Par Mario Bélanger – membre du comité de rédaction – 1er décembre 2024
Ce n’est pas la première fois que notre revue choisit la spiritualité comme fil rouge de l’un de ses numéros. Pourquoi revenir sur ce thème qui, en plus d’avoir déjà été abordé, reste avec son binôme unificateur « santé », la toile de fond de chaque parution de cette revue ? Y a-t-il eu des découvertes scientifiques ou des avancées cliniques significatives qui justifieraient ce retour aux sources ?
Ce choix relève plutôt d’un constat presque brutal. Malgré la reconnaissance de la dimension spirituelle comme l’une des constituantes de l’être humain, malgré l’intérêt décuplé par rapport au spirituel chez grand nombre de disciplines liées aux soins de santé, de même que chez nos contemporains, malgré les efforts considérables de plusieurs cliniciens pour réinventer un discours et des pratiques plus en phase avec les sensibilités sociales actuelles, la prise en compte de la dimension spirituelle dans l’approche holistique demeure en marge pour la majorité des milieux de soins. Certes, des avancées continuent de se consolider, notamment en soins palliatifs et de fin de vie, en oncologie ou dans l’accompagnement des individus souffrant de troubles neurocognitifs sévères. Toutefois, elles sont souvent portées par des intervenants en soins spirituels charismatiques qui sont reconnus crédibles pour ce qu’ils ne sont pas (moralisateurs, vieux jeu ou trop associés à l’univers religieux), plutôt que pour ce qu’ils offrent, généralement dans la discrétion : un accompagnement spirituel articulé auprès de personnes en quête de sens, de connexion, de dignité humaine dans des contextes où tout cela semble leur échapper.
La tentation serait grande de trouver des raisons à cet état de fait comme, par exemple, le désaveu généralisé des religions qu’on amalgame faussement avec la spiritualité, une vision incomplète de l’être humain qui fait peu de place à sa dimension spirituelle, la crainte du retour de mouvements de droite ou l’arrivée d’une immigration prosélyte qui imposerait ses valeurs, etc. Ce n’est pas le choix que nous avons fait. Le présent numéro s’attardera plutôt à exposer différentes facettes du spirituel et de la spiritualité, entrant parfois en collusion ou en collision les unes avec les autres, afin de faire éclater nos « petites boîtes » confortables et qu’ainsi les préjugés tombent. Alors, dépouillés de nos a priori, nous pourrons placer la spiritualité au cœur des soins, pour que soit libérée cette dimension universelle et dynamique qui vise à donner sens et à relier, ouvrant de nouvelles voies dans le bien-être global des personnes et des communautés (Cherblanc et Bergeron-Leclerc).