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Par Diane Baignée – 1er août 2024

Cet article invite à une réflexion sur nos réactions face aux décès soudains et inattendus, offrant des outils pratiques pour mieux gérer émotionnellement ces événements. À travers des récits personnels touchants et des perspectives philosophiques, madame Baignée nous incite à envisager la mort non seulement comme une fin, mais aussi comme une transition, voire une porte s’ouvrant sur de nouvelles dimensions de compréhension et de spiritualité.

 

La vie et ses cycles naturels

Dès les premiers jours de notre existence, des changements de toutes sortes se manifestent. On déménage, on vit des ruptures amicales ou amoureuses, ou les deux, on perd l’usage d’une faculté ou d’une capacité, nos grands-parents décèdent, etc.
 
Des deuils s’ensuivent, lesquels nous surmontons tant bien que mal. Ils se cumulent et s’additionnent à notre bagage d’expériences. Le changement s’avère l’une des lois fondamentales et incontournables de la nature. Prenons l’exemple d’une fleur. Une tige fracture la terre et cherche la lumière du soleil. Par la suite, un bouton se forme et se gonfle, des pétales se déploient et à maturité, la corolle se flétrit. Quelque temps plus tard, la fleur meurt. Ses graines sont emportées par le vent ou l’eau, et voilà qu’un cycle naturel se termine et qu’un autre débutera, si Dieu, l’Univers, la vie, etc., le veulent. Assez élémentaire comme raisonnement, vous me direz, mais très poétique. Voilà ! C’est la vie.
 
La mort d’une fleur que vous avez admirée vous laisse probablement indifférent, car vous comprenez d’emblée que ce cycle de vie est normal. Est-ce que nous croyons que la vie respecte le même mouvement en ce qui concerne l’être humain ? Rarement. Parfois, l’incompréhensible se présente. Nous devenons témoins de la fin de vie subite ou imprévue d’une personne. Notre esprit, nos émotions et des sentiments mixtes ne savent plus où donner de la tête. Nous avons appris pourtant que la vie humaine est limitée au calendrier de l’existence terrestre, c’est l’explication cartésienne.
 
Malgré ce rationnel, vous ressentez une détresse, vous entrez dans l’obscurité. Vous êtes dévasté devant cette mort inopinée. Il se peut que vous soyez une personne qui sait faire preuve de sang-froid. Vous avez peut-être bâti au fil du temps de bons mécanismes de défense et de survie. Peut-on affirmer que la mort ne perturbe pas du tout ? Je ne crois pas.
 

La mort n’existerait pas s’il n’y avait pas de vie.

 
Parler de la mort ne fait pas mourir, mais s’y attarder, nous renvoie-t-il à la nôtre, à ce dernier soupir ou à ce sommeil éternel ? On n’aime pas y penser, le moins possible.
 
Encore tabou, le concept de la mort est tissé de préjugés, de peurs et de faux-fuyants qui se justifient selon nos croyances. Voilà le point.
 
Profitez, si vous le voulez bien, de ce moment pour revisiter vos convictions face à la mort. Est-ce que celle-ci, à proprement parler, est une fin en soi ou un passage obligé ? Y a-t-il une vie après la mort ou c’est le néant ? Est-ce que l’esprit habite un corps et le quitte pour joindre l’énergie cosmique ? Est-ce que le corps n’est que matériel et rien ne peut le transcender ? Votre réponse à ces questions saura vous servir de guide, de repères en amont de vos expériences de deuil. Par exemple, si je crois que la vie est un passage, ce sera le sens donné de mon expérience face à la mort. Ainsi, en me référant à cette pensée, je pourrai retrouver un certain réconfort, l’apaisement de la douleur sachant qu’il existe un « après ».
 

Une mort soudaine et inopinée | être témoin d’un événement marquant

À l’instant où l’on fait face à la finitude d’une personne (notamment en milieu de travail), notre cerveau actionnera possiblement la commande qui déclenchera un tourbillon d’émotions. Nous sommes saisis. C’est normal, mais comment réagir ?

