Entre la mi-mars et le début du mois de juin, le CHU de Québec-Université Laval (CHU) a dû délester plus de 70 % de ses activités cliniques. Maintenant, la reprise se fait étape par étape, avec une bonne dose d’ingéniosité et beaucoup de collaboration!
En juin, juillet et août, malgré la situation exceptionnelle, les équipes cliniques ont atteint un niveau d’activité équivalent à celui d’un été « normal » (entre 70 et 80 %, en moyenne). Cependant, la fin des vacances, le retour à un rythme plus régulier et l’arrivée possible d’une deuxième vague d’infection à la COVID-19 obligent la mise en place de mesures particulières afin d’offrir le même niveau de service qu’avant l’arrivée du coronavirus.
Si, à première vue, il peut sembler simple de redémarrer « la machine », les contraintes découlant de la COVID-19 posent plusieurs défis. De l’aménagement des salles d’attente aux approvisionnements en passant par la gestion des espaces, tous les secteurs doivent trouver des solutions novatrices afin de pouvoir reprendre leurs activités.
Un projet commun pour un enjeu commun : les salles d’attente virtuelles
De tous les éléments qui compliquent la reprise des activités, ce sont probablement les règles de distanciation physique qui génèrent le plus de maux de tête aux intervenants, que ce soit pour les salles d’attente, les salles de réveil ou tout autre espace où le respect du « 2 mètres » pose un défi. Il faut dire que le nombre limité de places était déjà problématique avant l’arrivée de la COVID-19…
Si certains ont réussi à se débrouiller en ajoutant des chaises dans les corridors adjacents aux salles d’examen, comme cela a été fait en imagerie, d’autres ont entrepris la construction de cloisons permettant de rapprocher les chaises dans les salles d’attente tout en séparant efficacement les usagers.
Mais malgré les solutions astucieuses qui ont été trouvées, l’arrimage entre les différentes équipes cliniques qui se partagent les salles d’attente demeure complexe. C’est entre autres ce qui a motivé le démarrage d’un projet pilote de salles d’attente virtuelles, mené par Christine Goudreault, coordonnatrice de l’imagerie médicale, et Marie-Josée Laprise, coordonnatrice des services de pédiatrie, en collaboration avec la Direction des services techniques (DST), la Direction des ressources informationnelles (DRI), les approvisionnements et les équipes cliniques.
Le principe des salles d’attente virtuelles est simple : les usagers (les patients et, dans certains secteurs, les accompagnateurs) aptes à le faire seront invités à patienter en dehors de la salle d’attente (à l’extérieur, dans leur voiture, à la cafétéria…) et un dispositif les avertira lorsque leur tour sera venu. Il reste encore du travail à faire avant de pouvoir concrétiser ce projet, mais s’il se réalise, il contribuera certainement à désengorger les salles d’attente, donc à augmenter la capacité d’accueil et le niveau d’activité.
Gestion des espaces : agrandir de l’intérieur
Les membres de l’équipe de Marilyne Morin, adjointe au DST bureau de projets et planification immobilière, sont habitués de jouer avec les contraintes et d’exercer leur créativité. Toutefois, la situation actuelle leur en a demandé encore un peu plus!
« Lors de la première vague, le délestage a laissé des locaux vacants où nous avons pu aménager des espaces froids, tièdes et chauds ainsi que des lits de surcapacité. Mais lorsqu’est arrivé le temps de reprendre les activités, dont l’enseignement, les chirurgies, les services ambulatoires, il a fallu être débrouillard pour récupérer les espaces "squattés" tout en respectant les directives! », raconte Mme Morin.
