Le principe ALARA - Culture radioprotection

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« Tout est poison, rien n’est poison : c’est la dose qui fait le poison. »


Cette citation célèbre est celle du médecin et philosophe suisse Paracelse qui a vécu au 16e siècle et qui a été l’un des initiateurs de la médecine moderne. Il a reconnu que la maladie ne résultait pas d’un déséquilibre des « humeurs », comme c’était la croyance à l’époque, mais plutôt d’une cause particulière que seul un remède spécifique pouvait traiter. Il avait également compris qu’une substance toxique peut être bénéfique à petite dose et qu’une substance en principe inoffensive peut devenir toxique à grande dose.

Il est bien connu aujourd’hui que l’exposition aux radiations peut entraîner des effets néfastes sur la santé, mais leur utilisation contrôlée en milieu médical peut également, et surtout, amener des bénéfices considérables pour la santé des patients. Comment donc s’assurer que la radiation est sans danger? 

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Les bases du principe ALARA

En 1954, la Commission internationale de protection radiologique (ICRP) énonce pour la première fois les prémisses de ce qui allait devenir le principe ALARA : « Bien que les valeurs proposées pour les doses maximales permises sont telles qu’elles représentent un risque qui peut être faible comparé aux autres dangers de la vie, néanmoins, en vue des preuves incomplètes sur lesquelles ces valeurs sont basées, en accord avec la connaissance que certains effets des radiations peuvent être irréversibles et cumulatifs, il est fortement recommandé que chaque effort soit fait pour réduire l’exposition de tous les types de radiations ionisantes au niveau le plus bas possible. »

Et ajoute la précision suivante au sujet d’une exposition planifiée : « L’exposition aux radiations du patient doit être réduite tant qu’elle demeure compatible avec le succès d’un examen diagnostic ou d’un traitement thérapeutique. »

Cette définition se raffine pour devenir, en 1959, « que toutes les doses soient tenues aussi basses que praticable », puis « aussi basses que facilement atteignable, les considérations économiques et sociales étant tenues en compte » en 1965, puis « aussi basses que raisonnablement atteignables » en 1973. Ce qui nous mène à l’énoncé de 1977 encore utilisé aujourd’hui : « Que toutes les expositions doivent être aussi basses qu’il soit raisonnablement possible d’atteindre, compte tenu des facteurs économiques et sociaux. »

C’est ce que l’on nomme « le principe ALARA » : As Low As Reasonnably Achievable.

L’aspect raisonnable et les facteurs économiques et sociaux
Il peut paraître surprenant de voir l’aspect du « raisonnable » inclus dans la définition actuelle, alors que la proposition initiale mentionnait une exposition « au niveau le plus bas possible ». La différence de terme est subtile, mais elle permet d’éviter de bannir toute utilisation des radiations à usage médical. En effet, le niveau le plus bas possible signifie tendre vers l’exposition nulle, donc ne tolérer aucune utilisation des rayons X et aucun traitement de radiothérapie! L’aspect « raisonnable » permet donc de bénéficier des avantages de cette technologie lorsqu’ils sont justifiés. De plus, il faut savoir que chacun d’entre nous est exposé à la radiation d’origine naturelle (rayons cosmiques, alimentation, etc.) en quantité équivalente à celle d’une quarantaine de radiographies du thorax annuellement sans que cela n’ait de conséquence sur notre santé!

Les facteurs économiques et sociaux permettent de considérer ces notions dans la définition des niveaux de risques raisonnables. Cela inclut les avantages de recevoir des examens médicaux pour la société et la santé des individus ainsi que les coûts que cela entraîne, mais aussi ceux qu’ils permettent d’épargner. 

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Du principe ALARA à l’optimisation

Lorsque le principe ALARA a été énoncé et accepté, il avait pour objectif d’assurer un environnement sécuritaire aux travailleurs et aux personnes exposées aux radiations. Cependant, peu de considérations concernaient spécifiquement la réduction de la dose de radiation reçue par les patients dans le cadre de leurs examens radiodiagnostiques. Ce n’est qu’en 1990 que l’ICRP propose que les doses utilisées pour les examens radiodiagnostics soient optimisées et en 1996 qu’elle présente des niveaux de références diagnostiques (NRD). Les NRD deviennent alors une cible à atteindre en terme d’exposition aux radiations des patients dans le cadre de leurs examens et permet d’optimiser les doses en accord avec le principe ALARA.

