Ouvrir les mains | Un des profits des soins spirituels

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Par Mario Bélanger, intervenant en soins spirituels – 1er août 2014

L’un des réflexes les plus naturels chez l’être humain, lorsqu’il vit la peur, la douleur ou le danger, c’est de serrer les poings. Notre instinct de survie est si profondément ancré! Il va de soi que le geste inverse, celui d’ouvrir les mains, est signe de lâcher-prise et de confiance.

Me revient en tête cette expérience vécue chez le dentiste, lorsque j’étais jeune adulte. Voyant que mon stress pouvait compliquer le traitement qu’il était en train de me prodiguer, mon futé dentiste m’a invité à desserrer les poings. Le détournement de ma concentration de la source de l’inquiétude pour l’amener sur le geste de desserrer les mains a eu l’effet immédiat de me calmer un tout petit peu. Depuis, j’ai souvent utilisé ce truc, en de pareilles circonstances.

Je fais un lien avec l’accompagnement spirituel des personnes malades, en particulier des personnes en fin de vie ou leurs proches. Devant le danger de sa propre mort ou de celle d’un proche, nos poings se resserrent. Notre réflexe premier est de garder, maintenir, se battre, survivre. L’un des objets de l’accompagnement spirituel en de tels contextes c’est, il me semble, de permettre à la personne accompagnée de desserrer ses poings intérieurs pour détourner l’attention exagérément fixée, l’amenant vers un état de confiance qui peut éviter à la personne de mourir (de peur?) avant d’être morte.

Il me semble que le rituel de fin de vie peut particulièrement jouer ce rôle. J’ai en tête cette récente intervention à la suite d’un appel de garde. Un époux, dans la jeune vingtaine, s’apprêtait à « laisser partir » sa femme de 24 ans, victime d’un accident cérébral fatal, alors qu’elle était enceinte depuis six semaines pour une première grossesse. Je le revois, au moment de commencer la célébration de prière et bénédiction, tout recroquevillé sur lui-même, penché en « petit bonhomme » à côté du lit, soutenu par ses parents et ses proches. Tout au long de la célébration, axée sur l’héritage de vie de la mourante et sur l’abandon dans les mains d’un plus grand que nous, il garde cette position. Il pleure, répond à mes questions, pleure beaucoup encore, écoute… rien ne lui échappe. Ses poings sont fermés sur la peur de ce qui s’en vient pour elle, et probablement surtout pour lui-même. C’est au moment de la bénédiction qu’il se déplie et qu’il pose un signe de croix, d’une immense affection, sur le front de sa douce avant de l’étreindre. Ses mains intérieures pouvaient se desserrer dans un geste d’inconcevable lâcher-prise. Il pouvait espérer en une toute petite lumière dans l’abyssale noirceur qui l’envahissait depuis quelques jours. Après, il est resté debout!

La force de l’accompagnement spirituel, et particulièrement des rituels de fin de vie, c’est d’ancrer l’usager ou ses proches plus solidement et plus durablement dans la confiance et le relèvement. La présence et l’action des intervenants en soins spirituels en milieu de santé sont des plus-values non négligeables, en ce sens.


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