Pour « agrandir de l’intérieur », l’équipe a misé sur la proactivité : « Nous avons visité les secteurs où nous pensions pouvoir récupérer de l’espace. Nous avons discuté avec les intervenants et avons identifié des solutions. Ces visites nous ont permis de recueillir beaucoup d’informations intéressantes à explorer. »
Plans du 6500 de L’HDQ avant, pendant et après la première vague de COVID-19. Avant la pandémie, le 3450 de L’HDQ accueillait une clinique préopératoire. Pendant la pandémie, elle a réduit ses activités de 70 %, ce qui a permis d’y installer les soins intensifs COVID. Le 30 % d’activités restantes de la clinique préopératoire ont pu être déplacées au 6500, car les soins ambulatoires et les activités d’enseignement qui s’y tenaient ont aussi été réduits. Tout en conservant les espaces du 3450 pour une possible deuxième vague de COVID-19, la gestion immobilière doit maintenant redonner des espaces du 6500 pour la reprise des activités de la clinique préopératoire, des soins ambulatoires et de l’enseignement…
Dans un grand jeu de chaises musicales, les unités et les activités – bureaux, salles de consultation, locaux d’enseignement et de soins, etc. – ont été déplacées, les lieux réaménagés et, au final, la quasi-totalité des espaces qui avaient été réquisitionnés pour les besoins de la COVID-19 ont été optimisés et redonnés pour les activités habituelles. Grâce à la collaboration et au soutien du comité multidisciplinaire de reprise des activités et de gestion des espaces (piloté par la sécurité civile et composé de membres des directions clientèles, de l’enseignement et de la recherche), des équipes cliniques, de la prévention et contrôle des infections (PCI) et des partenaires des autres directions, dont la réalisation immobilière, les opérations du bâtiment, la DRI et la logistique hospitalière, le défi a été relevé… et continue de l’être : « L’équipe de planification immobilière résout le casse-tête, mais ensuite, le travail est loin d’être terminé et ce sont ces équipes-là qui prennent le relais. »
L’équipe devra encore faire preuve d’imagination, puisque l’arrivée possible d’une deuxième vague de COVID-19 implique de maintenir des lits de surcapacité tout en augmentant le nombre d’activités cliniques. Et les solutions envisagées varient d’un hôpital à l’autre. Par exemple, à l’Hôpital Saint-François d’Assise, des déménagements successifs laisseront vacant un espace suffisamment grand pour y accueillir 36 lits de surcapacité. À l’Hôpital de l’Enfant-Jésus, des bâtiments cliniques temporaires seront construits afin de recevoir les lits de surcapacité. Cette solution permettra notamment de ne pas bloquer la démolition de l’aile D, inhérente au projet du nouveau complexe hospitalier. Au CHUL, c’est l’équivalent de quatre locaux d’enseignement qui ont servi à aménager le centre de dépistage pour les intervenants du CHU qui doit être retrouvé : « Pour permettre la reprise des activités d’enseignement, nous ferons des travaux dans une zone disponible de la Direction de la recherche. Nous pourrons ainsi répondre aux besoins du centre de dépistage autant qu’à ceux de la recherche et de l’enseignement », explique Mme Morin.
Approvisionnements et logistique : se réorganiser à vitesse grand V
Dès les débuts de la pandémie, les problèmes d’approvisionnement en matériel de toute sorte ont obligé à faire des pieds et des mains pour éviter de bloquer les activités cliniques.
En plus de devoir trouver des substituts, les « appros » ont dû ajouter à leurs suivis plus de 1 000 produits tout en honorant les commandes d’équipements de protection individuels (EPI) et d’équipements médicaux pour les établissements de santé de la province ainsi que l’achat de centaines d’uniformes verts offerts aux infirmières travaillant sur les unités chaudes. L’équipe a aussi collaboré avec la DST et le service conseil du génie biomédical pour devancer plusieurs achats médicaux et non médicaux (lits, tables, étagères, chariots, ventilateurs, poubelles, etc.). Ces équipements ont servi à aménager de nouvelles chambres pour accueillir des lits de surcapacité et à équiper les locaux qui changeaient de vocation.
