Comment concrétiser la fluidité pour augmenter la capacité?

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Au CHU de Québec-Université Laval (CHU), la Direction adjointe de la fluidité (DAF) a été créée à l’automne 2022 avec pour mandat d’optimiser l’accès aux soins et aux services hospitaliers pour l’ensemble de la population en adéquation avec les ressources disponibles et en mettant au cœur des décisions l’usager ainsi que la pertinence des mouvements des patients dans nos hôpitaux. Mais comment fait-on pour augmenter la fluidité alors que les ressources sont limitées?

« Selon les bonnes pratiques, il faut avoir le bon patient, au bon endroit, au bon moment, répond Philippe Paquin-Piché, coordonnateur à la fluidité – Flux patients et processus d’affaires. Mais pour cela, la DAF doit avoir une vision globale des mouvements des usagers dans l’établissement plutôt qu’une vision par secteurs, comme c’est souvent le cas. » 

Pour illustrer cette vision globale, M. Paquin-Piché utilise l’image d’une rivière dans laquelle des roches bloquent le passage aux poissons. Cette rivière, c’est l’épisode de soins : lorsqu’il est possible d’éliminer des « roches », ou des bloquants, la trajectoire devient plus fluide et sa durée s’en trouve diminuée. Cela permet au patient de quitter l’établissement de façon sécuritaire et crée, par la même occasion, de l’accès pour d’autres usagers. 


L’épisode de soins est comme une rivière dans laquelle les poissons (usagers) tentent d’avancer malgré les roches (bloquants).


Des bloquants, dans un épisode de soins, il peut y en avoir beaucoup, et de toutes sortes. Par exemple, il peut s’agir d’un manque de capacité dans un secteur pour réaliser un examen, ce qui prolonge le temps d’hospitalisation du patient. 

Afin de pouvoir retirer les bloquants, ou du moins les limiter, la coordination entre les différents services de l’hôpital (imagerie, laboratoires, brancarderie, etc.) doit être optimisée, d’où l’importance d’avoir une vision plus globale de ce qui se passe dans l’hôpital.

Et pour avoir cette vision globale, la Direction adjointe de la fluidité mise sur Le Carrefour, un « espace de commandement » où les données liées aux activités de l’établissement sont regroupées et sont transmises en temps réel. Ce projet pilote, qui se déroule à l’Hôpital Saint-François d’Assise, est conjointement réalisé avec la Direction de la performance, de la valorisation des données et de la transformation numérique (DPVDTN). 
 

Une démarche impliquant plusieurs experts

Pour s’inspirer et mieux comprendre comment cela fonctionne, l’équipe a visité plusieurs espaces de commandement, dont ceux du Jewish General Hospital de Montréal et du Humber River Hospital de Toronto. M. Paquin-Piché rapporte que selon les données de l’hôpital ontarien, « l’utilisation de l'espace de commandement a été comparable à l’ouverture de 35 nouveaux lits, uniquement parce que les épisodes de soins sont mieux coordonnés. Ils sont tellement avancés dans ce modèle – tous les patients sont branchés et ils ont une infirmière experte à temps plein dans l’espace fluidité – qu’ils ont réussi à diminuer de 41 % les "codes bleus" [arrêts cardiorespiratoires] et de 34 % le temps requis pour l’attribution des lits aux patients admis. » 

L’équipe a également visité les espaces de commandement existant dans d’autres domaines, dont ceux du Réseau de transport de la Capitale et du Centre de gestion de la mobilité intelligente de la Ville de Québec. Ces visites ont permis d’analyser le processus de décision basé sur les données dans un tel espace et de s’en inspirer pour Le Carrefour. 

Après cette série de visites, des ateliers ont été réalisés afin d’impliquer et de rassembler l’expertise d’intervenants des principales directions concernées qui influencent l’épisode de soins ainsi que des intervenant(e)s du Centre intégré universitaire de Santé et Services sociaux de la Capitale-Nationale (CIUSSSCN) (parce que l’épisode de soins peut commencer avant l’arrivée à l’hôpital et se poursuivre après la sortie de l’hôpital). 

Au cours de ces travaux, les bloquants et les risques ont été identifiés, de même que les principes de base – être centré patient, travailler en cohésion et en collaboration –, tandis que les souhaits et les idées ont également été exprimés.

Valérie Tremblay, assistante infirmière chef dans la Direction chirurgie et périopératoire, nous a fait part de ses impressions sur ces ateliers : « J’ai beaucoup aimé participer aux ateliers, parce que cela nous a permis de mieux comprendre les enjeux que vivent nos collègues dans les autres secteurs de l’hôpital. Avec l’expertise rassemblée durant les ateliers, on a pu profiter de l’intelligence collective afin de pousser nos réflexions assez loin. Nous avons mis nos lunettes roses pour innover dans nos solutions, en sachant qu’elles seraient réalisables dans un futur à moyen ou à plus long terme. C’était inspirant de voir tous les participants motivés pour résoudre nos problèmes en collectivité; ça m’a permis de voir qu’on peut garder espoir! » 

De même, il a été établi lors de ces ateliers que les modules (composés de processus et de tableaux de bord) du Carrefour devaient être alimentés par les systèmes d’information déjà en place et non par de nouveaux logiciels. 

