Au théâtre comme dans la vie, une femme audacieuse et courageuse!
Propos recueillis par Claudette Lambert - 1er avril 2015
Femme de théâtre et de télévision, Janine Sutto connaît une carrière exceptionnelle. En 2014, elle reçoit le prix du Gouverneur général pour les arts du spectacle, couronnant ainsi plus de 70 ans d’activités artistiques. Claudette Lambert l’a rencontrée pour Spiritualitésanté.
Claudette Lambert : Madame Sutto, à vous seule vous résumez presque toute l’histoire du théâtre au Québec. Vous avez su très tôt que vous alliez faire du théâtre. C’était un choix ou une vocation? Une sorte d’appel?
Janine Sutto : Je dirais une vocation, oui, un appel, mais dont je ne parlais pas parce que c’était tellement haut. Et je ne parle pas ici de gloire ou encore de carrière, c’est un mot qui me fait mourir de rire! Dans les années 1940 et 1950, il n’y avait rien. Le théâtre pour nous, c’était… survivre! On n’avait pas d’argent, on était pauvres. Hé! qu’on était pauvres! Mais la télévision nous a aidés à survivre.
Dans votre livre, Vivre avec le destin, vous racontez des choses très personnelles, très intimes. Comment avez-vous vécu cet exercice?
J. S. : J’ai trouvé ça très dur! Alors que pour mon amie Jeannette Bertrand raconter sa vie a été une thérapie heureuse, moi, il a fallu me pousser à parler. J’aurais aimé faire un livre d’entretiens sur le théâtre, mais il paraît que cela ne se vend pas. J’ai donc travaillé avec Jean-François Lépine, le mari de ma fille Mireille. Nous avons eu des rencontres pendant toute une année, une fois par semaine. C’était dur. Comme il est journaliste, il cherchait toujours le pourquoi des choses. C’est un instinct chez les journalistes et je les comprends, c’est leur métier. Et votre vie personnelle a tout de même un rapport direct sur votre travail. Par exemple, pendant trois ou quatre ans, je ne pouvais pas faire de théâtre, j’habitais Vaudreuil, au bord du lac. Faut dire que je cherchais un peu la difficulté… Mais c’était tellement beau! C’est une période de ma vie que j’ai adorée. La télé venait de commencer, je prenais le train tôt le matin, j’arrivais à la gare Windsor tout près de Radio-Canada pour les répétitions, les téléthéâtres en direct, et quand on sortait de là, on était comme des robots. Je prenais le train de minuit pour rentrer à Vaudreuil. Je ne pouvais donc plus jouer au théâtre.
Mais vous vous êtes bien rattrapée par la suite, vous avez incarné plusieurs centaines de personnages. Est-ce qu’il y a un personnage dans lequel vous auriez aimé passer votre vie?
J. S. : À deux reprises, à quelques années d’intervalle, j’ai joué Harold et Maude. J’aurais aimé être Maude, parce qu’elle a une philosophie incroyable. Oui, elle a fait les camps de concentration, mais elle ne s’appesantit pas là-dessus, elle a juste un chiffre sur le bras… Elle est heureuse, elle aime la vie. J’aurais aimé vivre dans ce personnage-là.
Vous avez fait beaucoup de tournées, vous aviez une maison, des enfants… Pas facile d’organiser tout cela!
J. S. : Les enfants sont nées à Vaudreuil, mais quand elles ont grandi, c’est devenu tellement difficile! C’est pour ça que nous sommes rentrés à Montréal. Mireille allait à l’école, il n’y avait pas de garderie.
Ces deux enfants étaient un beau cadeau de la vie, mais un gros défi aussi… Une enfant trisomique, ce n’est pas rien.
J. S. : Un bonheur! Catherine était un bonheur! Tout le monde disait : « Pauvre Janine, quelle épreuve! » Pour moi, ça n’a jamais été une épreuve, jamais, jamais. Il faut que tu vives ça pour le comprendre. Je dis parfois que j’ai eu plus d’ennuis avec Mireille… Deux femmes, c’est quelque chose! Quand je vois mon petit-fils avec sa blonde, je sais qu’ils veulent avoir des enfants, je pense à ma bru. Je ne le dis pas, mais intérieurement, je leur souhaite d’avoir un garçon. C’est difficile la relation mère-fille.
