La recherche constitue l’un des volets de la mission du CHU de Québec-Université Laval (CHU) et tous les secteurs sont appelés à y contribuer. Du côté de la pharmacie, la recherche est présente depuis longtemps, mais on s’affaire à créer une structure solide sur laquelle son développement pourra s’appuyer.
Le Département de pharmacie accueille généralement entre 15 et 20 étudiants à la maîtrise en pharmacothérapie avancée, diplôme exigé pour exercer dans un établissement de santé. Chacun de ces pharmaciens résidents est tenu de mener un projet de recherche clinique co-supervisé par un pharmacien du CHU et un professeur de la Faculté de pharmacie de l’Université Laval (UL). Ces projets sont parfois les seules occasions de recherche auxquelles les pharmaciens du Département sont en mesure de participer.
« La recherche clinique et la donnée sont de plus en plus importantes pour guider la prise de décision et celles-ci doivent être structurées et valorisées. Des efforts supplémentaires doivent donc être déployés pour y arriver », confie Nicole Déry, pharmacienne et chef adjointe du Département de pharmacie – usage optimal du médicament et recherche. Petit à petit, les choses changent, notamment avec la nomination en 2018 d’un coordonnateur de la recherche – aujourd’hui « coordonnateur du développement de la recherche » –, rôle assumé par Christian Héroux, pharmacien dans l’équipe de Mme Déry. « Selon les pharmaciens, les principales barrières à la recherche sont le temps, le financement et l’expertise en recherche. Nous tentons de mieux les outiller en les tenant informés des services et du soutien offerts, en favorisant les collaborations et en se créant un réseau de partenaires, comme c’est le cas notamment avec l’équipe de la Plateforme de recherche clinique et évaluative du Centre de recherche du CHU », mentionne M. Héroux.
Nicole Déry, pharmacienne et chef adjointe du Département de pharmacie – usage optimal du médicament et recherche,
et Christian Héroux, pharmacien.
Pour le moment, les projets initiés par les pharmaciens sont surtout des analyses descriptives. Elles se divisent en deux grandes tendances : d’une part, il y a les évaluations sur l’utilisation des médicaments et, d’autre part, celles portant sur les pratiques pharmaceutiques qui peuvent documenter, par exemple, les bénéfices cliniques reliés aux soins pharmaceutiques prodigués par le pharmacien chez une clientèle donnée. « Ce sont des recherches qui permettent vraiment d’améliorer les soins, et c’est ce que nous voulons continuer de faire. Mais il y a une multitude d’autres angles qui pourraient être traités. Par exemple, nous travaillons à deux projets qui touchent à la préparation des médicaments; il y a des choses qu’il est possible de tester afin d’améliorer l’efficience de la distribution des médicaments et de nos services pharmaceutiques. Je crois que ce type de recherche est d’autant plus pertinent en contexte de pénurie de main-d’œuvre et de professionnels », précise Nicole Déry.
Des voies à suivre
Quelques pionniers ont ouvert la voie au cours des années; ils ont dû investir beaucoup de temps personnel pour parvenir à faire de la recherche. Par exemple, l’implication en recherche clinique du pharmacien Luc Poirier lui a valu de participer à l’élaboration des lignes directrices pour le traitement de l’hypertension de la Société cardiovasculaire du Canada, alors que d’autres pharmaciens se sont démarqués par leurs recherches, comme Marc Parent avec ses travaux portant sur l’adhésion médicamenteuse, l’utilisation du médicament et de la pharmacothérapie ainsi que Luc Bergeron avec ses projets sur l’antibiothérapie.
Le Programme de gestion thérapeutique des médicaments (PGTM) a aussi contribué au développement de la recherche en pharmacie. Depuis 2004, un pharmacien de chacun des cinq centres hospitaliers universitaires du Québec (CHU Sainte-Justine, CHU de Sherbrooke, Centre universitaire de santé McGill, Centre hospitalier de l’Université de Montréal et CHU de Québec-Université Laval) est intégré à ce groupe; ils travaillent ensemble sur des problématiques communes liées à l’usage des médicaments. En plus de l’évaluation de certains médicaments et de projets innovants comme la campagne « Mon écriture, je la soigne! », le groupe mène des projets visant un usage optimal du médicament ainsi que l’amélioration de la qualité des soins et des services pharmaceutiques. Ces projets entraînent des retombées positives au Québec en termes d’harmonisation des pratiques et d’accès à certains médicaments. « Que des établissements de santé universitaires mettent en commun leurs données et comparent leurs pratiques, c’est un modèle pour d’autres juridictions où le partage des savoirs et des expertises est souvent complexe entre établissements. Les projets du PGTM ont déjà mené à des publications et à des présentations d’affiches dans des congrès internationaux, mais il faut encore mieux faire connaître le PGTM qui a un grand potentiel de développement », explique Mme Déry.
