en lien, les données forment un portrait complet qui facilite le processus décisionnel du clinicien. « Par exemple, l’antigène prostatique spécifique (APS ou PSA) est un biomarqueur utilisé en suivi du cancer de la prostate. Toutefois, un résultat de test unique est limité. Par contre, avec Capto, l’intervenant peut voir en un clin d’œil comment l’APS évolue et, à partir des résultats de laboratoire et des indicateurs cliniques, il va même pouvoir calculer les scores prédicteurs et représenter graphiquement l’évolution de la maladie chez un patient. En réunissant le patient et les différents cliniciens dans un même environnement de données, Capto produit de l’information granulaire à même son utilisation dans les soins cliniques. Ce qui contribue à résoudre le problème de la plus grande barrière à l’avancement des soins, soit l’accès à la donnée clinique », explique le Dr Fradet. 

Initialement construite sous l’angle du cancer de la prostate – une spécialité du Dr Fradet, mais aussi le cancer le plus fréquemment diagnostiqué chez les hommes au Canada –, la plateforme est utilisée en mode pilote depuis 2015 par l’équipe d’urologie-oncologie du CHU. Cette approche collaborative, basée sur des « super utilisateurs », permet d’une part de développer l’outil en tenant compte des vrais besoins et de la réalité du terrain et, d’autre part, d’adapter les processus de soins aux possibilités offertes par la technologie.

Une subvention provenant du Fonds de soutien à l’innovation en santé et services sociaux et un  financement provenant de la Direction de la recherche ainsi que des acteurs de la recherche clinique et oncologique du CHU permettent le déploiement de CaptoMD. De plus, ces sommes permettent aussi la conduite d’un processus d’évaluation rigoureux en partenariat avec l’équipe de la Chaire en santé connectée du Dr Guy Paré de HEC Montréal et de l’Unité d’évaluation des technologies et des modes d’intervention en santé (UETMIS) du CHU co-dirigée par Dr Marc Rhainds. 

Selon le Dr Fradet, « les étapes suivantes seront de mettre à l’échelle pour d’autres cancers et d’autres titres professionnels, puisque les besoins de l’urologue-oncologue ne sont pas exactement les mêmes que ceux du radio-oncologue, de l’hémato-oncologue, de l’infirmière ou du pharmacien. Nous voulons que l’outil se développe de manière progressive en collaboration avec les gens qui sont au cœur des processus de soins; il ne faut pas que les gens sur le terrain soient des sujets de recherche, mais plutôt des parties prenantes de l’évolution du processus. » 
 

Des données plus complètes pour une meilleure prévention

L’intérêt de développer des outils comme CaptoMD tient aussi à ce qu’ils vont aider à mesurer les habitudes de vie, ce qui est très difficile à faire en contexte réel de soins avec les outils actuels. En retour, les données recueillies soutiendront le processus de soins et alimenteront la recherche : « en ayant des données plus précises qui ne se limitent plus à un groupe de patients très ciblé, nous aurons aussi une recherche plus inclusive et plus représentative de la population générale. Cela nous aidera à mieux comprendre les déterminants les plus importants et donc à faire une prévention plus individualisée et plus pertinente », conclut le Dr Fradet.


Le Dr Vincent Fradet tient à remercier les patients qui acceptent de participer aux études ainsi que ses collègues qui y contribuent; leur rôle est essentiel pour améliorer la prévention et les traitements.

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  1. CaptoMD : du latin captare, « capturer » et « MD » pour medical data, donc « capturer la donnée médicale ». CaptoMD est une plateforme qui « permet de saisir l’historique médical complet du patient et les tendances des indicateurs cliniques importants […]. Grâce à l’intelligence artificielle, l’outil peut améliorer l’efficience du parcours de soins en oncologie ». Pour en savoir plus : https://www.sovar.com/entreprises/captomd 

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23 février 2022

Article très intéressant, bon succès dans la poursuite du développement de CaptoMD et de vos recherches.
Chaleureuses salutations au Dr. Fradet

Par JF Sauvageau

Dernière révision du contenu : le 13 décembre 2022

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