Notre personnalité, notre histoire, notre rôle social et notre identité sont quelques facteurs qui définiront nos réactions. La réponse face à l’événement diffère. Le processus qui s’ensuit sera d’autant plus singulier. Est-ce qu’on se dirigera vers une voie d’évitement ou de déni ? Resterons-nous bouche bée ou stoïques pendant un moment ? Verserons-nous des larmes de l’intérieur ou de l’extérieur ? Ressentirons-nous de l’anxiété, de l’angoisse ? Serons-nous en état de choc ? Tous ces énoncés sont possibles et vrais et ne devraient pas faire l’objet de jugement. La diversité des émotions se reflète aussi à travers la mort et le deuil.
 
Il n’existe aucune formule éprouvée qui puisse garantir du parcours du deuil, qu’il sera résolu dans un temps donné et que vous serez « délivré » de vos pensées récurrentes et de la souffrance qui l’accompagnent (surtout en début du processus). Le deuil ne possède pas de date de péremption comme le yaourt, il se vit par intermittence. Il traverse de multiples états d’âme.
 

Tout un chacun et tous ensemble

Cependant, il existe des repères sur lesquels on peut s’appuyer et qui s’adressent à l’ensemble des personnes qui subissent le contrecoup d’un événement troublant et inopiné.
 
Il faut savoir d’emblée qu’une stratégie proposée et soutenante (par exemple, la méditation), qui convient à une personne, peut être rebutante pour une autre. Devant un même événement difficile, un groupe d’individus progressera vers un certain rétablissement si les besoins de chacun, et leur processus sont respectés. La conjugaison de ces deux approches (individuelle et collective) est la clé qui ouvre la porte à l’apaisement et la solidarité, le cas échéant. On parle d’une approche systémique. S’aménagera un espace permettant l’expression d’émotions où chacun aura la possibilité de grandir à l’intérieur de cette expérience individuelle ou collective.
 
Sachez que le deuil requiert du temps, de l’attention et du soutien. L’aide professionnelle et des périodes de « debriefing ou de post-mortem » (individuelles ou en groupe) sont, selon moi, des avenues intéressantes qui contribuent à nous faire progresser vers l'apaisement et ouvrent la porte à des réflexions constructives. Parfois, la mort et le deuil éveillent de fortes résonances émotionnelles qui sont à ne pas négliger et sous-estimer."
 
Je dirais finalement que le deuil permet l’évolution de la nature humaine et offre l’accès à une conscience plus large. La vie est fragile. Une fleur peut mourir avant sa floraison si son environnement est aride.

Deux éclipses totales

Permettez-moi d’ouvrir une parenthèse et de vous confier, en quelques mots, une expérience personnelle liée à ce sujet si délicat, qu’est la mort subite. Vous comprendrez que ma formation et ma vie professionnelle pourraient justifier mon intérêt pour le sujet, mais non seulement ce volet de ma vie m’y amène.
 
Comme plusieurs d’entre vous, j’ai traversé plusieurs deuils. Lorsqu’on a le privilège d’atteindre un âge notoire, il est normal de perdre des parents, des grands-parents et parfois des amis. Or, je n’avais jamais pu imaginer que se pointeraient la mort et le deuil des personnes les plus significatives de ma vie. Des deuils, les plus « corsés », m’ont happée. Deux départs qui ont littéralement fait basculer mon existence. Bref, je n’avais jamais osé penser que je vivrais le décès de mes deux enfants en vingt mois.
 
En 2010, ma fille aînée est décédée subitement par une belle journée de septembre. J’ai compris, pour une première fois, que cette mort tragique et inexpliquée pouvait créer un impact considérable en moi, une brèche, mais aussi une marque auprès du personnel du centre hospitalier où je me suis trouvée. On a tenté en vain de réanimer la vie de ma fille. Ce décès a produit une onde de choc et un chaos émotionnel à l’intérieur des murs de l’urgence. Tous les employés et moi vivions un état de désarroi. Nous ne faisions qu’un devant cette immense tragédie humaine et cette mort incomprise. S’est rapidement créé un esprit solidaire dans ce grand bouleversement. Une jeune fille de 32 ans, dite en santé, avait quitté ce monde. C’était mon enfant, mais l’enfant de tout le personnel. On dit qu’il faut un village pour élever un enfant, je dirais qu’il faut un village pour soutenir ce genre de choc. Mort naturelle, a expliqué plus tard le coroner. Vingt mois sont passés et mon fils décédait d’un cancer fulgurant. Quoi comprendre ?
 