La recherche qualitative a aussi son importance au Département de pharmacie. « Par exemple, Mme Isabelle Laverdière, Ph. D., professeure agrégée à l’Université Laval, pharmacienne et chercheuse clinicienne en pharmacogénomique et en oncologie pédiatrique, a co-dirigé avec Mme Sophie Lauzier, Ph. D., professeure titulaire à l’Université Laval et chercheuse au CHU, une étude qualitative sur l’expérience et les besoins des familles dont l’enfant reçoit des médicaments oraux contre la leucémie, incluant des chimiothérapies et des corticostéroïdes. Cette étude révèle que ces traitements s’accompagnent de nombreuses difficultés pour l’enfant et sa famille (Current Oncology, 2021). En tant que pharmacien, on serait porté à penser que l’enjeu principal, c’est la chimio, mais sa recherche a montré que l’un des plus grands défis auxquels font face les familles avec ces traitements découle des conséquences physiques et psychologiques de l’utilisation des corticostéroïdes sur l’enfant ainsi que sur les relations familiales et sociales. En sachant cela, il est possible d’ajuster les conseils qui sont donnés à la famille et donc d’offrir un meilleur soin pharmaceutique », illustre Mme Déry. D’ailleurs, l’équipe multidisciplinaire s’affaire maintenant à développer, avec des parents et des professionnels de la santé, un programme pour mieux accompagner les familles avec ces médicaments oraux.
Des soutiens qui propulsent la recherche
Depuis quelques années, la Fondation du CHU de Québec offre des bourses de recherche clinique et, chaque année, ils sont un ou deux pharmaciens à en obtenir une pour leur projet. Cette année, Mélanie Simard, Nicole Déry et Dominic Duquette ont obtenu une bourse pour leur projet « Transfert à des versions biosimilaires en oncologie pour le bevacizumab, le rituximab et le trastuzumab : analyse rétrospective de l’efficacité clinique comparative avec des cohortes historiques, en contexte de vie réelle dans une indication ciblée pour chaque médicament ». Pour sa part, Louis-Philippe Grenier a obtenu du soutien pour son projet « Impact des hypolipémiants dans le traitement du cancer du pancréas métastatique ». De plus, l’Association des pharmaciens des établissements de santé du Québec (APES) offre depuis 2021 des bourses substantielles, dont l’une a été remportée par Catherine Rioux, une jeune pharmacienne du CHU, qui a proposé un projet de recherche concernant l’impact des interactions médicamenteuses sur le risque de saignement consécutif à la prise d’un anticoagulant oral direct.
Catherine Rioux, pharmacienne et boursière 2021
de l’Association des pharmaciens des établissements de santé du Québec.
Selon Mme Déry, ces bourses soutiennent les pharmaciens qui, autrement, doivent consacrer de leur temps personnel pour la recherche. Ces bourses facilitent la réalisation de projets plus ambitieux ou de plus grande envergure, projets qui autrement seraient difficilement réalisables. Les projets de recherche mis en place par les pharmaciens avec ces bourses stimulent également la participation de pharmaciens ou d’étudiants plus novices qui, en se joignant à une équipe plus expérimentée, peuvent développer leurs compétences. Cet effet « boule de neige » a contribué à augmenter le nombre de pharmaciens habilités et intéressés à participer à l’avancement des connaissances en pharmacie par des projets de recherche intégrés aux soins.
Un autre soutien important provient de la Direction de la recherche, et plus particulièrement du Dr Stéphane Bolduc, directeur adjoint à la recherche clinique, de la Plateforme de recherche clinique et évaluative et de son équipe : l’accompagnement, les formations et les services offerts sont inestimables pour un département qui veut instaurer des mesures structurantes pour développer la recherche, comme c’est le cas du Département de pharmacie.
« Il reste beaucoup de choses à mettre en place, mais nous sommes sur la bonne voie! », conclut Mme Déry.
Pour en savoir plus sur le Département de pharmacie et le rôle des pharmaciens d’établissement :
Publications et présentations du Département de pharmacie
Le Département de pharmacie : en première ligne pour l’usage sécuritaire des médicaments
Un pharmacien à l’hôpital, ça fait quoi?