Lorsque le patrimoine devient hospitalité

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Par Denis Robitaille, chargé de projet, 1er avril 2015
Le Monastère des Augustines
 

À l’été 2015, les Augustines verront se réaliser un ambitieux projet qu’elles ont commencé à imaginer il y a vingt ans. Devant la nécessité de sauvegarder le patrimoine de leurs douze monastères-hôpitaux et selon leur vœu de le rendre accessible, elles convertissent leur monastère fondateur — celui de L’Hôtel-Dieu de Québec — et l’ouvrent au public. Dans ce lieu qui se nommera Le Monastère des Augustines, les visiteurs découvriront un bâtiment du XVIIe siècle entièrement restauré, les collections et archives des douze fondations du Québec et un lieu exceptionnel conservé dans un état impeccable. Un musée racontera 375 ans d’histoire au cœur de laquelle le geste de soigner, sous toutes ses formes, occupe la place première. Le Monastère sera un lieu de ressourcement pour l’ensemble de la population et portera une attention particulière aux soignantes et aux soignants.

 

Un patrimoine d’utilité sociale

Dès le début de leur réflexion, les Augustines ont voulu que ce lieu de mémoire de leur œuvre soit utile et habité. Cette communauté fondatrice du premier hôpital au pays s’est toujours consacrée au bien commun; elle souhaitait que la mise en valeur de son patrimoine se poursuive dans le même sens. Le Monastère des Augustines deviendra ainsi un lieu exceptionnel de découverte et d’expérience. Non seulement pourra-t-on le visiter, mais il sera possible d’y séjourner. Les soixante-cinq chambres, autrefois utilisées par les sœurs et aujourd’hui rénovées, seront offertes à qui veut vivre une expérience d’intimité avec l’histoire dans un lieu dédié aux soins depuis plus de trois siècles.

Cette intuition, que les Augustines ont eue à l’origine du projet, a inspiré l’équipe qui le prend désormais en charge et qui lui ajoute une dimension novatrice. Sous son impulsion, le séjour au Monastère offrira au visiteur une occasion de valorisation de sa santé, de développement de bonnes habitudes de vie, d’une nutrition et d’un rythme de vie plus sains. Ce séjour, accompagné par des personnes d’expérience et aux qualifications reconnues, s’inscrira dans la mouvance d’une santé vue sur le plan global. La programmation — disponible sur le site Internet www.monastere.ca — illustre bien la diversité et la richesse de cette offre qui revêtira un caractère unique dans ce lieu d’exception.

Depuis que leurs fondatrices sont arrivées en Nouvelle-France en 1639, les Augustines n’ont jamais cessé de veiller au développement de soins de qualité, non seulement en se préoccupant du corps, mais aussi de l’âme. Leurs hôpitaux sont depuis un bon moment intégrés au réseau public. Aujourd’hui plus âgées et beaucoup moins nombreuses, elles voient dans les personnes qui prennent soin des autres leurs héritiers naturels. Elles désirent que le projet dédié à leur mémoire offre un soutien au personnel du réseau de la santé et des services sociaux, aux proches aidants, aux personnes qui accompagnent des malades en traitement à l’hôpital et aux bénévoles engagés dans les établissements ou dans les organismes communautaires.
 

Prendre soin de ceux et celles qui prennent soin

La longue histoire des Augustines, marquée par l’action et la contemplation, l’engagement et la réflexion, le partage communautaire et le soutien mutuel, peut inspirer la pratique des personnes qui se consacrent au soin des autres. Inutile d’insister pour rappeler le défi quotidien d’équilibre auquel ces personnes sont confrontées. Le Monastère offrira un lieu idéal pour porter avec d’autres ce défi. En ce moment, des soignantes et soignants explorent, en collaboration avec la Fiducie, en quoi l’expérience des Augustines peut devenir source d’inspiration. Par ailleurs, la programmation du Monastère des Augustines fait une large place à des rencontres de formation pensées spécifiquement pour eux.

Les proches aidants ont besoin de soutien et de répit. On le sait, prendre soin d’un proche sans occasion de souffler ou de temps pour soi engendre fatigue et stress. Les organismes communautaires, associations et organisations du réseau mettent en place des ressources pour leur venir en aide et faire en sorte qu’ils puissent quitter la maison et se reposer. Le Monastère offrira un lieu de séjour adapté à ce besoin de répit. Une chambre-suite est réservée en permanence pour les proches aidants qui seront recommandés par les organismes, associations et autres ressources reconnues.

Depuis plus de quarante ans, les Augustines accueillent dans leur monastère les personnes des régions plus éloignées qui accompagnent des malades en traitement à L’Hôtel-Dieu de Québec. Ce service, très apprécié pour sa commodité et sa proximité, sera maintenu. Enfin, Le Monastère des Augustines souhaite développer des relations étroites avec les organismes communautaires. La fiducie d’utilité sociale à la tête de la grande aventure des Augustines imagine en ce moment des façons d’accueillir les bénévoles de ces organismes en facilitant leur accès à moindres coûts aux diverses activités du Monastère.
 

Un projet d’envergure aux multiples défis

Les défis surmontés par les Augustines pour en arriver à réaliser ce projet furent immenses. Les religieuses ont bénéficié de l’aide de très nombreux collaborateurs et collaboratrices; elles ont reçu le soutien des décideurs du milieu, des divers paliers de gouvernements et de la Ville de Québec. Il reste encore beaucoup à faire. Les responsables du projet — la Fiducie du patrimoine culturel des Augustines, gardienne des intentions, et l’équipe du Monastère — ont à assurer la bonne marche de ce lieu de mémoire. Ils relèvent le pari de la mixité des usages, des missions et des usagers. Ils ont à préserver un site historique de première importance tout en y accueillant du public. Ils ont à sauvegarder l’esprit de dévouement et de générosité des Augustines et l’âme d’un lieu qui fut toujours pour elles une source d’inspiration. Ils doivent jongler avec l’intention d’ouverture inconditionnelle à tous et la nécessité de la rentabilité. Tout ce qui sera mis en place contribuera au succès de ces intentions et se voudra dans le respect de la volonté des premières hospitalières au pays de nous transmettre un héritage exceptionnel, à l’image du geste résolu, généreux et désintéressé de ceux et celles qui prennent soin.
 

L'acte créateur dans les soins

L'automne dernier, un professeur en sciences infirmières de l'Université Laval (Québec), invitait ses étudiants à réaliser en équipe une œuvre d'art qui représenterait l'expérience d'une personne malade rencontrée au cours du semestre. Cette mise en forme voulait faire « voir » et « comprendre » certains aspects existentiels manifestes dans l'expérience de la maladie. Pour y parvenir, il importait de s’appuyer sur le témoignage recueilli, sur le sens qui s’en dégageait, les métaphores entendues ou toute autre représentation évoquée par la personne relativement à l’épreuve de la maladie (renaissance, rupture, rapport aux autres, sentiment de perte, etc.). Chacune des équipes a présenté devant la classe l’œuvre que la rencontre lui a inspirée. Quelques-unes de ces œuvres ont été choisies en guise d’introduction au dossier de la présente édition, lequel vient mettre en évidence certaines expériences originales réalisées au sein du réseau de la santé et signaler l’importance des espaces de création dans l’acte même du prendre soin.


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