Et puis, ce n’est pas l’idéal que les enfants fassent le métier de leurs parents. Quand Mireille m’a dit qu’elle voulait faire du théâtre, j’étais plutôt contente. Mais c’est difficile pour la fille. Moi j’ai commencé au théâtre par une phrase, elle, elle a commencé avec un premier rôle. Le soir de la première, tout le milieu artistique était là. J’étais l’ombre de moi-même, j’avais l’impression de livrer mon enfant aux lions sans pouvoir rien faire pour l’aider. Quand on laissait entendre qu’elle avait eu le rôle à cause de moi, ça me mettait en colère et je répondais : « C’est elle qui a passé l’audition, pas moi. C’est elle qui doit défendre le personnage soir après soir. »
L’amitié a joué un grand rôle dans votre vie. Vous avez vécu une grande amitié avec Gilles Latulippe, une amitié profonde.
J. S. : C’était quelqu’un de solide, un homme de cœur. Et avec Denise Pelletier aussi, ma grande amie. On pouvait se dire tout. Et je pense à l’équipe des Belles-sœurs… On était 15 femmes! C’est vrai qu’on a fait deux grandes tournées, la Côte-Nord, l’Abitibi, le Lac St-Jean, et même Paris. Guylaine Tremblay, Maude Guérin, Marie-Thérèse Fortin, on était toujours les quatre ensembles… On s’est tellement aimées!
Il est important d’être solidaire avec les autres comédiens?
J. S. : Il vaut mieux, oui! Quand le metteur en scène vous appelle, on demande toujours qui fait partie de la distribution. Au théâtre, le lien entre la scène et les interprètes est primordial. À la télévision c’est différent. Il m’est arrivé de jouer des choses très mauvaises. Heureusement, certaines personnes ne se rappellent que les belles choses. C’est magnifique. C’est une belle philosophie dans la vie, ne se rappeler que les belles choses.
Vous avez prêté votre âme à plusieurs personnages. Leur psychologie vous a-t-elle nourrie? Vous ont-ils fait grandir?
J. S. : Oui, certainement. Il ne faut pas oublier que si on choisit de faire ce métier-là, c’est qu’on est intéressé par l’être humain. C’est déjà quelque chose que d’être intéressé par d’autres que par soi. Mais il faut faire attention. Il ne faut pas chercher dans notre vie personnelle une douleur. Il ne faut pas chercher des parallèles. Ce n’est pas ma douleur, mais celle du personnage que j’interprète. Nous les actrices, on se moque parfois de nous-mêmes, on aime ça pleurer. Il faut les faire pleurer, eux. C’est nous qui devons amener les spectateurs à une sensibilité qui peut leur rappeler un tas de choses personnelles. Il faut que ce soit ce qu’ils voient ou ce qu’ils entendent qui fasse monter l’émotion. J’ai eu la chance d’avoir mon mari qui n’avait pas peur de me dire : « Fais attention, tu t’en vas dans quelque chose qui n’est pas toi. » J’ai beaucoup joué parce qu’il y avait trois ou quatre personnes qui me voyaient dans tout.
Votre fille Catherine est morte il y a quelques années. À quoi ressemble le quotidien avec une enfant trisomique?
J. S. : Il y a 56 ans, il n’y avait rien! Dans les cliniques, c’était automatique, on nous incitait à les placer. Ça ne se passe plus comme ça, car il n’y a plus d’endroit pour les placer. Un enfant trisomique, on appelait ça un mongolien. Dès la naissance, ça se voit. Ce sont des enfants magnifiques. Catherine était beaucoup plus belle que Mireille. Son petit nez, ses petits yeux bridés, Catherine était tellement belle! Les docteurs et les infirmières vous annoncent ça en deux phrases et s’en vont…
Avez-vous été découragée devant l’ampleur de la tâche?
