Par Stéphane Rivest – 1er décembre 2024
Dans cette chronique, Stéphane Rivest, intervenant en soins spirituels, partage ses réflexions sur l’accompagnement des personnes en soins palliatifs. Il explore, à travers des exemples concrets, l’acceptation de la mort, un chemin souvent difficile, mais nécessaire pour favoriser une fin de vie paisible, ainsi que l’impact de cette acceptation, ou de son absence, sur les proches.
Mon intention en soins palliatifs | favoriser une mort paisible
Dans le cadre de l’accompagnement spirituel auprès des personnes en soins palliatifs, l’intention qui m’anime comme intervenant en soins spirituels (ISS) est toujours la même : comment favoriser la mort la plus paisible possible. Cette intention ne se concrétise pas toujours, vous vous en doutez bien. La paix n’est pas quelque chose qui s’obtient facilement. Comme me disait un patient : « j’aimerais t’acheter un peu de sérénité avant de mourir ». Si la paix pouvait s’obtenir par des moyens financiers, j’ose parier que plusieurs auraient dépensé leur fortune pour se la procurer.
Les conditions qui favorisent une mort paisible
Dans les faits et selon mon expérience d’une dizaine d’années en tant qu’ISS, la possibilité de mourir en paix dépend de plusieurs choses. D’abord, elle semble reliée à l’existence que les gens ont menée. Les individus satisfaits d’avoir « mené une bonne vie » semblent approcher la mort avec le sentiment du devoir accompli. Les accomplissements et réalisations personnelles, familiales, professionnelles, sociales, spirituelles, s’avèrent une source de réconfort et de satisfaction. Ensuite, la paix semble dépendre de la capacité de la personne à se détacher progressivement de ses « attaches terrestres », à lâcher-prise sur la vie pour accueillir la mort. La résistance intérieure face à la mort et la tension psychique et spirituelle qui en résulte permettent rarement de gouter aux fruits de la pacification. Enfin, pour les personnes qui quittent ce monde, pouvoir entendre de la bouche des êtres chers qu’ils ont été aimés, qu’ils peuvent partir tranquilles et que ceux qui restent seront entre bonnes mains. Il est toujours rassurant de savoir que ce que l’on quitte sera pris en charge par d’autres. En somme, un mot résume ces trois éléments qui favorisent une mort paisible : l’acceptation.
Un cas difficile | L’acceptation | un chemin exigeant, mais nécessaire
J’ai récemment accompagné une jeune gestionnaire de 54 ans qui allait décéder d’un cancer du cerveau. La fin de vie a été pénible, car le simple fait d’évoquer la mort créait chez cette patiente une crise d’angoisse. L’idée de laisser son conjoint et ses enfants lui était insupportable. Comme ISS, on attendait de moi que j’aide la patiente à apprivoiser la mort et que je lui offre des outils pour gérer son anxiété existentielle de fin de vie.
L’incapacité d’accepter la mort était une source de souffrance pour la patiente, mais également pour son conjoint. Celui-ci me demandait s’il était important que sa femme finisse par l’accepter. Je lui ai dit que l’acceptation qui semblait au-dessus de ses forces allait simplement avoir pour conséquence de priver ses enfants et lui-même d’adieux qui auraient pu être bénéfiques pour leur processus de deuil. Il avait maintenant à son tour un cheminement à faire : accepter que sa femme n’accepte pas la mort et qu’il ne lui fasse pas ses adieux formellement. L’acceptation est un mot lourd et exigeant auquel plusieurs professionnels préfèrent le mot adaptation. Pour la maladie, c’est possible et pratique, pour la mort c’est impossible. C’est le seul chemin vers une mort paisible.
Stéphane Rivest est intervenant en soins spirituels au CIUSSSE de l’Estrie-CHUS depuis 2011. Il est également chargé de cours au Centre d’études du religieux contemporain et professeur associé clinique à la faculté de médecine et des sciences de la santé de l’Université de Sherbrooke. Il a complété son doctorat en 2022 dans le cadre d’une recherche portant sur l’évaluation par les cardiologues québécois de l’impact de l’insuffisance cardiaque sur la spiritualité des personnes. Enfin, il est enseignant de méditation pleine conscience (MBSR) depuis 2016.