« En temps normal, l’équipe se divise en secteurs d’achats spécialisés. Avec la COVID-19, nous avons ajusté quotidiennement nos efforts afin de nous concentrer sur les besoins de l’organisation et sur ceux du Ministère en temps réel », relate Francis Jeffrey-Racine, chef de service aux approvisionnements et gestion contractuelle. Dans un contexte d’urgence et de changements continuels, cette structure plus agile a permis d’assurer des approvisionnements constants et une répartition plus équitable de la charge de travail entre les membres de l’équipe.
Des comités de vigie en approvisionnement ont aussi été formés pour surveiller les niveaux d’inventaires, contrôler l’utilisation des certains produits (EPI, matériel d’inhalothérapie, écouvillons, solutés, tubulures, etc.) et anticiper la consommation des fournitures afin de résoudre en amont les problèmes d’approvisionnement. « Ces comités, formés de représentants cliniques, médicaux, des "appros" et de la logistique ont travaillé extrêmement fort pour identifier et évaluer les substituts et s’assurer que nous ne manquerions de rien », précise Marie-Hélène Boulanger, directrice de la logistique.
En parallèle, d’autres méthodes de travail ont changé : « La déclaration de l’état d’urgence sanitaire a permis d’assouplir certains processus, ce qui nous a fait gagner du temps et aidé à prendre les décisions plus rapidement », raconte Caroline Bouchard, chef de service des approvisionnements et de la gestion contractuelle. De plus, le formulaire de réquisition, autrefois un papier voyageant de bureau en bureau au fil des étapes administratives, s’est transformé en fichier électronique, ce qui rend une partie importante du processus plus rapide. Sur les unités de soins, des doubles casiers supplémentaires ont été déployés, tandis que le recours à certaines pratiques ont été nécessaires pour éviter les pénuries, comme le retraitement des masques N95, le remplacement des blouses de contagion jetables par des produits réutilisables ou encore la récupération et le remplissage des distributeurs de désinfectant.
Les procédures concernant les transports de patients ont également été revues afin de respecter les nouvelles consignes sanitaires, que ce soit pour les transports externes, comme les navettes, ou pour ceux effectués à l’intérieur des hôpitaux. « Il a fallu s’adapter aux différentes zones et ajuster les trajets dans les hôpitaux; nous tenions au moins un caucus chaque jour pour informer les brancardiers des nouvelles consignes. Nous avons beaucoup misé sur la communication pour rassurer les employés et assurer leur sécurité ainsi que celle des patients », résume Julie Boily, coordonnatrice de la logistique hospitalière.
Mais tous ces bouleversements ont eu du bon : les innovations concernant l’optimisation des processus et la répartition du travail dans l’équipe des approvisionnements vont demeurer, ce qui ne peut qu’avoir des effets positifs pour l’organisation.
Services ambulatoires spécialisés : gérer le trafic
Chaque jour, au CHU, des milliers d’usagers se présentent aux cliniques externes. Considérant les contraintes imposées par la COVID-19, telles que les mesures de distanciation physique et la mise en place de zones froides, tièdes et chaudes qui accaparent beaucoup d’espace, gérer l’achalandage des salles d’attente, les rendez-vous et les horaires de consultation, tout en maintenant un accès équitable selon les priorités cliniques, est un immense casse-tête.
Pour y voir plus clair, une structure de reprise des activités ambulatoires a été mise en place. D’abord, il y a un comité local dans chacun des hôpitaux, composé de représentants cliniques et administratifs des différents secteurs qui offrent des services ambulatoires ainsi que de deux médecins représentant les services médicaux et chirurgicaux. Ces comités locaux sont chapeautés par un comité de coordination, lequel est formé des responsables des comités locaux ainsi que de représentants de la Direction. Ce comité coordonne les actions à entreprendre dans chacun des sites et s’assure de maintenir une vision ainsi qu’une répartition transversale des activités. Enfin, le niveau stratégique transmet au comité de coordination les recommandations découlant des directives ministérielles et des niveaux d’activités permis. Cette structure permet de diffuser l’information prioritaire de manière efficace et de pouvoir traiter les problèmes sans délai.
