Recherche clinique en vaccinologie : optimiser l’utilisation des vaccins

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Développer un vaccin est une chose, mais savoir s’il est sécuritaire, combien de doses sont nécessaires pour qu’il soit efficace et à quelle fréquence les administrer en sont une autre. Le Dr Gaston De Serres et le groupe de recherche dont il fait partie se penchent sur ces questions depuis plus de 30 ans.

Médecin-épidémiologiste à l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ) et chercheur de l’axe Maladies infectieuses et immunitaires au Centre de recherche du CHU de Québec-Université Laval (CRCHU), Gaston De Serres est également médecin-chef du groupe scientifique en immunisation (GSI) de l’Institut national de santé publique du Québec et membre actif du Comité sur l’immunisation du Québec (CIQ). 

Depuis ses études de maîtrise, il s’est spécialisé dans les études épidémiologiques sur les vaccins, lesquelles fournissent des données scientifiques fiables sur le fardeau de certaines maladies1 ainsi que sur l’efficacité et la sécurité des vaccins que l’on utilise pour les prévenir. 

Ces études peuvent être menées avant la création d’un programme de vaccination ou une fois qu’il est lancé selon que l’on veut créer de nouveaux programmes ou ajuster ceux qui existent déjà : « Les données peuvent servir à modifier le calendrier vaccinal ou encore à identifier des groupes de personnes qui sont plus à risque de développer des complications. Nous pouvons  entre autres analyser la réponse immunitaire selon des calendriers de vaccination différents ou selon un nombre de doses différent, précise le Dr De Serres. Nous pouvons aussi valider la performance des vaccins, par exemple en vérifiant si leur efficacité est bien celle qui est avancée par les compagnies pharmaceutiques. » 
 

Et la COVID?

Les vaccins contre la COVID ont beaucoup occupé le Dr De Serres depuis trois ans, et pas seulement parce qu’il a été très sollicité par les journalistes! Il a notamment fait plusieurs études épidémiologiques pour voir ce qui se passait chez les personnes qui étaient vaccinées contre la COVID et celles qui ne l’étaient pas, lesquelles ont permis d’ajuster le programme de vaccination. 

Ainsi, il s’est notamment intéressé aux cas de myocardites, un problème cardiaque, rapportés comme effet secondaire des vaccins : « Nous avons voulu savoir si ça arrivait avec tous les vaccins contre la COVID, si ça se produisait dans tous les groupes d’âge, s’il y avait des facteurs qui pouvaient diminuer ou augmenter les risques de myocardite, etc. On a vu par exemple que le risque de myocardite était plus élevé avec le vaccin de Moderna qu’avec le vaccin de Pfizer, chez les jeunes homes de 18 à 29 ans et qu’il était plus faible lorsque l’intervalle était plus grand entre deux doses. » En raison de ces informations, le Comité sur l’immunisation du Québec a recommandé de préférer le vaccin de Pfizer à celui de Moderna chez les adultes de 18 à 29 ans. Ces résultats ont aussi confirmé l’avantage d’utiliser un plus grand intervalle entre deux doses pour toute la population.   

De même, les résultats de ses travaux plus récents ont modifié la politique de vaccination pour l’hiver 2023 : « Selon nos études, il n’est pas utile de donner plus de doses aux gens qui ont eu la COVID et qui ont aussi reçu au moins deux doses de vaccin, car ils sont déjà très bien protégés contre les complications et l’hospitalisation, mais surtout parce que leur immunité n’augmente pas avec des doses supplémentaires. La politique a donc été faite en fonction de ça : cet hiver, on recommande de vacciner ceux qui ont jusqu’ici échappé à l’infection, car on sait qu’ils restent vulnérables et qu’ils perdent leur protection vaccinale assez rapidement. »

Avec l’arrivée de nouveaux variants et les connaissances qui se développent de jour en jour sur la COVID, le Dr De Serres prévoit qu’il y aura du travail à faire sur le sujet pendant encore quelques années…
 

Questionner pour optimiser

Le Dr De Serres et les autres chercheurs du groupe de vaccinologie dont il fait partie ne se font pas beaucoup d’amis dans les compagnies pharmaceutiques, car leurs travaux remettent souvent en question le nombre de doses officiellement recommandées. Par exemple, au début de la vaccination contre la COVID, les manufacturiers recommandaient d’administrer deux doses à trois semaines d’intervalle : « Nous avons démontré que la protection contre l’hospitalisation avec une seule dose était de 85 %, ce qui est énorme. Nous avons donc décidé de donner une seule dose à plus de gens et de retarder la deuxième dose. Autrement dit, pour éviter le plus d’hospitalisations possible, nous avons choisi d’avoir plus de personnes protégées à 85 % plutôt qu’en avoir la moitié protégée à 95 % », illustre le Dr De Serres.

De même, les travaux de ce groupe ont déjà mené à la modification de plusieurs programmes de vaccination, que ce soit ici ou ailleurs dans le monde. Par exemple, certains collègues du Dr De Serres ont travaillé sur le vaccin contre le virus du papillome humain (VPH) : le manufacturier recommandait d’utiliser trois doses, mais les études ont démontré qu’il est aussi efficace et sécuritaire d’utiliser seulement deux doses. Et à la lumière de nouvelles recherches, il semble maintenant qu’une seule dose serait probablement suffisante. Ce genre d’études peut avoir de grandes répercussions, notamment dans les pays en voie de développement, puisque le fait de diminuer le nombre de doses d’un programme de vaccination permet également d’en réduire les coûts, ce qui peut le rendre accessible à un plus grand nombre.

C’est notamment ce qui motive le Dr De Serres : « Habituellement, en recherche, c’est long avant que les résultats se traduisent en actions. Mais dans notre cas, c’est au contraire très rapide : la traduction de nos travaux en programmes de vaccination est assez rapide. Nous n’avons pas le choix de faire du travail de qualité! »
 

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Les membres du groupe de vacinologie dont fait partie le Dr Gaston De Serres (au centre de la photo).


Note
1.    Fardeau de la maladie : « Indicateur tenant compte du nombre de personnes atteintes d’une maladie ainsi que des coûts socio-économiques qui y sont rattachés, pour une population et une période données. », Grand dictionnaire terminologique


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Dernière révision du contenu : le 27 mars 2023

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