J. S. : Non pas du tout. Je suis rentrée à la maison sans enfant, car les jumelles étaient très petites. Elles sont nées presque un mois avant terme. Mireille pesait quatre livres et demi et Catherine trois livres et demi. C’est petit! Avec Mireille, ç’a été assez vite. Elle avait beaucoup d’appétit ma fille! Catherine a presque tout de suite attrapé une jaunisse. Ce qui est fréquent. Elle a été transportée dans un autre hôpital. Un docteur m’a appelée et m’a dit : « Madame, votre fille ne passera pas la nuit. De toute façon, elle est mongolienne. On ne fera rien de plus, mais rien de moins. » Mon mari est entré dans une colère épouvantable, on est venus tout de suite à l’hôpital, on a demandé à voir la petite. Comme elle avait une jaunisse, elle avait un beau teint un peu bronzé et Henri a dit : « Elle est magnifique ma fille. Regardez-la. »
Moi, mongolienne, je savais ce que c’était, mais dans ma tête, j’étais sûre que je pouvais la guérir. Il a fallu que j’aille à New York, voir un docteur très réputé au plan de la nutrition, car la première année, il n’y avait pas que le mongolisme. La nourriture passait tout droit, la petite ne pouvait rien absorber. En la voyant, le docteur a fait : ah! C’est là que j’ai compris que ce n’est pas moi qui la guérirais.
Les trois premières années, c’était le bonheur. On était à Vaudreuil. Elle a marché tard, environ trois ans après Mireille. Tous les apprentissages sont lents et difficiles. Nous les parents, nous avançons dans ce passage de la vie avec une enfant différente, en même temps qu’elle, lentement.
Vous étiez très énergique pour traverser tout cela!
J. S. : C’est elle qui était énergique. On l’amenait partout, même si elle ne marchait pas. Je ne peux pas dire que c’était un poids. Le poids, c’était quand elle était malade.
Est-ce que le gouvernement vous aidait d’une quelconque façon?
J. S. : Non, l’allocation familiale était peut-être un peu plus élevée pour Catherine, mais ce n’était pas grand-chose. Dans les organismes de soutien, ce sont toujours des parents qui se débattent et qui finissent par avoir des subventions. Catherine est allée dans une école spécialisée jusqu’à l’âge de 23 ans. À cet âge, ils ne pouvaient plus l’accueillir et j’étais totalement démunie. Je travaillais beaucoup au théâtre, à la télévision, il fallait que je trouve une solution. Un jour, j’ai eu l’occasion de dire dans une interview que je n’avais aucune aide pour Catherine, qu’il n’était pas normal que nous ne soyons pas aidés pour garder une enfant dans sa condition. Quelqu’un de L’Association de Montréal pour la déficience intellectuelle (l’AMDI) m’a appelée en me disant : « On est là, nous, pour vous aider. Venez nous voir. » L’AMDI favorise la participation sociale des adultes ayant une déficience intellectuelle et offre des services de soutien aux familles dans l’exercice de leurs responsabilités face à un enfant différent. Donc je suis allée, et j’ai fait longtemps partie du conseil d’administration. Je dois vous dire que je ne suis pas utile là-dedans, pas du tout!
Mais comme porte-parole, votre voix est entendue. C’est un rôle important!
J. S. : Oui, et j’y tiens. Pour les parents et pour les enfants! Je les appelle toujours les enfants. Je devrais dire les personnes. Ils restent tellement enfants.
Diriez-vous qu’il y a actuellement un progrès dans la perception que nous avons de ces personnes différentes?
J. S. : Oui, il y a un progrès dans le rapport avec le public. Avant, ceux qui ne les gardaient pas les cachaient… J’ai eu des camarades d’école qui ont eu des enfants trisomiques qui ont automatiquement été placés, sans qu’on leur demande leur avis. Ils n’ont pas eu à choisir. C’est terrible ça! Moi, personne ne m’a parlé de placer mon enfant. Ils ont dû se dire : « Avec elle, c’est pas la peine! » Avec Henri, jamais on n’a parlé de placer Catherine. Jamais!
Catherine a certainement été beaucoup plus heureuse ici avec sa famille que dans une institution.
J. S. : Je le crois. Quand je faisais les commissions avec les jumelles et que Mireille voyait les gens se retourner pour nous regarder, ça la choquait. Je lui disais : « Mireille, on aurait fait la même chose. Il faut que tu t’habitues, ce n’est pas offensant. Les gens sont surpris. » C’est difficile d’être la sœur d’une enfant différente.
Est-ce que Mireille se sentait un peu lésée à cause de l’attention que vous donniez à Catherine?