Grâce à la collaboration de différentes directions, les enjeux sont résolus en équipe, comme l’illustre Marie-Pier Porlier, coordonnatrice clinico-administrative à la Direction clientèle – Ophtalmologie et services ambulatoires spécialisés : « La Direction de la performance clinique et organisationnelle nous fournit chaque semaine des données qui nous permettent de suivre l’évolution de la reprise de nos activités, alors que l’équipe de la Direction des soins infirmiers nous aide à rapatrier les membres de notre personnel qui, en raison du délestage, sont relocalisés dans d’autres unités. »
Les équipes médicales collaborent grandement pour que la reprise des activités se fasse le mieux possible. D’une part, plusieurs médecins et professionnels de la santé ont opté, lorsque possible, pour les téléconsultations. « Dans certaines spécialités, ce sont de 30 à 40 % des consultations qui se sont déroulées à distance. Et plusieurs veulent continuer dans ce sens, ce qui nous aide aussi à optimiser nos espaces, mais est aussi une bonne nouvelle pour l’accès aux soins et aux services, surtout pour les patients qui viennent de l’extérieur de la région », poursuit Mme Porlier.
Malgré tous ces efforts, il faudra peut-être recourir à d’autres moyens afin d’atteindre 100 % du niveau d’activité, comme l’augmentation des heures de consultation en soirée et pendant les fins de semaine… à moins que la rareté de main-d’œuvre demeure trop importante pour ce faire.
Imagerie médicale : user de stratégie
Dans le secteur de l’imagerie médicale, le plus gros enjeu demeure l’accès aux services. « Avec la COVID-19, nous avons dû arrêter de voir des patients électifs, ce qui a gonflé nos listes d’attente. En ce moment, c’est notre enjeu principal. Considérant les patients hospitalisés et les urgences, si on veut recommencer à voir suffisamment de patients électifs, l’une des solutions est d’optimiser nos gabarits horaires dans chaque modalité d’imagerie et d’ouvrir de nouvelles plages de nuit pour certains examens. Nous revoyons aussi l’organisation du travail des technologues afin d’éviter les bris de service », expose Christine Goudreault, coordonnatrice de l’imagerie médicale.
De plus, des travaux sont en cours avec le ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS) afin de trouver d’autres solutions qui permettraient de récupérer l’écart qui s’est creusé dans la liste d’attente en raison de la COVID-19, puis de résorber les listes attente qui existaient avant la pandémie. Parmi ces solutions, le CHU et le MSSS explorent la possibilité de conclure une entente afin de pouvoir envoyer des patients dans quelques cliniques privées de la région. Entre-temps, l’Institut de cardiologie et de pneumologie de Québec (IUCPQ) et le Centre intégré universitaire de santé et de services sociaux de la Capitale-Nationale (CIUSSS-CN) ont accepté d’apporter leur aide au CHU en accueillant quelques patients pour des examens d’imagerie.
Entre la mi-mars et le début juin, certaines équipes spécialisées du secteur de l’imagerie ont été divisées en deux groupes qui ne se sont jamais mélangés, autant chez les technologues que chez les médecins. « Nous avons plusieurs centaines de technologues, mais ils sont répartis dans plusieurs petites équipes spécialisées, ce qui fait que la marge de manœuvre est mince. Avoir deux équipes distinctes a permis de préserver la sécurité de nos équipes et d’assurer le service », estime Mme Goudreault.
Se réinventer en équipe
Les équipes de tous les secteurs ne risquent pas de s’ennuyer au cours des prochains mois, puisque la reprise des activités soulève des enjeux partout… et qu’ils devront être résolus rapidement! Pour se réinventer et surmonter les nombreux défis actuels, les valeurs d’innovation et de collaboration du CHU seront des incontournables.