Enfin, ces ateliers ont permis de définir quelles données et quels processus seraient utiles au Carrefour, ce qui a grandement influencé les modules que la Direction adjointe de la fluidité développe maintenant en collaboration avec la Direction de la performance, de la valorisation des données et de la transformation numérique.


Les ateliers regroupant les intervenants impliqués dans l’épisode de soins ont permis de définir les éléments essentiels pour créer un « Carrefour » optimal.

Petit espace deviendra grand

Depuis le printemps dernier, la phase 1 du Carrefour a été aménagée en projet pilote dans le local qui était autrefois occupé par la bibliothèque de l’Hôpital Saint-François d’Assise. Le premier module qui a été développé est celui de la gestion des flux patients. Ce dernier présente les données des taux d’occupation en temps réel – elles sont mises à jour toutes les cinq minutes – dont les départs confirmés et prévus, les admissions à venir et les lits libres ainsi que les prévisions des admissions du bloc opératoire et de l’urgence.

À l’aide de ce tableau de bord et des mécanismes déjà en place, la coordination s’organise petit à petit de manière plus globale. « Nous avons l'information nécessaire beaucoup plus rapidement, ce qui nous aide à prendre les bonnes décisions. Cela nous permet de faire des meilleures interventions afin d'améliorer les épisodes de soins de nos patients », explique Sandra Simard, coordonnatrice à la fluidité à l’Hôpital Saint-François d’Assise.

Point de vue fonctionnement, la coordonnatrice et l’agente administrative à la gestion des lits sont présentes régulièrement au Carrefour. Les autres acteurs concernés, comme les chefs de service de l’affectation, de la logistique ou encore de l’imagerie, sont pour le moment présents de manière ponctuelle, selon les besoins et les enjeux. Il n’est toutefois pas exclu d’augmenter leur temps de présence sur place s’il s’avérait que cela présente des avantages.

Plusieurs autres modules viendront s’ajouter au Carrefour au fil des prochains mois, dont ceux de l’attribution des lits, de l’urgence, des bloquants de l’épisode de soins, des ressources humaines par unité de soins, des transports externes, des patients en niveau de soins alternatif1 et des enjeux globaux de l’hôpital.

L’ensemble de ces modules permettra d’avoir une vision globale de l’établissement et des enjeux, selon M. Paquin-Piché : « Nous allons pouvoir travailler avec les directions pour proposer des solutions aux bloquants. Nous voulons que Le Carrefour permette une communication bidirectionnelle et devienne un lieu d’apprentissage, d’innovation et d’amélioration continue autant pour nous que pour les équipes terrain. »  

En effet, la DAF et la DPVDTN souhaitent démocratiser les données regroupées au Carrefour afin d’aider les unités à planifier et à se préparer, par exemple, à augmenter le nombre de ressources si la quantité d’admissions prévue est trop grande.

L’espace de commandement n’est pas encore doté de tous ses modules que déjà les idées pour l’améliorer germent. « Éventuellement, nous aimerions ajouter des indicateurs de qualité, tels que l’acuité des soins : est-ce qu’un patient est en code bleu, est-ce qu’un autre a fait une chute, bref, est-ce que l’équipe est surchargée? Ces données pourraient aiguiller les admissions vers des unités où la charge de travail est moins lourde, quand cela est possible. »


« Tout le monde a sa propre définition de la fluidité, mais pour la Direction adjointe de la fluidité, ça passe par l’analyse des mouvements des usagers dans la globalité de l’établissement », précise Philippe Paquin-Piché, coordonnateur à la fluidité – Flux patients et processus d’affaires. 
 

Un investissement payant

Il existe trois principes pour augmenter la capacité hospitalière : diminuer les arrivées non pertinentes, diminuer les durées de séjour et augmenter le nombre de lits. « Mais pour diminuer les durées de séjour et améliorer la fluidité, il faut avoir le bon patient, au bon endroit, au bon moment, réitère Julie Berger, directrice adjointe à la fluidité. Grâce à une formation sur la fluidité hospitalière donnée par l’Institute for Healthcare Improvement, nous avons pu voir que c’était prouvé que d’avoir le "bon" patient avec la "bonne" équipe, c’est-à-dire avec l’équipe qui a la bonne expertise pour bien le soigner, ça fait vraiment une différence sur les complications et sur la durée de séjour. Ce sont tous des éléments qui jouent énormément sur la fluidité et donc, sur la capacité. »

D’ailleurs, avec les travaux qui ont été réalisés en 2023-2024 par la DAF en collaboration avec les équipes impliquées dans le projet de la Nouvelle approche de soins pour améliorer la fluidité, il a été possible de réduire la durée moyenne de séjour de cinq heures et de faire 1 700 admissions de plus qu’en 2022-2023 pour l’ensemble du CHU. Et tout ça a été réalisé en utilisant 16 lits de moins! 