J. S. : Oui, mais sur le coup, je ne voyais rien. C’est plus tard que j’ai mesuré l’impact de cette relation. C’est difficile dans une famille pour le frère ou la sœur, même s’il aime cet enfant. Et moi, c’était des jumelles en plus. Mireille adorait sa sœur, et Catherine aurait fait n’importe quoi pour elle.
La trisomie, c’est très différent de la maladie mentale. La déficience, c’est un état qui suit un processus de progrès lent, mais réel. Catherine ne parlait pas couramment, mais chose comique, elle inventait des mots. Son vocabulaire n’était pas très étendu, 25 mots, les plus courants. Elle avait du mal à dire Mireille car il y avait un « r » dans son nom. Elle l’appelait «Témé », parce que souvent je les appelais « mes petites aimées ». Elle était tellement plus intelligente que ce que les gens pensaient.
Comme c’est mystérieux!
J. S. : Oui, tellement mystérieux! Quand je donnais des cours, on poussait la table, elle s’asseyait dans l’entrée, et chose étrange, elle riait aux bons endroits… Puis, elle trouvait que je les gardais trop longtemps le soir. Alors elle prenait les bottes et elle venait nous jeter ça. Elle était fatiguée probablement…
Depuis quelques années, vous êtes marraine de l’organisme Baluchon Alzheimer. Une maladie qui vous touche, car votre frère en a souffert pendant longtemps.
J. S. : Pendant 11 ans. Mais ça aussi, c’est un mystère incroyable. Mon frère n’a pas été malheureux. Non. Il n’y a pas actuellement de thérapie pour la maladie d’Alzheimer, mais il y a tout de même des progrès. Le début est la période la plus terrible, car ils sont conscients de leur état. Pour mes 70 ans, j’avais organisé un gros party. Mon frère était là avec ma belle-sœur et des amis. Personne n’aurait pu dire qu’il souffrait d’Alzheimer. Pourtant, c’était déjà là. Et ce diagnostic qu’ils annoncent beaucoup trop tôt à mon avis! Quand tu prononces le mot Alzheimer, il y a un vide qui s’installe tout à coup. Pour les amis et même pour la famille, c’est quelqu’un qui est déjà mort. Les proches d’une personne atteinte deviennent rapidement isolés.
C’est mon amie Marie Gendron qui a fondé Baluchon Alzheimer. Elle était infirmière et pendant son doctorat, elle a fait de la recherche sur cette maladie. Ce qui l’intéressait, c’était le terrain, c’est-à-dire les personnes qui le vivent et les aidants naturels, parce que c’est terrible de vivre avec une personne atteinte. Elle a eu cette idée géniale de fonder un organisme pour permettre aux aidants naturels d’avoir un service d’accompagnement, de soutien, afin de pouvoir prendre un répit durant quatre à quatorze jours, sans avoir à transférer leur proche dans un autre milieu que son domicile. La baluchonneuse vient prendre soin de la personne atteinte, et la personne aidante part en vacances. Elle ne doit pas rester sur place. Il y a maintenant 27 baluchonneuses qui sont disponibles.
À l’âge que vous avez, bientôt 94 ans, la mort vous a enlevé beaucoup de proches, beaucoup d’amis. Comment vivez-vous ces pertes?
J. S. : Cela dépend évidemment du lien que j’ai avec la personne disparue. Perdre Gilles Latulippe a été très grave pour moi. Je savais qu’il avait eu un cancer du poumon il y a quatre ans. Il n’avait pas voulu se soigner, et son cancer s’était en quelque sorte endormi. Et là, il s’est réveillé. Gilles n’avait plus aucune illusion. Il a fini de jouer à Drummondville et il est entré à l’hôpital. Cette phase terminale a duré un mois. Ce n’était pas douloureux, il n’avait pas de traitement, mais il savait que c’était irrémédiable. Je n’osais pas y aller, parce que, quand tu es dans un état proche de la mort, une présence même aimée te pèse. Et je dois dire que c’est Jean-François, le mari de Mireille, qui m’a dit : « Janine, je pense que vous avez tort. Allez le voir. » L’idée a fait son chemin dans ma tête, j’ai appelé Susanne, sa femme, et je lui ai dit : « Demande-lui si je peux aller le voir. » Ça a pris quelques jours et elle m’a dit oui. Alors je l’ai vu plusieurs fois à l’hôpital. Un jour, il avait du mal à parler, je me penche et il me dit très bas : « Je veux partir. » Il trouvait ça long. Puis ma camarade Catherine Bégin est décédée aussi. C’est arrivé comme un coup de tonnerre. On avait presque 20 ans de différence, mais on s’est tellement aimées.