À la découverte de magnificence et du potentiel humain par la spiritualité

À partir de cette histoire de pertes, j’ai vécu la noirceur. Pour percer le visage sombre de la vie et arriver à un carrefour, j’ai fait un choix. J’ai alors dévoré des livres sur le sujet et j’ai quitté ma région pour me rapprocher de la nature. Je souhaitais l’anonymat. Quelque temps après le décès de mon fils, j’ai découvert le meilleur baume au monde, j’oserais dire mon salut. C’est ce qu’on appelle la spiritualité.
 
À partir de ces deux épisodes, mes croyances et mes valeurs, celles intégrées à ma programmation et instaurées au tableau de bord de mon existence, ont été complètement remises en cause. J’ai décroché le pilote automatique de mon cerveau. J’ai détricoté ma vie pour y tisser un nouveau « sens », dans tous les aspects du mot.
 
Je me suis rapprochée de moi, de la nature, des montagnes, du calme. Mes yeux et mon cœur ont abusé de la beauté des paysages, de la musique, des sourires. J’ai développé une admiration pour les petites choses de la vie. Je suis sortie du mode « survie » pour ouvrir la porte à la vie, à son privilège, à l’intériorité. J’ai découvert que pour se sortir des épreuves, il fallait transcender ce monde matériel et les souffrances animées par les souvenirs. Cela n’a pas toujours été facile, mais j’y ai cru.
 
Avec l’apprentissage, lorsque survient une vague de tristesse, j’invite le deuil à s’asseoir à ma table, et nous nous offrons une petite jasette amicale, idée de s’apaiser mutuellement. J’ai compris aussi que l’amour ne meurt jamais, peu importe l’heure et le contexte de la mort d’une personne que nous chérissons, ou bien simplement devant le phénomène qu’est la mort.
 
Depuis, le plus gros de la tempête étant passé, la conversation avec l’esprit de mes enfants s’est engagée régulièrement. Je me permets de garder contact avec eux dans l’invisible dimension.
 
Cette spiritualité, c’est un mot, une forme. Il convient de la modeler à sa manière. Je crois que sa source est la vie, les hautes vibrations et l’amour sous toutes ses formes. C’est ma vision, particulièrement quand j’ai les yeux fermés, en silence. « Ma » spiritualité me permet d’apprécier ce privilège que d’être vivant, dans ce présent moment. C’est tout simple maintenant. C’est la mort qui me l’a appris.
 

Il n’est pas possible d’apprécier correctement la lumière sans connaître les ténèbres (Jean-Paul Sartre)


Photo : Daniel Paulhus



Diane Baignée est auteure, thérapeute spécialisée dans l’accompagnement des personnes endeuillées et conférencière. Elle est détentrice d’une maîtrise ès arts en travail social. Elle est également spécialisée en gérontologie sociale. Elle a œuvré au sein du réseau de la santé et des services sociaux pendant 25 années à titre de cadre et de clinicienne. Elle a travaillé comme chroniqueuse et journaliste. Aujourd’hui, elle donne des conférences sur le deuil et sur le « bien vieillir » et offre des services professionnels de counseling en pratique privée.

Diane Baignée offre des conférences sur le deuil et des formations intitulées « Le deuil, s’en faire un allié ». Vous pouvez la contacter à l'adresse suivante : diane.baignee@gmail.com

 





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24 septembre 2024

Vous êtes amoureux de quelqu'un et ce n'est pas réciproque ???

Vous ressentez des sentiments forts pour quelqu'un alors que ce dernier ne ressent rien en retour pour vous ???

Ou ne vous aime plus vous avez vécu des moments fascinants et forts avec votre compagne qui du jour au lendemain vous annonce qu'il ne vous aime plus ???

Vous avez vécu des années de vie de couple avec votre conjoint qui commence à ne plus s'intéresser à vous ???

Votre homme prend ses distances, à ne plus vous aimer vous vous demandez ce qui ne va pas ???

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Par Comlan
29 août 2024

Merci pour le partage, votre texte est un vrai "bijou"!

Par Vicky Drouin
3 août 2024

Merci d'avoir partagé votre expérience de la mort de vos deux enfants et de nous donner des avis en cas de deuils subits. J'ai perdu ma mère à 5 ans et le deuil fut très long.
Un thérapeuthe m'a invitée à retracer ce qui m'a permis de vivre positivement à cause de l'absence de ma mère. et ce fut la libéraion.

Par Agathe Brodeur

Dernière révision du contenu : le 4 septembre 2024

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