Recherche clinique en gynécologie oncologique : pour des traitements moins invasifs

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Les résultats de l’étude SHAPE, menée par la Dre Marie Plante, gynécologue oncologue à L’Hôtel-Dieu de Québec et chercheuse de l’axe Oncologie au Centre de recherche du CHU de Québec-Université Laval, font beaucoup jaser depuis qu’ils ont été publiés dans le New England Journal of Medicine en février dernier, et pour cause : ils redéfinissent les standards de soins pour les femmes atteintes d’un cancer du col de l’utérus.

La Dre Marie Plante n’en est pas à sa première redéfinition des standards de soins dans le domaine du cancer du col de l’utérus. Dès les débuts de sa pratique en gynécologie oncologique, elle a contribué au développement, avec le Dr Michel Roy, de la technique de la trachélectomie radicale1, laquelle permet de préserver la fertilité des patientes atteintes d’un cancer du col de l’utérus. 

En 2010, la Dre Plante a proposé de comparer l’hystérectomie radicale2 – le standard de soins jusqu’à tout récemment – à l’hystérectomie simple chez les patientes ayant un cancer du col débutant et/ou peu agressif lors d’un « State of the Science Meeting » à Manchester (Angleterre). L’idée a alors été retenue comme un sujet d’étude prioritaire.

En 2012, après deux ans de préparation et de demandes de subventions, une première patiente a été recrutée pour participer à l’étude SHAPE, un essai clinique international prospectif et randomisé de phase 3, mené en collaboration avec le Canadian Cancer Trials Group (CCTG) et le Gynecological Cancer InterGroup (GCIG). 

En 2019, après sept ans d’efforts, 700 patientes ont été recrutées dans 12 pays et plus de 130 centres médicaux, principalement en Europe et en Corée du Sud. Fait notable : le quart des participantes recrutées dans l’étude provenaient du Canada, et la moitié de celles-ci du Québec (dont une bonne proportion qui sont suivies à L’Hôtel-Dieu de Québec).

Après trois ans de suivi, « nous avons des résultats concluants et convaincants qui vont changer la pratique. Nos résultats ont démontré que lors d’une hystérectomie radicale, il y a plus de risques de blesser les uretères et la vessie. Comme effets secondaires, nous avons noté plus d’incontinence et de rétention urinaire. Et parce qu’une plus grande partie du vagin est retirée, il y a eu plus d’impacts sur la qualité de vie et sur la santé sexuelle des patientes. En contrepartie, les résultats oncologiques entre les deux types d’hystérectomie étaient comparables. Ainsi, il est donc logique d’offrir un traitement moins radical, soit l’hystérectomie simple, qui réduit les effets secondaires de la chirurgie sans augmenter les risques de récidive, lorsque les critères d’inclusion sont respectés », précise la Dre Plante.


La Dre Marie Plante, gynécologue oncologue à L’Hôtel-Dieu de Québec et chercheuse de l’axe Oncologie au Centre de recherche du CHU de Québec-Université Laval.


Elle insiste d’ailleurs sur ce point : pour que le traitement soit sécuritaire et permette d’éviter les récidives, il est fondamental que les patientes sélectionnées pour l’hystérectomie simple correspondent aux critères de faible risque établis dans l’étude, notamment que les lésions soient petites (moins de 2 cm) et superficielles, et que le cancer ne soit pas d’un type histologique rare ou agressif. 

Dans les pays comme le Canada, où la vaccination contre le virus du papillome humain – principal responsable du cancer du col de l’utérus – et le dépistage avec le test Pap sont accessibles, le cancer du col est plus souvent diagnostiqué à un stade très précoce, d’où la pertinence d’un traitement moins invasif. En effet, les patientes chez qui l’on diagnostique les cancers du col utérin étant souvent plus jeunes (moins de 50 ans), elles risquent de vivre longtemps avec les effets secondaires de la chirurgie, d’où l’importance de réduire la radicalité de cette dernière lorsque possible. 

L’après SHAPE

Les résultats de SHAPE vont changer la pratique, mais l’étude a soulevé bien d’autres questions chez la Dre Plante. « Maintenant, j’aimerais mieux comprendre qui sont les patientes qui ont eu une récidive et pourquoi, et caractériser encore davantage les critères de sécurité en vue d’une chirurgie moins radicale. De plus, lorsque la tumeur a été retiré au préalable à la suite d’une conisation3 par exemple, je voudrais valider s’il serait sécuritaire de procéder à l’hystérectomie par laparoscopie4 plutôt que par laparotomie5. SHAPE a apporté des débuts de réponses, mais comme l’étude n’était pas conçue pour analyser ces questions-là, il faut entreprendre de nouveaux essais cliniques. »

La Dre Plante mène également d’autres projets de recherche sur le cancer du col, notamment l’étude internationale Contessa dont elle est l’investigatrice principale. Lorsque les lésions du cancer du col de l’utérus sont trop grosses, il n’est pas sécuritaire de procéder à une trachélectomie pour préserver l’utérus et la fertilité. « Dans cette étude, on réduit d’abord la taille de la tumeur par chimiothérapie et, par la suite, on procède à la trachélectomie chez les patientes ayant bien répondu à la chimiothérapie. C’est une approche assez novatrice et, jusqu’à maintenant, les résultats sont intéressants. Donc c’est une autre étude qui va peut-être changer les façons de faire. »

« Si les patientes peuvent être traitées de façon sécuritaire, avec des chirurgies moins invasives, avec moins d’effets secondaires, eh bien nous aurons fait avancer la science, et ça aura été ma contribution! », conclut la Dre Plante.

 


Notes

  1. Trachélectomie radicale : « La trachélectomie élargie est une chirurgie pratiquée pour enlever le col de l’utérus, la partie supérieure du vagin et les tissus de soutien voisins. Le reste de l’utérus, les trompes de Fallope et les ovaires restent en place. [...] Elle peut être une option pour les jeunes femmes atteintes d’un cancer précoce du col de l’utérus de petite taille (2 cm ou moins) qui souhaitent tomber enceintes un jour. » Source : Société canadienne du cancer

  2. Hystérectomie radicale : « L’hystérectomie est une chirurgie qui consiste à enlever l’utérus. […] Lors d’une hystérectomie totale, on enlève le col de l’utérus et l’utérus. Lors d’une hystérectomie radicale, on enlève le col de l’utérus, l’utérus, certains des tissus et structures situés près du col de l’utérus, la partie supérieure du vagin ainsi que les ganglions lymphatiques voisins. » Source : Société canadienne du cancer.  

  3. Conisation : chirurgie qui consiste à retirer une partie du col de l’utérus.

  4. Laparoscopie : « La laparoscopie est une intervention qui permet d’examiner l’abdomen ou le bassin à l’aide d’un laparoscope, qui est un instrument mince semblable à un tube muni d’une source lumineuse et d’une lentille. [...] On peut aussi avoir recours à la laparoscopie pour retirer certains organes du bassin et de l’abdomen, comme l’utérus, les ovaires, la vésicule biliaire ou l’appendice. » Source : Société canadienne du cancer

  5. Laparotomie : technique chirurgicale qui consiste à inciser l’abdomen pour faire l’opération.


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Dernière révision du contenu : le 22 avril 2024

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