La définition du principe d’optimisation en radioprotection nous vient des recommandations de 2007 de l’ICRP : « L’optimisation de la protection radiologique consiste à garder les doses aussi basses qu’il soit raisonnablement possible d’atteindre, tenant compte des facteurs économiques et sociaux, et se décrit le mieux comme étant une gestion de la dose de radiation au patient correspondante à l’objectif médical. » Cet objectif médical consiste à l’obtention de l’image ou du traitement désiré.

De raisonnable à « diagnosticable »
L’intérêt pour l’optimisation des doses en imagerie médicale répond à deux préoccupations principales présentes dans le milieu médical depuis une quinzaine d’année. D’une part, il est apparu que les enfants pourraient bénéficier d’une diminution de leur exposition aux radiations en ajustant les protocoles des appareils d’imagerie médicale. Compte tenu de leur plus petite taille et de leur plus grande sensibilité aux rayons, il est inutile de les exposer aux protocoles adultes. D’autre part, la réduction de l’exposition aux radiations diminue également la qualité des images acquises. La question se pose alors de savoir jusqu’à quel point peut-on « raisonnablement » diminuer cette qualité sans compromettre l’interprétation des images ou le succès d’un traitement?

Le principe ALADA a été proposé en 2014 par Jerrold T. Bushberg, professeur clinique de radiologie et de radio-oncologie à l’University of California – Davis School of Medicine. Ce principe considère que l’amélioration continue de la justification et de l’optimisation des doses de radiation en radiodiagnostic est importante afin de maintenir ces expositions à des niveaux aussi bas que « diagnostiquement » acceptables (ALADA : As Low As Diagnostically Acceptable). Cette variation de l’acronyme ALARA met l’emphase sur l’importance d’optimiser, plutôt que de simplement minimiser, l’exposition aux radiations en imagerie médicale. En effet, une trop faible exposition aux rayons X risque de produire des résultats d’examen d’une qualité diagnostique insuffisante. Ainsi, le risque potentiel de manquer un détail clinique important lors d’un examen justifié cliniquement surpasse le bénéfice potentiel d’une réduction modeste de dose. De plus, un examen rejeté en raison d’une qualité diagnostique insuffisante doit être repris, ce qui expose le patient à une dose environ deux fois plus élevée.

Ainsi, bien que l’optimisation permette de répondre à l’aspect « raisonnable » du principe ALARA et « diagnosticable » du principe ALADA, on doit rappeler qu’aucune exposition ne peut être acceptable si elle n’est pas justifiée cliniquement (principe de justification) basée sur les lignes directrices de référence. L’Association canadienne des radiologistes et l’Association canadienne pour la radiologie d’intervention fournissent ces lignes directrices sur leurs sites internet. D’autres initiatives, telles que Image Gently pour les patients pédiatriques, Image Wisely pour l’optimisation des doses en général et leur version canadienne, Imagerie Sécuritaire Canada, contribuent à assurer l’utilisation sans risque des rayons X en imagerie médicale (voir le premier article Culture radioprotection à ce sujet).

La sécurité des travailleurs et des patients : une priorité en radioprotection
Les deux grands principes ALARA et ALADA guident l’utilisation sécuritaire des radiations dans nos centres hospitaliers. Que ce soit lors du choix des protocoles d’imagerie, de la conception des salles et du blindage présents dans les murs, de la rédaction des procédures spécifiques en laboratoire ou de la vérification des systèmes d’urgence en radiothérapie, tout est réfléchi en fonction de l’application de ces principes. Bien sûr, les travailleurs œuvrant dans ces milieux les connaissent bien et les mettent en application au quotidien. Toutefois, l’ensemble des travailleurs peut également bénéficier de ces  connaissances et les partager : c’est ainsi que se développe une culture de la radioprotection! 

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L’équipe de la radioprotection fait partie du service de physique médicale et de radioprotection, laquelle est responsable de soutenir et de conseiller les différents services du CHU dans les applications médicales de la physique.

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Mario Chrétien, responsable de la radioprotection, poste 47188
Paget de garde en radioprotection : 418 686-5717
 

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L’histoire de la radioprotection, un antécédent du principe de précaution

Publications de l’ICRP (certaines sont disponibles en français)

Discours de Jerrold T. Bushberg au cours duquel le principe ALADA a été proposé

 

Image Paracelse : domaine public, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=605490
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2 mai 2024

Les informations données ici sont très importantes .
Elles nous permettraient de bien cerner le principe radioprotection afin d ' assurer au mieux la protection du personnel et nos patients des rayonnements.

Par Moussa diarra
21 janvier 2022

Très compréhensible

Par Janvier

Dernière révision du contenu : le 3 décembre 2021

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