Par Carole Paris, intervenante en soins spirituels - 1er avril 2015
Hôpital Notre-Dame du CHUM
La perte de la santé est, pour plusieurs personnes, l’un des plus grands deuils qu’ils puissent vivre. Ceci est d’autant plus vrai lorsque la personne est confrontée à une maladie potentiellement mortelle comme le cancer. Les pertes engendrées par celui-ci soulèvent chez elle de nombreuses questions d’ordre existentiel qui peuvent faire vivre un grand bouleversement spirituel. Le cancer confronte plusieurs à leur finitude. Dans ce grand bouleversement, certaines personnes prennent conscience de leur vulnérabilité, de leur fragilité et de la précarité de la vie.
Mon expérience en oncologie gynécologique me montre que dans le parcours de maladie, après le choc du diagnostic, s’installe chez la plupart des patientes un espoir qui les mobilise envers et contre tout. Bien que de plus en plus dans le monde médical, le cancer est perçu comme une maladie chronique, cet espoir propulse la patiente vers un avenir empreint d’une guérison. Gonflée à bloc, elle suit les consignes médicales à la lettre et fait tout ce qui est en son pouvoir pour retrouver la santé et « vaincre le cancer ». L’espoir donne des ailes et de l’énergie; toutefois il est vite effrité lorsque la récidive pointe son nez.
À la suite d’une récidive, plusieurs patientes passent de l’espoir à l’espérance. Entre l’espoir et l’espérance se faufile souvent une grande détresse où le désespoir est omniprésent puisque tous les espoirs ont été investis dans « la guérison ». La personne se retrouve devant son pire ennemi, le cancer qu’elle a combattu pendant des semaines, des mois, voire des années. La rémission est courte pour plusieurs et la récidive malheureusement cogne trop souvent aux portes des personnes qui, avec toute la volonté du monde, ont tout fait pour maintenir cette dernière le plus loin possible.
Dans cet entre-deux, mon rôle consiste à trouver le fil d’Ariane qui guidera la personne vers un certain mieux-être intérieur, une certaine paix : une voie lui permettant d’entendre, au-delà de l’espoir de guérison effrité par l’évolution de la maladie, l’espérance qui l’habite. Dans cet espace où la tempête semble engloutir la personne, je rame souvent avec elle pour lui permettre de souffler un peu. L’aidant à retrouver ou mieux utiliser ses ressources spirituelles, je danse, au fil des rencontres, ce pas de deux.
Danser au rythme de la personne implique souplesse et patience. De plus, une manière « d’être avec » s’impose afin de danser avec la personne ce pas de deux jusqu’au fil d’arrivée. « Être avec » c’est faire route avec l’autre pour lui permettre de se dire dans son expérience, de faire émerger son désir de vivre malgré la fatalité imminente. C’est donner à la personne des moyens de se sentir vivante, d’exister. En faisant route avec la personne, en se faisant proche d’elle, en se laissant ébranler, toucher, déstabiliser parfois, l’intervenant en soins spirituels permet souvent au patient de faire un pas de plus.
La qualité de relation peut être, en elle-même, porteuse d’espérance. L’intimité créée au fil des rencontres, à travers les gestes, les regards, les mots est transformatrice autant pour la patiente que pour l’intervenant. Il ne faut pas oublier que dans la complicité du silence surgit la beauté de l’Amour réparateur et unificateur. C’est ce fil d’Ariane qui permet souvent de relier l’espoir à l’espérance.