Comme quoi la fluidité des épisodes de soins est un investissement aussi payant pour le patient que pour l’établissement! Chose certaine, ce projet pilote servira de modèle pour un Carrefour en version élargie qui permettra de voir l’ensemble des activités dans les cinq hôpitaux du CHU de Québec-Université Laval.
 

Si vous souhaitez en savoir plus sur ce projet pilote et visiter Le Carrefour, nous vous invitons à notre journée portes ouvertes le jeudi 17 octobre 2024!

 

L’équipe souhaite souligner la participation et le travail de plusieurs personnes qui ont permis de façonner Le Carrefour :

Pour leur travail continu pour le développement des modules :

  • Raphaël Sylvain, analyste informatique – Direction de la performance, de la valorisation des données et de la transformation numérique

  • Ismaila Hadiatoulaye Barry, analyste informatique – Direction de la performance, de la valorisation des données et de la transformation numérique

  • Marie-Pier Grondin, agente de planification, de programmation et de recherche – Direction de la performance, de la valorisation des données et de la transformation numérique

 

Pour leur implication lors des ateliers de travail pour co-construire Le Carrefour :

  • Virginie Girard, chef de service – Direction des services professionnels et des affaires médicales

  • Jévanie Chouinard, assistante infirmière chef, Direction médecine

  • Julie Laberge, chef de service – Direction des soins infirmiers

  • Sandra Simard, coordonnatrice fluidité – Direction adjointe à la fluidité

  • Julie Maranda, adjointe à la directrice – Direction chirurgie et périopératoire

  • Noémie Diamant-Léonard, agente de planification, de programmation et de recherche – Direction de la qualité, de l’éthique et de l’évaluation

  • Yanick Charron, conseiller cadre – Direction de la qualité, de l’éthique et de l’évaluation

  • Éric Cloutier, chef de service – Direction de la logistique

  • Eliane Cantine, chef de service – Direction de la logistique

  • Edith Plante, chef de service – CIUSSS-CN

  • Julie Hudon, coordonnatrice professionnelle en physiothérapie – Direction des services mutlidisciplinaires

  • Marie-Pier Morin, coordonnatrice gestion des lits – CIUSSS-CN

  • Sandrine Dupont, chef de service – Direction de la performance, de la valorisation des données et de la transformation numérique

  • Isabelle Pellerin, coordonnatrice du bloc opératoire – Direction chirurgie et périopératoire

  • Mikael Chabot, chef d’unité – Direction des soins critiques

  • Audrey Lizotte, agente de planification, de programmation et de recherche – Direction de la performance, de la valorisation des données et de la transformation numérique

  • Cathy Simard, coordonnatrice d’activité – Direction des soins infirmiers

  • Chantale Dufour, chef de service – Direction des services multidisciplinaires

  • Audrey Maranda, assistante au supérieur immédiat – CIUSSS-CN

  • Josée Guillemette, chef de service – Direction des soins infirmiers

  • Dre Isabelle Lévesque, directrice adjointe – Direction des services professionnelles et des affaires médicales

  • Jean d’Arc Gase, assistant infirmier chef – Direction des soins critique

  • Victoria D’Anjou, chef de service – Direction de la logistique

  • Valérie Tremblay, assistante infirmière chef – Direction chirurgie et périopératoire

  • Félix Brochu, agent de gestion du personnel – Direction des ressources humaines

  • Adrien Vézo, ancien adjoint à la directrice – Direction de la qualité, de l’évaluation et de l’éthique


Merci pour votre engagement et merci à notre haute direction pour le soutien dans la réalisation de ce projet! 

 


Note
1.    Niveau de soins alternatif : « Le terme "Niveau de soins alternatif (NSA)" est utilisé pour désigner le statut d’un patient qui "occupe un lit dans un établissement sans qu’il nécessite le niveau de ressources ou de services dispensés dans l’unité de soins où il se trouve". […] En plus d’être dispendieuse, une attente en NSA a des répercussions sur la disponibilité des lits hospitaliers qui restent occupés par ces usagers. S’ajoutent à cela des enjeux importants liés à l’efficience des systèmes de santé et de services sociaux. » Source : Institut national d’excellence en santé et services sociaux, https://www.inesss.qc.ca/publications/repertoire-des-publications/publication/organisation-des-soins-et-services-en-lien-avec-les-niveaux-de-soins-alternatifs-nsa.html (page consultée le 19 juillet 2024).


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Dernière révision du contenu : le 7 octobre 2024

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