J’imagine que toutes ces pertes vous ramènent à votre propre mort, à votre propre fin.
J. S. : C’est certain! Quand René-Richard Cyr m’a appelée pour jouer dans les Belles-sœurs, je lui ai dit : « C’est à tes risques. C’est quand? Dans trois mois? Écoute, tu me rappelles, parce que je ne sais pas si je serai encore là. » Mais tu t’habitues à cette idée de la mort qui s’en vient. Et puis, j’ai eu la perte de Catherine qui m’a complètement mise à terre. Complètement! Qui me met encore à terre, même si je ne veux pas que tout le monde soit à terre avec moi. Mais sa mort n’a pas été une mort comme les autres.
Comment ça?
J. S. : Elle était intubée depuis un certain temps. Elle avait le regard fixe, elle n’était plus là. Un jour, le médecin nous a dit : « On ne peut plus rien faire, il faudrait la débrancher. Quand voulez-vous que nous le fassions? » Alors nous avons choisi un jour, une heure, nous étions tous là autour d’elle… Il s’est passé une heure trente environ, et elle est partie…
Perdre un enfant c’est certainement la chose la plus terrible pour un parent!
J. S. : Elle avait 52 ans. Ça veut dire que j’ai vécu 52 ans avec elle, jour après jour, 52 ans de bonheur. Bien sûr, elle a été gardée parfois, mais j’ai eu des gens extraordinaires. Avec l’AMDI, elle est entrée dans un organisme qui favorisait leur intégration. Ils allaient au cégep d’Ahuntsic avec un éducateur, ils passaient dans les classes du cégep avec une petite voiture pour vider les paniers de papiers. C’était leur travail. Catherine adorait ça. Tous les matins, elle partait. Au point de vue transport, on a été très gâtés, sauf au tout début, la conductrice refusait d’entrer sur le terrain. Alors on devait, hiver comme été, attendre sur le coin de la rue.
Vous avez eu une vie très mouvementée au travail, au plan familial et dans vos amours… Avez-vous fait la paix avec tout cela?
J. S. : Difficilement. C’est pour ça que ç’a été très douloureux avec Jean-François de faire ce livre. En disant tout ce que j’ai fait dans ma carrière, ma vie familiale y passait, c’est certain!
Parfois dans la vie on fait des choses qu’on aurait aimé ne pas faire. Ça arrive à tout le monde! Est-ce que vous vous pardonnez ces choses-là?
J. S. : C’est du passé! Je ne fais pas tellement de culpabilité. Je pourrais… (Rires…) L’AMDI et Baluchon Alzheimer sont deux organismes qui me tiennent beaucoup à cœur! Depuis 15 ans, l’AMDI attribue le « Prix Janine-Sutto » pour souligner le talent artistique des personnes ayant une déficience intellectuelle et promouvoir une image positive de ces personnes différentes. Et puis chaque année, depuis 33 ans, il y a la soirée-théâtre pour les gens d’affaires, une soirée-bénéfice pour soutenir différents projets : des voyages, des camps d’été ou encore pour les aider à vivre en appartement. Nous souhaitons le plus possible leur donner une vie autonome.
Vous êtes toujours active?
J. S. : Un peu moins qu’avant, c’est sûr, mais je vais beaucoup au théâtre. La semaine dernière, je suis allée à trois premières. J’assiste aux auditions du Quat’Sous pour les finissants des écoles. Mais je suis handicapée, je ne peux pas sortir seule. C’est ce que j’ai le plus de mal à accepter. Je suis dépendante de personnes qui veulent bien m’aider. Heureusement, j’ai Hélène qui habite dans ma tour, une dame à la retraite qui gardait Catherine de temps en temps. Alors une fois de plus, je peux dire que j’ai de la chance!